souvent elle a refusé à des hommes de génie, le don d'exprimer, de représenter leurs conceptions? Et qui ne se souvient pas de ce que dit Lessing dans son Emilia (1), lorsqu'il s'écrie: « combien la route est lon» gue de l'imagination jusqu'au pinceau, et » que d'hommes qui s'égarent durant la >> route ! »

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La majeure partie de la galerie de Dusseldorff consiste en tableaux flamands. J'espère, durant mon excursion dans le Brabant

(1) Emilia Galéotti, tragédie en cinq actes, du célèbre Lessing, l'homme le plus savant de son siècle, et l'un des plus célèbres écrivains de l'Allemagne : même sujet que Virginie. La jeune et belle Emilia est promise au comte Appiane, dont elle est tendrement aimée. Mais elle a eu le malheur d'inspirer en même temps une violente passion au prince Massa Carera. Marinelli, ministre de Massa, fait assassiner par des prétendus voleurs l'époux futur de la sensible Emilia. Le prince n'a point commandé ce crime, mais il en profite; et s'offrant tout-à-coup aux yeux d'Emilia, de sa mère, et de son père Odoardo, il les emmène dans un de ses châteaux, voisin du lieu de la scène. Bientôt il devient pressant, et menace d'user de violence. La malheureuse Emilia, indignée d'un tel outrage, et désolée de la perte de son amant, demande la mort à Odoarde son père, et l'obtient.

et la Flandre, en rencontrer encore plusieurs autres qui achèveront de me réconcilier avec les peintres de cette école. Car souvent il m'est arrivé à Dusseldorff, ainsi qu'à Postdam, à Cassel, à Dresde, à Vienne et à Manheim, de n'êtrè que médiocrement ému à la vue de certains tableaux des maîtres flamands. Souvent on passe avec froideur devant les morceaux les plus estimés, parce qu'ils ne sont point l'aimable création d'un de ces génies brillans et poétiques qui commandent le sentiment. A la vérité, ce n'est pas ainsi qu'on doit visiter une galerie. Les beautés de détail, le coloris, la distribution de la lumière, la manière de groupper, ont un droit incontestable au suffrage du connoisseur. Mais, que chaque personnage soit conçu dans le style qui lui est propre. Un Dieu qui n'auroit pas le caractère qui convient à un Dieu, un héros celui d'un héros, et une jeune fille que l'on auroit négligé de pourvoir de cette grace ingénue, le charme de son âge, ne seroient à mes yeux que les productions incomplètes d'un artiste sans goût, sans génie; quand même elles. décèleroient d'ailleurs une connoissance approfondie de la nature, quand même il

auroit

auroit cu l'art de faire circuler le sang sous les chairs, et de leur donner l'élasticité et la vie. Si je me trompe, c'est avec Horace, lorsqu'il dit: Infelix operis summa, quia ponere totum nescit, malheureux est l'artiste qui, connoissant toutes les parties, net peut peindre l'ensemble!

Ah! J'en reviendrai toujours à mon prin cipe favori, parce qu'il est du petit nombre de ceux qu'il est permis d'appliquer à tous les arts. L'artiste qui ne travaille que pour exciter l'étonnement, est à peine digne de

cet étonnement.

Combien de fois aussi l'artiste n'est-il pas influencé par des circonstances particu lières, qui sont pour ainsi dire l'alliage de son talent! Le chanoine de Schouen que certes personne ne prendra pour modèle, scroit peut-être devenu un artiste habile, si la destinée marâtre et dure envers lui ne l'eût empêché d'étendre ses regards sur une sphère plus noble et plus agrandie. La superstition, le fanatisme, le goût de son siècle, ont dû l'égarer dans le choix de ses sujets, et l'ont fait nécessaire. ment échouer, sur-tout lorsqu'il a voulu allier l'agréable et l'utile.

Tome I.

G

Celui qui peint la nature morte, le peintre de genre n'est qu'un cathécumène débile; jamais il ne sera initié. Condamné à rester toujours sous le parvis, jamais il n'entrera dans le sanctuaire. La plus riche composition de ce genre peut exciter un instant la surprise du spectateur et le contraindre à l'admiration, lorsque les détails et les effets sont rendus avec vérité. Mais de telles conceptions méritent aussi peu de fixer les re gards du connoisseur que ces laides pagodes. des Indiens, dont la vue éveille dans le cœur des plus hardis un sentiment de tristesse et d'effroi. Mais examinons l'art dans l'immortel (1) Rubens, le plus infatigable

(1) (Pierre-Paul) naquit à Cologne en 1577. L'auteur de l'Abecedario pittorico, si consulté par les peintres, le fait naître à Anvers. Il fut élève de Van-Veen, et partit ensuite pour l'Italie: ayant fait à Mantoue uné étude particulière des ouvrages de Jules Romain, il alla à Venise pour y voir les tableaux du Titien, de Paul Véronèse, et du Tintoret : alors, il changea sa manière qui tenoit trop de celle du Carravage. Rubens se rendit successivement à Rome et à Gênes où l'on voit encore plusieurs tableaux de ce maître. Il n'est point d'artiste qui ait autant travaillé que lui. On trouve le catalogue de ses ouvrages, Paris, Briasson et Jombert.

Personne n'ignore, qu'il fut employé à une négocia

des peintres; celui dont le génie fut peutêtre le plus élevé, le plus vaste de tous ceux qui l'ont précédé; celui que l'on a nommé à si juste titre l'Ajax des peintres, et à qui l'on attribue environ (1) quatre mille tableaux connus; celui dont le génie s'est hasardé d'embrasser à la fois le ciel et l'enfer, et d'exprimer en un seul (2) tableau les

tion importante par Buckingam, l'infante Isabelle et Philippe IV. Il vécut riche, et mourut couvert de gloire en 1640, laissant un fils ( Albert Rubens) connu par un traité très-curieux de Re vestiarid et lato clavo.

(1) Rubens peignoit dans un jour une académie de grandeur naturelle, et faisoit exécuter par ceux de ses élèves dont il étoit le plus sûr, les ciels, les draperies et les accessoires. François Snyders, né à Anvers en 1579, et non en 1587, comme le dit le Dictionnaire historique, peignoit ordinairement les paysages, les animaux et les fleurs dans les tableaux de ce grand maître. Ce peintre excelloit en ce genre ; il a gravé už livre d'animaux, d'une excellente manière.

(2) Ce tableau, connu sous le nom du Grand Jugement dernier, est peint sur toile. Sa hauteur est de 18 pieds 7 pouces, sa largeur de 14 pieds i pouce, prises à l'arrasement du cadre. Les figures sont en général plus fortes que nature.

Wolff

Rubens composa ce magnifique tableau pour gang Guillaume, qui en fit présent à l'église des Jésuites