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la dépêche adressée par le ministre de la marine; l'expédition de Kertch était, à son tour, du côté du général français, une concession à la bonne harmonie. Le général Canrobert céda donc aux pressantes sollicitations de lord Raglan, et l'expédition fut arrêtée.

Les troupes françaises étaient commandées par le général d'Autemarre, les troupes anglaises par le général Brown, qui prenait le commandement supérieur par ancienneté de grade.

XVIII. Au milieu de toutes ces péripéties, de tous ces événements, le général en chef voulut passer une grande revue de chacun des deux corps d'armée, pour leur annoncer le puissant renfort qui allait bientôt débarquer à Kamiesch. Une journée devait être consacrée à chaque corps. — La première de ces deux revues eut lieu le 26, la seconde le 27. A toutes deux assistaient l'ambassadeur d'Angleterre et de jeunes dames anglaises dont les visages souriaient doucement à ces mâles colonnes qui défilaient devant le général en chef dans leur tenue de combat.

Après la revue, le général Canrobert se porta successivement devant chaque divis on, et fit former autour de lui le cercle des officiers. -Avec quelle impatience chacun attendait les paroles qui allaient sortir de ses lèvres !

Il annonça que 30 000 hommes environ, réunis en ce moment à Constantinople, allaient venir partager la gloire et les fatigues de leurs compagnons d'armes, et qu'alors la France et l'Angleterre se réunissant dans

un commun effort, frapperaient à la fois à la porte et aux fenêtres de Sébastopol.

Chacun salua cette espérance et retourna au camp la joie et la confiance dans le cœur. Ces deux journées auxquelles le canon qui tonnait venait ajouter sa voix retentissante, furent belles de poésie guerrière et de solennelle gravité.

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Le général Niel avait pris par ordre de l'Empereur le commandement en chef du génie de l'armée d'Orient (1).

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La mission importante dont avait été chargé le général Niel, les études qu'il avait faites des terrains d'attaque, sa haute position dans l'arme du génie, l'appelaient tout naturellement à remplacer le digne général que la mort avait frappé. Lourde succession; car on était arrivé à cette période du siége, où le génie devait s'avouer que ses espérances ne s'étaient point réalisées, et que chaque jour l'objectif de ses efforts semblait s'éloigner davantage.

Le général Niel, placé aujourd'hui à là tête du génie, est né en 1802. Elève de l'École polytechnique, il était sous-lieutenant élève du génie, à Metz, en 1823. En 1827, il était lieutenant, et déjà capitaine en premier en 1835. Il s'embarquait en 1836 pour l'Afrique, attaché à l'état-major du génie du corps d'expédition contre Constantine. Chacun se rappelle ce siége mémorable, où le général Vallée, après la mort du commandant en chef, le général Damrémont, prit le commandement supérieur : action de guerre sanglante et mémorable, où se trouvent déjà au premier rang, parmi les plus ardents à combattre, ceux dont les noms, plus tard, devaient acquérir une si belle popularité, et s'élever, par l'éclat de leurs services, aux premiers

Nul mieux que cet habile général ne pouvait remplir ces importantes et difficiles fonctions. Chaque jour depuis son arrivée en Crimée avait été pour lui une

rangs de l'armée. Le général Niel se distingua dans cette arme du génie, qui, dans les siéges, a su prendre la plus large part du danger. Il reçut, pour sa brillante conduite à l'assaut de Constantine, les félicitations du ministre de la guerre, et fut nommé plus tard commandant du génie de la place dans cette ville. Chef de bataillon en 1837, il revint en France et entra, à Metz, au 3o régiment du génie. Un an ne s'était pas encore écoulé, qu'il était lieutenant-colonel, puis, colonel six ans plus tard c'était en 1846. Dans les différentes fonctions qu'il avait remplies, le colonel Niel avait su se faire distinguer, et déjà il était classé parmi les officiers du génie les plus capables et les plus éclairés. Aussi, lorsqu'en 1849 l'expédition de Rome fut résolue, le colonel Niel fut nommé chef d'état-major du génie au corps expéditionnaire de la Méditerranée. Général de brigade deux mois après, il était appelé au commandement du génie de l'expédition. Il rendit dans ces importantes fonctions des services signalés, et après la capitulation de la place, le général en chef lui donna, en témoignage de sa haute satisfaction, la belle mission d'aller à Gaëte porter les clefs de Rome au saint-père.

