Images de page
PDF
ePub

liaire devait se réunir à l'armée anglaise et agir sur les instructions de lord Raglan (1). Toutes les sympa

thies étaient acquises d'avance à cette petite armée; car on savait qu'elle avait dans ses veines le feu sacré de la guerre et l'ardent amour du champ de bataille. L'année 1848 avait laissé des souvenirs dans tous les cœurs, et chacun s'apprêtait à accueillir les nouveaux venus comme des frères d'armes connus et aimés depuis longtemps.

L'armée anglaise, de son côté, renaissait de ses ruines; elle allait redevenir ce qu'elle avait été au début de la campagne, brillante et superbe; des renforts lui arrivaient d'Angleterre, et de plus, des régiments de cavalerie accouraient des Indes prendre leur part de l'expédition de Crimée.

Sur ces entrefaites arriva un envoyé de l'Empereur, le commandant Favé.

(1)

Traité entre la France, l'Angleterre et la Sardaigne.

Art. 1. Sa Majesté le roi de Sardaigne fournira pour les besoins de la guerre un corps d'armée de 15000 hommes, organisé en cinq brigades, formant deux divisions et une brigade de réserve sous le commandement d'un général sarde.

Art. 3. Le corps d'armée de Sa Majesté le roi de Sardaigne sera composé d'infanterie, de cavalerie et d'artillerie, proportionnellement à sa force effective.

Art. 4. Sa Majesté le roi de Sardaigne s'engage à maintenir le corps expéditionnaire au chiffre de 15000 hommes par l'envoi successif et régulier des renforts nécessaires.

Art. 5. Le gouvernement sarde pourvoira à la solde et à la subsistance de ses troupes.

Les ratifications de ce traité avaient été échangées, le 4 mars, à Turin,

XXVII. Le résultat équivoque des conférences de Vienne suspendues le 22 avril, et les pressantes sollicitations de son gouvernement avaient entravé les projets de voyage de l'Empereur : il ne devait plus se rendre en Crimée; mais si Sa Majesté elle-même ne venait pas prendre le commandement des troupes, sa pensée ne devait pas moins en recevoir son exécution; cette pensée, mûrie à l'avance, et à laquelle les événements du mois d'avril venaient ajouter une nouvelle force, était dans un plan de campagne émané de l'Empereur luimême, et que le commandant Favé remit au général en chef de l'armée d'Orient.

Ce document précieux, nous sommes assez heureux pour pouvoir en donner ici les principaux passages.

L'EMPEREUR

Au général Canrobert, commandant en chef l'armée

d'Orient.

28 avril 1854.

• Le feu qui a commencé contre la place aura, à l'heure qu'il est, réussi ou échoué. Dans l'un et l'autre cas, il faut absolument sortir de la position défensive dans laquelle se trouve l'armée depuis six mois à cet effet, d'accord avec le gouvernement anglais, j'aurais divisé les troupes en trois armées : une armée de siége et deux armées d'opérations.

« La première armée est destinée à garder Kamiesch et à bloquer la garnison de Sébastopol.

« La seconde armée est destinée à opérer à une petite

distance de Balaclava et à s'emparer au besoin des hauteurs de Mackensie.

« La troisième armée est destinée à faire une diver

sion (1).

« Si, comme je le pense, les Russes ont 35 000 hommes dans Sébastopol, 15 000 hommes au nord d'Eupatoria et 70000 hommes entre Simphéropol, le Belbeck et la Tchernaïa, il suffisait d'avoir 60 000 hommes de bonnes troupes pour détruire toute l'armée russe qui pouvait être surprise et prise à revers avant d'avoir pu réunir toutes ses forces; et même eût-elle pu les réunir, nous nous trouvions en nombre presque égal; car il ne faut pas oublier ce grand principe de la guerre, que si l'on fait une diversion à une certaine distance de sa base d'opération, il faut que les troupes employées à cette diversion, soient en nombre suffisant pour résister à elles seules à l'armée ennemie qui peut réunir tous ses efforts contre elles.

