Images de page
PDF
ePub

qu'à nous. Il y a dans cette façon de penser et de parler, beaucoup d'ignorance ou de malignité. En effet, saint Cyrille nous a conservé la plus grande partie des trois livres de Julien contre le christianisme, sans rien changer aux expressions de ce prince, il n'en a retranché que quelques blasphêmes qui ne faisaient rien à la question. Eh bien! qu'y trouve-ton? Des objections pitoyables, des sophismes qui ne peuvent tromper que ceux qui veulent l'être. Celui qui les propose décèle partout son embarras, et tente inutilement de donner un air de vérité à la cause dont il est le défenseur. Porphyre n'était pas plus redoutable aux chrétiens. Enthousiaste jusqu'à l'extravagance, il se perdait dans un chaos de chimères dont son imagination déréglée se repaissait. Quant à Celse, Origène rapporte toutes ses objections, et y donne des réponses qui satisferont certainement tout homme sensé.

Si le christianisme avait eu quelque endroit faible, ses premiers ennemis l'auraient sans doute découvert. On sait de quoi est capable la haine soutenue par tous les moyens que peuvent fournir l'autorité des lois, l'habileté et l'artifice. D'ailleurs, il s'agissait de faits encore tout récens, et dont il suffisait de montrer la fausseté. Si ces faits n'avaient été appuyés que sur des impostures, il était aisé d'en donner la preuve. Quel avantage n'aurait-on pas tiré de l'aveu des chrétiens apostats, que rien n'empêchait plus de parler? Le christianisme ayant résisté à de pareilles épreuves, on en doit nécessairement conclure que son origine est divine. Nous finirons cet article par les deux réflexions suivantes. 1o Les premiers incrédules n'ont jamais pu répliquer aux apologistes de la religion chrétienne; donc leurs objections avaient été solidement réfutées. Cette conséquence paraîtra juste à tous ceux qui connaissent la trempe de l'esprit humain, et qui savent que dans les disputes où il est question de choses importantes, on ne cède le terrain que quand on ne peut plus le défendre. 2o Les premiers adversaires de notre religion n'ont point contesté la vérité des miracles opérés par Jésus-Christ et par les apôtres; ils les ont seulement attribués à la magie. Ces miracles étaient donc des faits que l'on ne pouvait révoquer en doute; des faits dont la certitude était inébranlable. Voyez les témoignages de Celse, dans Origène, 1. 1 et 2; des juifs, dans Tertullien, contra Judæos, c. 9, p. 48; de Julien l'Apostat, dans saint Cyrille, 1. 6, p. 191, t. VI, part. 2 ; de Porphyre, dans saint Jérôme, l. contra Vigilant, etc.

Quant au témoignage d'Origène, concernant les miracles opérés de son temps, voici ce qu'en dit Jortin, t. II, p. 249. « Origène parle » des miracles qui s'opéraient de son temps, comme de malades gué>> ris et de démons chassés par l'invocation du nom de Jésus. Il rap» porte que plusieurs embrassèrent le christianisme en conséquence de » visions et de révélations. Il s'exprime sur quelques unes de ces choses

» comme un homme bien instruit, et il prend Dieu à témoin que ce qu'il dit est vrai. Un tel homme est incapable d'en imposer, et de » donner comme vrais des faits qu'il eût su ou même soupçonné être » faux. »

7o Outre les ouvrages d'Origène dont nous avons parlé, il nous reste encore de lui deux lettres, l'une adressée à Jules-Africain, et l'autre à saint Grégoire Thaumaturge. Il en avait écrit un plus grand nombre; mais elles sont perdues, et nous n'avons plus que des fragmens de quelques-unes, Origène, dans sa lettre à Jules-Africain, prouve la vérité de l'histoire de Suzanne.

