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C'est une maxime fondamentale du christianisme, et fortement inculquée dans l'évangile (1), qu'on ne peut arriver que par les croix à la béatitude éternelle. JésusChrist, notre chef et notre modèle, n'est entré dans la gloire que par cette voie (2); il semble donc que cette matière ne devrait éprouver aucune contradiction dans la pratique. Le Sauveur l'a recommandée par ses paroles et ses exemples; les Saints y ont conformé leur vie ; les martyrs sur-tout l'ont scellée de leur sang. La plupart des chrétiens cependant se laissent effrayer par le nom seul de mortification et de souffrances. On croirait qu'ils sont nés uniquement pour se procurer toutes sortes de plaisirs. Les choses en sont venues à un point, que ceux qui font profession de vertu, ont besoin d'un grand courage pour ne pas se laisser entraîner par le torrent du mauvais exemple. Lorsqu'on réfléchit sur ce qui se passe dans le monde, et qu'on y voit tant de gens se promettre le ciel avec une conduite tout-à-fait anti-chrétienne, on ne peut s'empêcher de s'écrier: Eh quoi donc ! l'évangile estil changé ? Entrera-t-on dans le ciel par une autre voie que Jésus-Christ? Partagera-t-on le bonheur des Saints, en faisant tout le contraire de ce qu'ils ont fait.

(1) Matt. V, 5, 10; X, 38; XI, 12; Luc, VI, 25; IX, 23, etc. (2) Hebr. IX, 12, etc.

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S. RIQUIER, ABBÉ DANS LE PONTHIEU (1).

Vers l'an 645.

CE Saint naquit au village de Centule, en Ponthieu (2). Ses parens, peu favorisés des biens de la fortune, mais fort recommandables par leur piété, l'élevèrent dans la crainte du Seigneur. Il passa ses premières années dans les travaux de la vie champêtre, qu'il sut toujours sanctifier par les grands motifs que suggère le christianisme. La Providence qui le destinait à être un modèle de toutes les vertus, lui fournit l'occasion suivante d'apprendre les moyens qui conduisent à la perfection.

Deux prêtres irlandais, nommés Cadoc et Frichor passant par le Ponthieu, furent maltraités par le peuple. Riquier les retira dans sa maison, et leur rendit tous les services qui dépendirent de lui. Dieu le récompensa surle-champ de la charité qu'il avait exercée. Ses hôtes lui enseignèrent à pratiquer les plus belles maximes de la morale chrétienne, et il fut si touché de leurs discours, qu'il résolut dès-lors de ne plus vivre que pour le Seigneur. Les austérités de la pénitence ne lui offrirent plus que des délices. Il se réduisit à ne plus manger que du pain d'orge pétri avec de la cendre, et à ne plus boire que de l'eau qu'il mêlait souvent de ses larmes. Il joignait de longues veilles au travail des mains, et passait les jours et les nuits à prier ou à méditer. Ayant été ordonné prêtre, il se consacra tout entier à l'instruction des fidèles.

Quelque temps après, il passa en Angleterre, afin de s'y perfectionner dans la science des Saints; de retour

(1) Saint Riquier est nommé en latin Richarius.

(2) A deux lieues d'Abbeville, au-delà de la Somme.

dans sa patrie, il y reprit ses fonctions ordinaires. Ses discours produisaient partout de merveilleux fruits. Le Roi Dagobert I eut envie de l'entendre prêcher. Il fut extrêmement touché d'un sermon qu'il fit sur les vanités du monde, et il obligea le prédicateur à recevoir des présens considérables.

il

Le Saint employa ce qu'on lui avait donné à soulager les pauvres et à bâtir le monastère de Centule, dont les premiers fondemens furent jetés en 638. Quelque temps après, il en bâtit un second, appelé aujourd'hui Forest-Montier, à trois lieues et demie d'Abbeville. Le reste de sa vie, le passa, avec un seul compagnon dans la forêt de Cressy, uniquement occupé de la prière et de la contemplation. Il porta si loin l'amour des austérités, qu'il semblait avoir oublié qu'il avait un corps. Il mourut vers l'an 645. Ses reliques étaient au monastère de Centule, dit de SaintRiquier. Son nom se trouve dans les calendriers de France et dans le romain.

Voyez sa vie par Alcuin, et les pièces que Mabillon et Henschénius ont publiées.

S. PASCHASE RADBERT, ABBÉ DE CORBIE.

Vers l'an 865.