« Tout cela bien considéré, j'aurais porté dans la vallée de Baidar les 40 000 hommes pris à l'armée de Sébastopol; et, soutenu par lord Raglan, j'aurais occupé depuis Skélia jusqu'au pont de Teulé et Tchorgoun, les quatre chemins qui traversent la Tchernaïa; nous

(1) 1° L'armée de siége, composée de 30 000 Français et de 30 000 Turcs....... 60 000;

Sans compter 10 000 indisponibles.

2o La première armée d'opération sous lord Raglan, 25 000 Anglais, 15 000 Piémontais, 5000 Français et 10 000 Turcs...... 55 000;

3o Deuxième armée d'opération, 40 000 Français à l'armée de Sébastopol, 25000 Français composant l'armée de réserve de Constantinople.... 65 000.

aurions eu ainsi autant de têtes de pont menaçant la gauche des Russes établis sur les hauteurs de Mackensie.

[ocr errors]

Après ce mouvement, je laissais lord Raglan maître de toutes les positions sur la gauche de la Tchernaïa, depuis Skélia jusqu'à Tchorgoun; je réunissais, en arrière des lignes occupées par les Anglais, les 40 000 hommes de l'armée active avec la cavalerie et les moyens de transport à ma disposition, attendant dans cette situation avec des vigies sur la falaise, côté de la mer, l'arrivée de mon corps d'armée de réserve qui, venant de Constantinople, aurait eu l'ordre de reconnaître le cap Phoros (1).

[ocr errors]

Quelle était notre position vis-à-vis des Russes?

du

« Le mouvement sur Baïdar, en nous donnant les passages sur la Tchernaïa, a menacé leur gauche et fait croire à notre intention de les déloger de front des hauteurs d'Inkermann et de Mackensie; les Russes sont donc tenus en échec, et leur attention est attirée sur Inkermann et Pérékop; nos positions sont excellentes, mes projets inconnus, et si quelque chose vient les déranger, rien n'est compromis.

« Mais supposons que rien ne s'oppose au plan général, il se poursuit donc de la manière suivante :

(1) L'armée active serait ainsi organisée :

Général Canrobert, général en chef.

1er CORPS D'ARMÉE. Général Bosquet, 4 divisions d'infanterie, 1 division de cavalerie légère.

2 CORPS D'ARMÉE. Général Regnaud de Saint-Jean d'Angély, 2 divisions d'infanterie, une division de la garde, une division de grosse cavalerie.

Le général Pélissier continuerait à commander l'armée de siége.

« Dès que la flotte portant les 25 000 hommes de l'armée de la réserve a été reconnue, on lui a donné l'ordre de se porter à Alouchta sur l'endroit de la plage qui, en secret, aura été reconnu favorable à un débarquement. 3000 hommes sont disposés d'avance pour débarquer les premiers, et ils vont s'établir à trois lieues. d'Alouchta, au delà du défilé d'Ayen. Tant que des cavaliers n'ont pas donné la nouvelle de l'occupation du défilé, le reste des troupes ne quitte pas les vaisseaux. Les rapports étant favorables, l'avant-garde prend là une bonne position au delà du défilé, s'y retranche et y attend l'armée; alors ce qui reste des 25 000 hommes débarque sur la plage d'Alouchta, et, de leur côté, les 40 000 hommes réunis à Baïdar reçoivent l'ordre de filer par la grande route qui longe la mer par Jalta. En trois jours, c'est-à-dire deux jours après le débarquement de l'armée à Alouchta, les 40 000 hommes de Baïdar se sont réunis sous les murs de Simphéropol aux 25 000 débarqués; on s'empare de cette ville et on y laisse une garnison suffisante, ou bien, on occupe sur la route que nous venons de parcourir, une bonne position qui assure les derrières de l'armée.

"

Maintenant, de deux choses l'une ou l'armée russe qui est devant Sébastopol abandonne cette formidable position pour venir à la rencontre de l'armée qui s'avance du côté de Baktschi-Seraï, et alors la première. armée d'opération, sous les ordres de lord Raglan, la pousse l'épée dans les reins et s'empare de la position d'Inkermann; ou bien les Russes attendent dans leurs

« PrécédentContinuer »