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au-dessus de MM. Ed. Grenier et Autran? Est-ce d'un oubli ou d'une exclusion qu'ils sont victimes? Et Henri Murger? son talent ne reste-il pas assez populaire, même en faisant la part de trop bruyantes sympathies? En remontant de quelques années, ne fallait-il pas prendre, pour représenter tous les genres, de Pongerville et Bignan? Si le bruit de la réputation et du talent imposent certains noms, n'était-ce pas celui du poëte de la Némésis, de M. Barthélemy? De tels noms devaient figurer dans un recueil des poëtes du siècle pour leur réputation ou leur mérite même, et à part toute comparaison avec d'autres poëtes, supérieurs, inférieurs ou égaux.

Que sera-ce si l'on compare? En voyant les amis auxquels on a fait les honneurs de beaucoup d'éloges et de quelques citations, les noms dont je regretterais alors l'absence ne se comptent plus. Je pourrais citer au hasard MM. du Pontavice de Heusey, L. Ratisbonne, Edm. Arnoud, Am. Pichot, Juillerat, J.-T. de Saint-Germain, Th. Bernard, Mme Collet et tant d'autres plus connus et plus dignes de l'être qu'une vingtaine de prétendus représentants de la poésie contemporaine. Je comprends qu'une société d'assurance mutuelle contre l'obscurité ait, comme l'Union des poëtes, son album où s'enregistrent les vers des sociétaires; mais quand on s'est proposé de présenter le tableau de la poésie française dans ses grandes époques, il faut choisir avec plus de sévérité et d'indépendance ce qu'on appelle les poëtes éminents de notre temps. Une circonstance aggravante des omissions qu'on peut reprocher aux Poëtes français, c'est que l'éditeur déclare « s'y être décidé en pleine connaissance de cause et de propos délibéré. » C'était une raison de plus pour nous de les signaler. Nous pardonnons comme nous désirons qu'on nous les pardonne, des lacunes involontaires, mais on doit combattre les exclusions injustes et de parti pris.

Nous regrettons de ne pouvoir accorder à la dernière

partie de ce vaste ouvrage l'estime que méritaient ses premiers volumes. Le tableau de la poésie au moyen âge et à l'époque de la Renaissance était très-bien fait et trèsintéressant; celui de l'époque classique est déjà inférieur, celui de l'époque contemporaine a faibli tout à fait. Le recueil des Poëtes français n'en restera pas moins un répertoire curieux et utile, digne d'éloges pour l'étendue même du plan et pour l'exécution des plus difficiles de ses parties. ·

On ne devinerait pas où nous pourrions trouver un recueil de morceaux choisis d'auteurs français assez complet pour former une véritable histoire universelle de notre littérature. C'est bien loin de chez nous, au bout de l'Europe du nord, dans la Suède. Singulière attraction exercée à l'étranger par le génie français ! A cinq cents lieues de Paris, on paraît éprouver un plus vif désir de connaître la France littéraire qu'en France même. Voici un recueil qui comprend à peu près tous nos auteurs dans leur suite chronologique, depuis le seizième siècle jusqu'à nos jours et où tous ceux qui ont jeté de l'éclat, même au second rang, sont représentés par des fragments assez considérables de leurs œuvres. Des notices en général courtes, mais très-précises, marquent la place de chaque écrivain dans son siècle. Cet ouvrage, ce Cours de littérature française (en suédois, Urval ur frenska, litteraturen)', n'a de suédois que le titre et une courte préface: tout le reste est en français, et, si quelques rares expressions ou tournures décèlent une main étrangère, l'abondance des renseignements et des appréciations indique un esprit trèsfamilier avec toutes nos sources d'histoire et de critique littéraire.

Divisé en quatre périodes, il prend tour à tour dans cha

1. Stockholm (1859-1861) 4 vol. in-8, xxxII-668-XXIV tome I-II, 444-438-XXXIV t. III-IV.

cune la prose et la poésie. L'auteur, le major F. N. Staaff, aujourd'hui attaché à la légion de Suède et de Norwége à Paris, ne s'arrête pas seulement aux grands noms. Tout écrivain qui a marqué, qui a exercé quelque influence, trouve ici sa place à côté des maîtres classiques. Dans la première période, par exemple, si Bossuet, Pascal, Fénélon, Labruyère, Mme de Sévigné offrent des modèles accomplis, on ne dédaigne pas de connaître des prosateurs comme Balzac, Voiture, Descartes, de Retz, Saint-Evremond, Saint-Vincent de Paul, Arnaud, Nicole, Rollin, etc.; pour les poëtes, Corneille, Racine, la Fontaine, Boileau, ne font pas oublier à l'auteur suédois Régnier, Racan, Chapelain, Lemoine, Rotrou, Scudéri, Scaron, Benserade, Brébœuf, Ségrais, Quinault, Mme Deshoullières, Chaulieu, Lafarre, la Monnoye, Campistron et tant d'autres qui ne figurent plus guère dans nos propres recueils français.