Le style d'Origène n'est point assez serré; on y trouve souvent des longueurs. Ses commentaires sur l'Écriture sont trop remplis d'allégories tirées de loin, et quelquefois arbitraires. Son style est plus châtié dans ses ouvrages de controverse. S. Basile et S. Grégoire de Nazianze estimaient beaucoup les écrits d'Origène ; ils en recueillirent un grand nombre d'extraits que nous avons encore sous le nom de Philocalie. Les ennemis de ce Père ont tâché inutilement de le déprimer. Les lecteurs non prévenus admireront toujours en lui une vaste érudition, jointe à la profondeur du génie et aux plus brillantes qualités de l'esprit.

L'édition des œuvres d'Origène, par les Bénédictins, est la plus complète que nous ayons; elle a été commencée par D. Charles de la Rue, qui en a publié les deux premiers volumes. Le troisième, qu'il avait préparé, parut, en 1749, par les soins de D. Charles-Vincent de la Rue son neveu. Ce dernier donna, en 1759, un quatrième volume, avec des notes fort judicieuses sur plusieurs endroits des Origeniana de M. Huet.

ww

SAINT AZADE (1), ET PLUSIEURS AUTRES SAINTS MARTYRS

EN PERSE.

Tiré de leurs actes sincères, écrits par saint Maruthas, et publiés par M. Assêmani, Act. Mart. t. I, p. 42.

L'AN 341.

La trente-deuxième année (2) du règne de Sapor II, le jour même où souffrirent saint Siméon et ses compagnons, c'est-à-dire, le vendredi-saint, qui était le 17 d'Avril de notre année solaire, il parut en Perse un édit sanglant qui menaçait de l'esclavage, et même de la mort, les chrétiens qui ne renonceraient pas à leur religion. On ne voyait de toutes parts que des instrumens de supplices. Les fidèles, loin de trahir leur foi, volaient généreusement à la mort, et les bourreaux fatigués s'avouèrent plus d'une fois vaincus par les victimes de leur cruauté. « La croix, dit » saint Maruthas, germa sur le bord des ruisseaux de sang. » La vue de ce signe salutaire fit tressaillir de joie la sainte troupe des fidèles; elle les remplit d'un nouveau courage qu'ils inspirèrent aux autres. Enivrés des eaux fécondes » du divin amour, ils enfantèrent une race spirituelle digne » de leur succéder. » On ne cessa de massacrer les chrétiens depuis la sixième heure du vendredi-saint jusqu'au second dimanche de la Pentecôte (3).

[ocr errors]
[ocr errors]

(1) Cassidore l'appelle aussi Azane.

(2) Et non la trente-troisième, comme le disent Sozomène et ceux qui l'ont copié.

(3) C'est-à-dire, jusqu'au premier dimanche d'après Pâques, vulgairement appelé le dimanche de Quasimodo. Les Syriens et les Chaldéens donnent le nom de Pentecôte à tout le temps qui s'écoule depuis la fête de la résurrection du Sauveur, jusqu'au jour où l'Église honore la descente du Saint-Esprit sur les apôtres.

La nouvelle de l'édit ne se fut par plus tôt répandue dans les provinces éloignées, que les gouverneurs emprisonnérent ceux qui adoraient le vrai Dieu, dans le dessein de les mettre à mort dès que les ordres du prince seraient parvenus jusqu'à eux. A peine les eurent-ils reçus, que tous ceux qui se dirent chrétiens furent inhumainement égorgés. Parmi les fidèles dont le sang coula pour Jésus-Christ était un eunuque chéri du Roi, et qui se nommait Azade, Sapor fut si vivement touché de sa mort, qu'il publia un autre édit, par lequel il restreignait la persécution aux évêques, aux prêtres, aux moines et aux religieuses. Il y eut en cette occasion une multitude innombrable de martyrs de tout sexe et de tout âge, dont on ne sait pas les noms. Sozomène en compte seize mille; mais un ancien écrivain persan (1) en fait monter le nombre jusqu'à deux cent mille.

