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rable qui dérobait les troupes aux feux meurtriers de l'artillerie ennemie.

XIII. Tout à coup un gros de 400 cavaliers environ, se détachant du corps qui s'avançait dans la plaine, sur l'emplacement même où campait la cavalerie légère anglaise, se porta brusquement sur la gauche, pour attaquer à la fois les highlanders de front et sur leur flanc droit. Ce brave régiment, sur l'ordre du lieutenant-colonel Ainslie, qui le commandait, attendit en ligne avec un intrépide sang-froid l'arrivée de l'ennemi. Lorsque celui-ci fut approché à petite distance, les Écossais se dressèrent sur l'éminence au versant de laquelle ils s'étaient appuyés, et reçurent les cavaliers russes par une décharge à bout portant qui mit le désordre dans leurs rangs. Une seconde fois, ils revinrent à la charge sur le flanc droit des highlanders; mais ils trouvèrent devant eux la même muraille humaine, immobile, inébranlable, et le même feu les accueillit. Les cavaliers tournèrent bride et disparurent bientôt, semblables à ces nuages passagers qui renferment l'orage dans leur sein et s'éloignent dans le ciel d'un vol rapide.

XIV. Le second corps de cavalerie, beaucoup plus nombreux que celui qui avait attaqué le 93 highlanders, descendait vers la plaine, où la grosse cavalerie anglaise, sous les ordres du brigadier général Scarlett, après avoir, depuis près de deux heures, et sous un feu con

tinuel de l'ennemi, protégé par des changements de position la retraite des troupes ottomanes, s'était réunie sur ses deux colonnes de brigade, près l'emplacement du camp de la cavalerie légère. Elle venait de recevoir de lord Lucan, commandant en chef la cavalerie, l'ordre de se ranger à la gauche des Écossais, lorsque la tête de colonne russe se montra sur les hauteurs en arrière, descendant le flanc de la colline. Pour faire front à l'ennemi, la brigade Scarlett (Scots Greys et dragons d'Enniskillen) dut traverser à la hâte le camp de la cavalerie légère, dont toutes les tentes n'étaient point encore levées. Le terrain sur lequel marchaient les escadrons était en cet endroit planté de vignes; les chevaux ne pouvaient avancer que lentement au milieu des obstacles qu'ils rencontraient à chaque pas, et qui ne permettaient point aux cavaliers de se former en deux lignes directes.

Déjà les Russes avaient atteint la plaine; ils s'étaient déployés sur chaque flanc et attendaient de pied ferme la cavalerie anglaise, qui, ayant dépassé les vignes, s'avançait à leur rencontre; une distance de quelques pas séparait seulement les deux cavaleries, dont le choc devait être terrible.

Il y eut alors un instant d'arrêt, deux ou trois secondes peut-être; tout à coup les officiers anglais levèrent leurs sabres; on entendit quelques coups de pistolet; puis les lignes se rompirent, Anglais et Russes étaient mêlés, confondus: c'était un tumulte de voix d'hommes, de hennissements de chevaux, de sabres qui s'abat

taient sur les casques des dragons, lutte corps à corps, impossible à décrire; mais les Russes avaient l'avantage du nombre, et les trois escadrons anglais de la première ligne, qui avaient chargé avec une impétuosité sans égale, se trouvaient débordés par la cavalerie ennemie qui menaçait de l'envelopper; alors le général Scarlett envoya son aide de camp, le major Conolly, donner ordre au 5 dragons d'avancer sur l'extrême droite, pendant que le 4 de la garde opérait le même mouvement sur la gauche. L'attaque énergique de ces deux escadrons sur les flancs de l'ennemi changea la face du combat. En vain, les cavaliers russes essayèrent de se rallier et de résister; ils étaient écrasés; et tout à coup on les vit regagner en désordre leurs positions en arrière, entraînant avec eux l'infanterie postée dans les deux redoutes les plus rapprochées des lignes des armées alliées. La cavalerie anglaise poursuivit un instant l'ennemi dans la plaine, pendant que l'artillerie de campagne lui lançait ses boulets.

« La charge exécutée par la brigade du général Scarlett, écrit lord Raglan dans son rapport, est une des plus brillantes que j'ai jamais vues;» et en effet elle excita l'admiration des troupes anglaises et françaises qui, massées sur les hauteurs, avaient assisté à ce brillant combat.

XV. Il est important de dire quelques mots sur les dispositions prises par les deux armées pour s'opposer au projet d'attaque des Russes sur Balaclava.

A sept heures et demie du matin, le général en chef de l'armée française avait été prévenu que les Russes se portaient contre les Anglais sur Balaclava. Il se rendit aussitôt sur les plateaux occupés par nos troupes, où lord Raglan se tenait déjà avec tout son état-major; ces plateaux, qui bordent la vallée de Balaclava, sont la limite extrême de notre position défensive. — L'ennemi occupait les collines opposées, ses masses s'étendaient sur les hauteurs boisées qui en forment le fond, du côté de la Tchernaïa (1); sa tête de colonne seule était apparente; on pouvait l'évaluer à 20 000 hommes le reste du corps d'armée était dérobé aux regards par les ravins et les hautes broussailles qui couvrent tous ces terrains. Son intention évidente,

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dit le général Canrobert dans sa dépêche au ministre de la guerre, « celle qu'il aura toujours, était de nous faire descendre jusqu'à lui en quittant nos excellentes positions. >>

Le général Bosquet s'était rendu aussi sur les lieux aux premiers coups de canon. - La 2o brigade de la 1re division commandée par le général Vinoy se porte sur les croupes, qui de notre droite descendent sur Balaclava, afin d'appuyer les Anglais et de les relier à nous; la 1 brigade sous les ordres du général Espinasse qui commande la division par intérim, garde le col avec la batterie de la division et la brigade de chasseurs d'Afrique.

(1) Rapport du général en chef, 27 octobre 1854.

Tous les retranchements que nous avons élevés pour garder nos positions sont garnis de chasseurs à pied et de zouaves armés de carabines et de fusils à longue portée.

Les troupes de la 3 division prennent position en arrière des crêtes; l'artillerie à cheval de la réserve se place à sa droite, attelée et prête à marcher au premier signal. Ces mouvements exécutés, le général Canrobert se porte avec les généraux de division sur le point central de la crête entre le col de Balaclava et un endroit où s'élève un télégraphe. De là, il peut examiner le terrain, suivre les mouvements de l'ennemi et apprécier les résultats de son attaque combinée. A peu de distance se tient lord Raglan avec son nombreux état-major.

Du point élevé où il s'est placé, et qui lui permet d'embrasser l'ensemble des opérations, lord Raglan, voyant l'ennemi se retirer du terrain, qu'il avait momentanément occupé, fit dire à la cavalerie soutenue par la 4 division sous le commandement du lieutenant général Cathcart«< de marcher en avant et de profiter de toute espèce d'occasion pour reprendre les hauteurs. »

« L'ennemi, écrit le général en chef de l'armée anglaise dans son rapport, semblait essayer d'emporter les canons qui avaient été pris; le comte de Lucan reçut l'ordre d'avancer rapidement, de suivre l'ennemi dans sa retraite et de tâcher de l'empêcher d'effectuer son projet.

XVI.

Nous voici arrivés à un incident de la jour

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