Le dix-huitième siècle est encore plus richement représenté. Les étrangers affectionnent cette époque pour laquelle il est de bon ton chez nous de se montrer ingrat. Le major Staaff pécherait plutôt par excès que par omission à l'égard des contemporains de Voltaire, de Montesquieu, de J. J. Rousseau et de Dalembert. Parmi les prosateurs, il accueille Fleury, Mme Dacier, Vertot, d'Aguesseau, du Marsais, Saurin, MMmes de Tencin, de Staal et de Gra-. figny, Duclos, Helvétius, Mably, Frédéric II, Raynal, Condillac, sans oublier, bien entendu, les Massillon, les Fontenelle, les Lesage, les Vauvenargues, les Buffon. Parmi les poëtes, reparaissent quelques uns des noms précédents au milieu de tous ceux qui cultivent les genres où prime Voltaire ou que Voltaire a dédaignés. Lamotte, Crébillon, Destouches, Louis Racine, Lefranc de Pompignan, Piron, Gresset, Gentil-Bernard, de Bernis, Saint-Lambert, Sedaine, Lemière, Dorat, Marmontel, Thomas, Rulhière, Gilbert, Boucher, Fabre d'Eglantine, sont là et vingt autres qui jouirent d'une réputation aujourd'hui éclipsée.

La place des modernes dans ce cours de littérature fait pour la Suède, est encore plus grande. Deux périodes sont distinguées, de la fin du dix-huitième siècle jusqu'à nous. La Révolution, le premier Empire et la Restauration remplissent l'une; l'autre est consacrée aux écrivains contemporains du mouvement de 1830 ou postérieurs au mouvement romantique. Nous ne possédons, pour ces deux périodes, rien d'aussi complet, pas même les Poëtes français dont nous venons de parler. La curiosité suédoise ne devra rien ignorer de nos écrivains éminents ou secondaires appartenant aux soixante-dix dernières années. Voici, pour la génération qui nous a précédés: en prose, la Harpe, Bernardin de Saint-Pierre, Mirabeau, Vergniaud, Maury, Mme Roland, Volney, J. de Maistre, Fontanes, Bonald, Mme de Staël, Napoléon Ier, Benjamin Constant, Cuvier, Royer-Collard, Chateaubriand, Droz, Marchangy, etc.; en poésie, É. Lebrun, Delille, Collin d'Harleville, J. L. Laya. Parny, Fontanes, Andrieux, Raynouard, Berchoux, les deux Chénier, Legouvé, Esménard, Désaugiers, Étienne, BaourLormian, Millevoye, Guiraud, etc.

Parmi nos contemporains à peine morts d'hier, la Suède, grâce au major Staaff, fera connaissance avec les prosateurs Kératry, de Humboldt, Beyle, Ballanche, Arago, Lamennais, Sismondi, Aug. Thierry, Balzac, Eug. Sue, Soulié, Carrel, Salvandy, etc.; avec les poëtes C. Delavigne, Béranger, Soumet, A. de Musset, Ancelot, Bonjour, Brizaux, G. de Nerval, H. Murger, Mmes de Girardin, Desbordes - Valmore, etc. Il manque ici MM. de Lamartine et V. Hugo et plusieurs autres qui retrouveront leur place dans un autre répertoire spécialement consacré aux vivants et formant le complément du Cours de littérature française.

Quoique les quatre volumes du major Staaff puissent rivaliser avec les meilleurs recueils français, nous n'osons pas leur prédire tout le succès qu'ils méritent en France

où la place est prise, sans être mieux ni même aussi bien occupée; nous ne devions pas moins leur faire un bon accueil, ne fût-ce que par amour-propre national, en montrant de quel culte fervent la littérature française est l'objet à l'étranger.

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Restitution du texte authentique des grands écrivains dans la réimpression de leurs œuvres. Collection dirigée par M. Ad. Regnier.

Le plus grand témoignage de respect que les amis dévoués des lettres puissent rendre aux écrivains de premier ordre, quand ils s'en font les éditeurs, est de livrer à nos études leurs pensées dans son expression la plus complète et leur texte dans son absolue intégrité. Le luxe du format, la beauté du papier, la splendeur des illustrations, n'ont qu'un prix accessoire, quand il s'agit des chefsd'œuvre de l'intelligence. Les commentaires perpétuels, les notes explicatives des éditions savantes sont moins un hommage au génie de l'écrivain qu'une marque de défiance souvent exagérée à l'égard du lecteur et d'une trop grande estime pour ses propres pensées. Une puissante maison. de librairie, celle qui édite nos modestes publications et dont nous nous abstenons ordinairement, par un sentiment exagéré de réserve, de louer les grandes entreprises autant qu'elles le méritent, vient d'inaugurer une collection de textes classiques digne de tous les encouragements et de toutes les sympathies. Elle a pour titre : les Grands écrivains de la France, et elle doit comprendre au moins deux cents volumes qui offriront les textes de nos meilleurs auteurs dans toute leur pureté, d'après les manuscrits, lorsqu'ils existent, ou, à leur défaut d'après les copies les plus authentiques et les plus anciennes impressions. Les variantes admises par les auteurs eux-mêmes

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