Sur ces entrefaites, la Reine de Perse tomba dangereusement malade, Les juifs, qui avaient toute sa confiance, lui persuadèrent que sa maladie venait d'un sortilége employé par les sœurs du bienheureux Siméon, lesquelles voulaient par-là venger la mort de leur frère. On se saisit aussitôt de la vierge Tharba (2) et de sa sœur, qui étant devenue veuve, s'était engagée par vœu à passer le reste de sa vie dans la continence. La servante de Tharba, qui était vierge aussi, fut également arrêtée (3). On les conduisit tou

(1) Cet écrivain a été publié par Renaudot. Voyez sur ces martyrs, Cassiodore, Hist. tripart. 1. 3 c. 2, et Nicéphore, Hist. ecclés. 1. 8,

c. 37.

[ocr errors]

(2) Henschénius et Ruinart, d'après les Grecs, l'appellent Pherbute par corruption.

(3) On trouve, dès la naissance du christianisme, des personnes consacrées à Dieu par le vœu de chasteté perpétuelle. Il est dit dans les actes des apôtres, c. 21, que le diacre Philippe avait quatre filles vierges; de là vient que Tertullien s'écrie « Combien n'y a-t-il pas d'eu

tes les trois devant les juges, où elles furent accusées d'avoir rendu la Reine malade par leurs enchantemens. Tharba détruisit cette accusation, en montrant que le crime dont on les accusait n'était pas moins contraire à la loi divine que l'idolâtrie. Et comme l'on disait que c'était un moyen employé par la vengeance, elle ajouta : « Quelle raison pouvions-nous avoir de venger la mort de notre frère, puisqu'en quittant une vie périssable, il est entré dans

[ocr errors]
[ocr errors]

»> nuques volontaires, et de vierges de l'un et de l'autre sexe! Quot » spadones voluntarii! Quot virgines utriusque sexús! » De resur. carnis. Saint Ambroise, Exhort. ad Virg., parle de vierges consacrées à Dieu par la réception d'un voile que l'évêque bénissait à la messe. Il y avait des vierges qui se consacraient à Dieu sans recevoir de voile ; mais elles avaient un habit distinctif, qui était modeste, et de couleur noire ou grise. Les religieuses proprement dites s'appelaient en Syrie filles de l'alliance. On comprenait sous cette dénomination les diaconesses et les chanoinesses, c'est-à-dire, celles qui non-seulement avaient fait vœu de virginité, mais qui, en plusieurs endroits, étaient chargées de chanter les louanges de Dieu dans l'église, comme nous le voyons par la vie de saint Ephrem, écrite en syriaque. C'est dans cette classe qu'on doit mettre plusieurs vierges qui souffrirent en Perse, comme sainte Varda, les deux saintes Thècles, les trois saintes Maries, sainte Danacha, sainte Tatona, sainte Mama, sainte Muzachia, sainte Anne, sainte Abiatha, sainte Hates, sainte Malaca, sainte Tata, sainte Ama, sainte Adrana et sainte Maraca. La raison en est que les Syriens leur donnent le titre de Bnath Kiama, ou de filles de l'alliance. Les vierges de toutes les classes dont nous venons de parler, vivaient dans des maisons particulières avant la fondation des monastères : mais il n'y avait point d'hommes dans ces maisons; c'est ce que nous apprenons de saint Cyprien, 1. 1, ep. 11. Le même Père dit, ibid., que si une de ces vierges fût tombée dans l'incontinence, elle eût été regardée comme une incestueuse et une adultère, pour avoir manqué de fidélité à Jésus-Christ son divin époux. On devait, selon Tertullien, l. de Virg. Veland., traiter de sacriléges celles qui abandonnaient un habit consacré à Dieu. Ces vierges menaient une vie retirée, se mortifiaient par des jeûnes rigoureux, et employaient leur temps à la prière et au chant des hymnes. Elles étaient comme les religieuses dont il est parlé dans saint Ambroisaint Jérôme, etc.

se,

« PrécédentContinuer »