Après l'expédition, chef du service du génie au ministère de la guerre, il fut nommé membre du comité des fortifications, puis général de division en 1853. Le général Niel avait au plus haut degré la passion de l'arme qu'il avait choisie, et, dans la position élevée qu'il devait à ses services, il continuait encore des études, que dans sa pensée il regardait toujours comme incomplètes. Lorsque la guerre fut déclarée en Orient, et que l'Empereur envoya un corps expéditionnaire dans la Baltique, sous les ordres du général Baraguay d'Hilliers, le choix du ministre appela le général Niel à commander le génie. La prise de la forteresse de Bomarsund ajouta un titre de plus à tous ceux que le général avait acquis déjà dans son active et laborieuse carrière. Nommé aide de camp de l'Empereur en 1855, il fut, nous l'avons dit, envoyé en mission devant Sébastopol, pour apporter à ce siége difficile et redoutable sa part de lumières et de vieille expérience.

Telle est la vie militaire de celui qui prenait le commandement en chef du génie : s'il avait laborieusement étudié dans les livres cette science difficile et ardue, il l'avait surtout et souvent étudiée en face du canon de l'ennemi, à Constantine, à Rome, à Bomarsund, à Sébastopol

étude sérieuse, approfondie du siége, et tous avaient une juste confiance dans son expérience et dans sa haute capacité.

Quoique le feu eût été circonscrit dans des limites restreintes, il continuait cependant avec régularité et causait aux défenses de la ville et à la ville elle-même un mal sensible.

A l'attaque de droite aucun événement réellement sérieux ne s'était produit en dehors du résultat plus ou moins favorable du tir de notre artillerie.

A l'attaque de gauche, au contraire, où nos approches tendaient à resserrer de plus en plus la place, chaque jour portait en soi sa menace, chaque nuit son combat.

Déjà depuis que nous occupions une portion du cimetière, dont une des extrémités était le lieu désigné d'un commun accord pour les entrevues de parlementaires, toutes communications par terre avaient été supprimées; et, par convention en date du 24 avril, il avait été convenu que les échanges de lettres auraient lieu désormais par voie de mer (1).

(1)

Devant Sebastopol, le 24 avril 1855.

En vertu de conventions arrêtées entre lord Raglan, les amiraux, et le général Canrobert d'une part, et le gouverneur de Sébastopol de l'autre, il a été entendu que les échanges se feraient désormais par voie de mer. Les seules relations qui pourront s'établir à l'avenir entre l'assiégé et nous, seront celles que nécessitera l'inhumation des morts, lorsqu'il s'en trouvera en avant des lignes. Dans ce cas, les dispositions ci-après seront prises :

Le pavillon blanc parlementaire sera arboré à midi, vis-à-vis du

Les Russes, instruits par les champs de bataille de l'Alma et d'Inkermann, redoublent d'efforts, d'activité et d'audacieuse défense; ils multiplient les fossés, les trous de loup, les abatis, les obstacles de toute nature pour entraver une action décisive; ils s'entourent d'une triple ceinture d'airain. Cependant nous avançons sans cesse; les entonnoirs de la mine nous ont portés à 70 mètres du bastion du Mât, et nous cheminons sous le feu incessant de la mitraille, entretenant chaque nuit une guerre permanente d'embuscades.

Ces combats perpétuels nous coûtaient beaucoup de monde, et n'amenaient pour ainsi dire que des résultats négatifs; on résolut donc de ne pas perdre ainsi un sang précieux.

"

« Quand le jour de l'attaque sera décidé, se disait-on, l'artillerie détruira ces petits postes avancés et l'on passera outre. » — C'était une résolution difficile à tenir; car ces petits postes, aujourd'hui sans grande conséquence, pouvaient, avec l'activité des Russes, ces remueurs infatigables de terre, devenir des obstacles menaçants et sérieux.

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XX. C'est ce qui arriva. Quelques embuscades séparées sont en une nuit reliées entre elles, et forment déjà une sorte de ligne couvrante; un feu très-vif de

point où il y aura lieu de procéder à l'opération dont il s'agit, sans que, pour cela, il soit nécessaire de faire cesser le feu dans les autres directions. Chaque parti fera inhumer les morts qui seront les plus rapprochés de ses travaux : aucune communication ne pourra avoir lieu entre les personnes appelées à figurer dans l'opération. »

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