CE Saint, à qui l'on donna depuis, ou qui prit luimême le prénom de Paschase, naquit dans le Soissonnais sur la fin du huitième siècle. Il se trouva sans ressource à la mort de sa mère, qu'il perdit étant encore enfant ; mais les religieuses du monastère de Notre-Dame de Soissons se chargèrent du soin de pourvoir à sa subsistance, et confièrent son éducation aux moines de Saint-Pierre dans la même ville. Après avoir fait quelques progrès dans

les lettres et la piété, il reçut la tonsure cléricale. Malheureusement il oublia bientôt qu'il avait été consacré à Dieu; il retourna dans le monde, et y mena quelque emps une vie toute séculière. Il reconnut sa faute, et pour l'expier, il se retira dans le monastère de Corbie, où il fit profession sous saint Adélard ou Adalard, fondateur et premier abbé de cette maison.

Le nouveau religieux se regardant comme un homme destiné par état à tendre à la perfection, se fit un devoir d'observer ponctuellement tous les articles de sa règle, et d'employer tous les moyens propres à s'attacher de plus en plus au Seigneur. Une prière fervente et continuelle sanctifiait tous les instans de sa vie. Il se livra tout entier à l'étude des sciences qui avaient la religion pour objet, et s'y rendit très-habile. Un si rare mérite le rendit extrêmement cher à saint Adalard, et à Wala son frère et son successeur dans la dignité d'abbé. Il était de tous les voyages, et comme l'ame de leur conseil dans les affaires les plus importantes. En 822, ils le menèrent avec eux en Saxe pour confirmer l'établissement de la nouvelle Corbie. L'Empereur Louis le Débonnaire l'estimait singulièrement; plus d'une fois il le chargea d'affaires difficiles, et il n'eut jamais qu'à se louer de lui avoir donné sa confiance.

Radbert exerça dans son monastère la plus importante de toutes les fonctions, celle d'annoncer la parole de Dieu les dimanches et les fêtes; il donna aussi des leçons publiques à la jeunesse, et l'école de Corbie acquit sous lui une très-grande célébrité. On compta parmi ses disciples Adalard le jeune (1), saint Anchaire, Hildeman et Eudes, qui furent successivement évêques de Beauvais, Warin,

(1) Il gouverna l'abbaye de Corbie durant l'absence de saint Adalard son oncle, surnommé l'ancien.

abbé de la nouvelle Corbie, etc. Tant d'occupations ne l'empêchaient point d'assister régulièrement au chœur ; et l'étude ne lui parut jamais une raison suffisante pour être dispensé de l'observation de la règle.

En 844, il fut élu abbé de Corbie, quoiqu'il ne fût que diacre (1). Deux ans après, il assista au concile de Paris (2), Il assista aussi, en 849, à celui qui se tint à Quercy contre Gotescalc. Les distractions, nécessairement attachées à sa place, lui firent regretter l'état de simple religieux. Il offrit sa démission, qui ne fut acceptée qu'en 851. Rendu à lui-même, il se retira dans l'abbaye de Saint-Riquier, pour y mettre la dernière main à quelques-uns de ses ouvrages.

De retour à Corbie, il y vécut, comme auparavant, dans la pratique de toutes les vertus, ne se distinguant des autres religieux que par sa modestie et son humilité. C'est par une suite de cette dernière vertu qu'il se nomme souvent dans ses ouvrages, le rebut de l'état monastique (3), Il mourut à Corbie le 26 Avril vers l'an 865, et fut enterré dans la chapelle de Saint-Jean. En 1073, son corps fut transféré dans la grande église par l'autorité du SaintSiége. On trouve son nom dans le martyrologe gallican, et dans celui des Bénédictins.

Voyez sa vie composée par le P. Sirmond, à la tête de l'édition que ce savant Jésuite a donnée des œuvres du Saint, ainsi qu'une autre vie que D. Hugues Ménard a tirée des archives de Corbie, et qu'il a insérée dans ses notes sur le martyrologe bénédictin. Voyez aussi Ceillier, t. XIX, p. 87; les auteurs de l'Hist. litt. de la France, t. V, p. 287, et Légipont, Hist. littér. Ben. III, p. 77.

(1) Il fut le quatrième abbé de Corbie, et succéda à Isaac, Celui-ci avait succédé, en 836, à Wala, frère de saint Adalard.

(2) Il n'y prit que le nom de Radbert; mais dans les ouvrages qu'il composa ensuite, il y ajouta le prénom de Paschase. C'était alors la coutume parmi les gens de lettres, sur-tout en France, de prendre des prénoms latins.

(3) Monachorum peripsema.

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