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coups de baïonnette. Les hommes se prennent corps à corps, plusieurs souvent contre un seul, car l'ennemi est de beaucoup supérieur en nombre; quelquesuns roulent pêle-mêle avec les Russes dans le fond du ravin, où la lutte continue. Un poste de soutien arrive à l'aide de nos braves soldats et détermine à se retirer l'ennemi, déjà ébranlé par tant de résistance (1)..

Tous les jours, ce sont de nouveaux traits de courage que chaque régiment inscrit dans ses glorieuses archives; car chacun vient à son tour prendre sa part de travaux et de dangers.

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LXXXIX. Mais la nuit du 14 au 15 janvier devait être le témoin d'une sérieuse attaque et d'un sanglant combat, qui grandirent encore, selon l'expression du général en chef, la belle réputation que le 74 s'était faite dans l'armée. »

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Il était deux heures du matin; la neige, qu'une bise glaciale fouettait au visage, tombait de nouveau par flocons épais; on ne pouvait saisir aucun bruit du dehors, si ce n'est celui de la canonnade, à laquelle ré

(1) « J ai encore a signaler à l'armée de nouveaux traits de valeur, dit le général en chef dans son ordre du jour; je loue et je remercie tous les braves qui viennent de prouver que l'énergie et le dévouement des troupes du corps de siége grandissent avec les glorieuses difficultés que leur oppose la situation. »

Le lieutenant Espanet et le sous-lieutenant de La Jallet furent nommés chevaliers de la Légion d'honneur pour leur brillante con

duite.

pondait le sifflement du vent, qui arrivait par violentes rafales.

Pendant ce temps, une colonne russe, courbée sur le sol, silencieuse, et marchant à pas lents, débouchait de la place; deux autres arrivaient par les ravins auxquels s'appuient les extrémités de la deuxième parallèle. Une d'elles s'élance sur la portion de droite défendue par les grenadiers et par la 1re compagnie du 74", pendant que l'autre menace la gauche, et que la 3 se masse en réserve. Les éclaireurs, couchés à plat ventre en avant des tranchées, se rallient à la hâte sur nos ouvrages en criant : « Aux armes! voici les Russes! Mais ceux-ci sont arrivés sur les parapets en même temps qu'eux. Heureusement chacun veillait l'arme à la main, le doigt sur la détente. - Une première décharge reçoit l'ennemi, qui veut pénétrer dans l'intérieur d'un petit boyau défendu par une section de grenadiers. Le capitaine Bouton est tué de deux coups de feu. Il ne restait plus de vivant, dit le journal du régiment, dans ce petit boyau de communication que trois grenadiers et un caporal; le caporal Guillemin, qui se bat avec acharnement dans cet étroit passage et tient lête avec ses trois hommes au flot qui veut le déborder. »

Mais la portion la plus forte de la colonne russe s'était ruée sur la partie occupée par la 1re compagnie; le capitaine Castelnau tombe percé de treize coups de baïonnette, et crie à ses soldats de soutenir l'honneur du drapeau. Le lieutenant Rigaud s'élance et demande

énergiquement à ses hommes de venger la mort de leur brave capitaine. Une section de la 2o compagnie vient se mêler aux combattants (1).

Le commandant Rouméjoux accourt en toute hâte avec son bataillon; il s'élance sur la crête de nos ouvrages, et, se jetant dans la mêlée, appelle à lui sa réserve : il combat avec une héroïque valeur, jusqu'au moment où un coup de baïonnette le traverse au-dessous du cœur. De toutes parts accourent des renforts. Après dix minutes d'une indicible lutte sur ce seul point, l'ennemi, à bout d'énergie, désespérant de forcer cette troupe intrépide, se retire, laissant la tranchée et le glacis jonchés de morts.

Les réserves russes, dont les forces peuvent être évaluées à 1000 ou 1200 hommes, s'étaient massées à peu de distance du bastion du Mat; elles couvrirent de leur feu la retraite de leur colonne.

