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droite un pli de terrain presque parallèle au petit mur crénelé qui relie le bastion du Mât au fond du port militaire. A gauche, on avança sur une autre ondulation du sol qui traverse la courtine et va se jeter dans la baie de l'artillerie.

C'est sur ces deux cheminements que s'assoit la seconde parallèle. Elle se trouve solidement appuyée sur l'escarpement du ravin, dit des Anglais, qui descend vers le fond du port et se rattache par son extrême gauche au front bastionné de la première attaque.

IX. —. L'activité que déployaient de leur côté les Russes était un avertissement qui répétait chaque jour de se hâter.

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L'ennemi, dit le journal du corps de siége, en abandonnant les batteries soumises à l'action de nos pièces, se hâte d'en ouvrir d'autres dans les bas-fonds, et de là, sous des inclinaisons convenables, tourmente nos travaux en les inondant d'obus, de boulets et de mitraille; il amène des pièces partout où elles peuvent être à l'abri des carabines des francs-tireurs, et tire des points les plus éloignés de la place.

D

Nul parmi les esprits sérieux et sensés ne pouvait méconnaître les difficultés matérielles qui naissaient à chaque pas, et contre lesquelles on s'était heurté de front dans la journée du 17 octobre.

Aussi le général Canrobert écrivait-il au ministre de la guerre, en date du 22: « Les difficultés que nous rencontrons sont de deux sortes: celles qui résultent de

la nature du sol, dont la couche de terre, déjà très-insuffisante, diminue au fur et à mesure que nous approchons de la place, et celles qui résultent du nombre et du calibre des pièces d'artillerie que l'ennemi nous offre, sur un front à peu près en ligne droite et très-étendu. Sous ce rapport, les ressources qu'il tire de ses vaisseaux immobilisés dans le port, tant comme personnel que comme matériel, sont presque inépuisables, tandis que les nôtres sont nécessairement limitées. »

Ces quelques lignes résumaient clairement la situation, non-seulement pour le présent, mais aussi pour l'avenir; elles expliquaient les efforts nombreux et puissants qu'il fallait développer contre la place, ainsi que les lenteurs qui devaient conséquemment en résulter.

A cette époque, le général en chef écrivait encore au ministre de la guerre : « Cette situation fait du siége de Sébastopol une des opérations les plus laborieuses qui se soient rencontrées depuis longtemps; et il devait ajouter plus tard : « une des œuvres les plus gigantesques qui aient jamais été inscrites dans les annales de la guerre. »

Toutefois, malgré l'énergie de la place à multiplier ses défenses et à réparer les dommages que lui causait notre artillerie, nous pouvions constater chaque jour des détériorations notables; souvent nos bombes allumaient des incendies qui répandaient un long voile rougeâtre à l'horizon et semblaient envelopper Sébastopol de leurs ailes de feu.

La ville souffrait beaucoup, et divers rapports nous apprenaient que les pertes de ses défenseurs étaient énormes.

X.-L'impatience dévorait l'armée; chacun, n'écoutant que son courage, eût voulu qu'on lançât les colonnes d'assaut. Le général en chef, lui-même, appelait ce jour de tous ses vœux; il épiait les occasions, préparait dans l'ombre ses moyens d'attaque, pour ne pas laisser échapper le moment propice; mais il sentait son ardeur maîtrisée par la responsabilité qui pesait sur lui, et par cette loi suprême qui commande au chef d'une armée de ne pas verser inutilement le sang précieux de ses soldats. Souvent le matin, lorsque les premières clartés du jour ne pouvaient pas encore dévoiler son approche, il partait en reconnaissance, accompagné d'un ou de deux officiers de son état-major, et s'avançait le plus près possible de la place, pour explorer luimême le terrain et chercher des points favorables pour les colonnes d'attaque.

XI. Pendant que les faits que nous venons de raconter se passaient sur notre gauche, le corps d'observation, commandé par le général Bosquet, et les divisions anglaises qui tenaient les hauteurs d'Inkermann et les positions de Balaclava, étaient sans cesse sous les armes par des alertes continuelles, qui certes indiquaient le projet bien arrêté des Russes de tenter bientôt quelque action sérieuse de ce côté.

L'armée du prince Menschikoff s'était reconstituée; des renforts considérables lui étaient arrivés.

Dès le 23, des têtes de colonnes ennemies sont signalées du côté d'Inkermann.

Dans la journée du 24, un gros de troupes est aperçu dans la partie supérieure de la vallée de la Tchernaïa : c'est le corps du général Liprandi qui prend ses positions et reconnaît le terrain pour une attaque projetée le lendemain. « La partie apparente de ses forces, dit le journal du siége, « était d'environ 15 bataillons, 3 à 400 hommes de cavalerie et de l'artillerie. »

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En effet, le général en chef de l'armée russe avait ordonné au général Liprandi, chef de la 12° division d'infanterie, de tenter une entreprise vigoureuse sur Balaclava dans la journée du 25 octobre.

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XII. Dès le matin, les troupes placées sous son commandement sortirent du village de Tchorgoun par deux défilés.

Le premier but de l'armée ennemie était d'enlever les quatre petites redoutes élevées à la hâte pour protéger les hauteurs, dont la chaîne peu élevée s'étend à travers la plaine de la Tchernaïa; ces redoutes, trèséloignées de tout secours, offraient des ouvrages incomplets et d'un relief insuffisant contre une attaque sérieuse; des troupes turques gardaient chacune de ces positions, dont trois étaient armées de canon.

« Le seul régiment qui fût dans la plaine, dit lord Raglan dans son rapport, était le 93 highlanders.

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La première attaque de l'ennemi se porta sur la redoute, près le village de Kamara, après une faible résistance, il s'en empara; ce ne fut pas cependant sans un combat honorable pour les Turcs, car le rapport du général russe dit : « Dans cette redoute, la perte de l'ennemi, rien qu'en morts, a été de plus de 170 hommes. »

Les Russes ne tardèrent pas à s'emparer également des trois autres ouvrages contigus que les Turcs ne purent défendre, vu l'infériorité de leur nombre et le peu d'appui qu'offraient pour la défense ces ouvrages inachevés. L'ennemi occupa les redoutes 1, 2, 3, mais abandonna la redoute 4 qu'il trouva trop avancée. « Cette redoute, ajoute le général Liprandi, fut immédiatement rasée; les canons furent encloués, les roues et les affûts brisés, et les pièces jetées au bas de la montagne.

Enhardie par ce premier succès, la cavalerie russe s'avança immédiatement en très-grand nombre, appuyée par son artillerie, qui, disséminée sur la ligne de bataille, labourait de ses projectiles le versant de la montagne occupé par les highlanders. Déjà les troupes turques qui avaient abandonné les redoutes, s'étaient rangées à droite et à gauche du régiment anglais; les boulets et les bombes balayaient le mamelon et causaient aux bataillons, massés sur ce point, des pertes sensibles. Aussi pendant que les batteries anglaises, établies sur les collines, envoyaient avec succès leurs boulets sur les colonnes ennemies, sir Colin Campbell fit placer son régiment et les Turcs derrière une éminence favo

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