L'ennemi avait montré dans cette attaque une grande impétuosité; les volontaires et celui qui les commandait s'étaient jetés avec un audacieux courage sur nos tranchées. S'ils ne purent, grâce à l'énergie de nos soldats, accomplir leur but de détruire nos batteries.

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....Une section de la 2e compagnie est accourue pour soutenir la 1; elle était commandée par le sous-lieutenant Brachet. Cet officier, qui devançait la section, s'est trouvé tout à coup face à face avec un officier russe, tous deux avaient le sabre à la main; un combat s'engage aussitôt; atteint d'un coup de pointe au bras droit, le lieutenant Brachet reprend bientôt l'avantage et étend à ses pieds son adversaire. »

et d'enclouer nos pièces, ils nous causèrent des pertes sensibles et sérieuses; nous cûmes 19 tués, parmi lesquels 2 capitaines, et 37 blessés, dont 3 officiers (1).

XC. Ces attaques, il faut le dire, doivent presque toujours être à l'avantage des assaillants, non comme importance réelle, car ces sorties n'en ont aucune, et ne déplacent pas un pouce de terre dans nos travaux, mais comme perte d'hommes. Quelque active que soit la vigilance, l'approche de l'ennemi se voile des ombres de la nuit; l'attaque se réunit sur un seul point, et plusieurs minutes se sont toujours écoulées avant que les compagnies, nécessairement développées sur une certaine étendue, puissent se grouper sur l'endroit menacé. C'est à ce moment que les assaillants opèrent leur retraite, protégés qu'ils sont, tout aussitôt, par les feux de l'artillerie, à laquelle ils donnent le signal par un son de trompe. Si les troupes de tranchée s'acharnaient à leur poursuite, elles seraient décimées par la mitraille.

Le but principal de l'ennemi dans ces combats partiels est de fatiguer les assiégeants en les contraignant à une surveillance perpétuelle, et d'augmenter

(1)

Journal du 74 régiment d'infanterie de ligne.

« Les Russes ont laissé dans nos tranchées 5 tués, dont 1 capitaine qui était porteur d'un marteau et de clous pour enclouer les canons, 10 cadavres sont encore sur le talus extérieur. »

le chiffre des morts et des blessés : triste et fatal tribut

de chaque jour (1).

La colonne qui s'était jetée sur nos travaux, dans la nuit du 14, était partagée en cinq pelotons, dont quatre sculement étaient armés; le cinquième portait des crocs. et des gaffes. Ces hommes, au milieu de l'action, harponnaient les havres-sacs déposés contre l'épaulement, et cherchaient à entraîner les hommes au moyen de ces crocs, pendant qu'un certain nombre des leurs enlevaient sur des civières les morts et les blessés; d'autres tendaient de longues cordes, pour faire rouler à terre ceux de nos soldats qui s'élançaient à leur poursuite, et s'en emparer avant qu'ils eussent pu se relever. Déjà ce mode étrange de combat avait été employé par les Russes dans une ou deux des précédentes sorties et avait produit un triste étonnement. Le général en chef, dans une lettre qu'il adressa au général Osten-Sacken, crut devoir l'instruire de ce fait.

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Permettez-moi, monsieur le gouverneur, lui écrivait-il, de vous signaler un fait dont vous n'êtes sans doute pas informé; il m'est démontré que, dans les combats qui ont eu lieu en avant de nos tranchées, des of ficiers et des soldats ont été entraînés à l'aide de cordes ou de bâtons à crochets; nos combattants n'ont d'autres armes que le fusil, la baïonnette et l'épée, et sans vouloir

(1) Total général des tués et blessés depuis le commencement du siége dans le 1er corps d'armée dit corps de siége:

Officiers, tués 23, blessés 171, disparu 3.

Troupe, tués 464, blessés 3392, disparu 128.

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