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Si vous vouliez pour moi griffonner un Billet. PAMELA.

Dites-moi, s'il vous plaît, avant que je m'engage, A qui l'écrivez-vous, quel en est le sujet ?

MATHURIN.

J'écrivons à queuqu'un que j'aimons à la rage.

Quoi ?

PAMEL A.

MATHURIN.

.... Pardon de la liberté,
Mais vous avez tant de bonté,
Et c'est la Parle du Village,

Un vrai prodige de biauté;
D'autant plus rare qu'alle eft fage.
PAMELA.

Ignore-t-elle votre amour?
MATHURIN.

Oui, je voulons par-là l'en inftruire en ce jour,
Et j'afpirons au mariage,

PAMEL A.

Mais êtes-vous pour elle ?

MATHURIN.

...Oui, pargué, mieux qu'un autre,

Et fon état n'eft pas bian au-deffus du nôtre : Alle eft Femme de Chambre, & je fuis Jardinier, C'est même pour la belle une fort bonne affaire:

Alle n'attend rien de fon Pere;

Et moi, je fuis neveu d'un affez gros Farmier, Dont je ferons l'unique Légataire. PAMEL A.

Je n'ai plus rien à dire, & maintenant je voi Que Mathurin aime de bonne foi; J'aurai l'honneur d'être fon Secretaire Dictez-moi le billet.

MATHURIN.

..... C'est ce que j'allons faire,

Puifque votre bonté fait cet effort pour moi.
Il dicte Pamela écrit:

Mlle. j'étouffons d'amour pour vous, & je croyons qu'il eft plus fage de vous le dire que d'en créver;

PAMELA.

Ce fentiment eft raifonnable.

MATHURIN.

Je ne l'exprimons pas en termes bian galants; Mais donnez-y vous-même un tour plus agréable, Pour moi, fans farlatter, je dis ce que je fens.

PAMELA.

Cette façon de parler eft préférable; C'eft de l'amour fans art dicté par le bon fens. MATHURIN dictant.

Je ne vous avons vû que quatre fois, & ne vous avons parlé qu'une feule en paffant, & fije fommes plus raf

fotte de vous que fi je vous avions connue toute notre vie. Sans tant tourner autour du pot, vous avez plus de mérite, & plus d'efprit que moi; mais j'avons plus de bian & plus d'argent que vous. Jarnigoy, marions ma forteune avec votre biauté, l'eune vous rendra plus riche, & l'autre me rendra plus content.

PAME'LA.

Plus.content, est-ce tout?

MATHURIN.

. J'avons encore à mettre Trois mots fans plus, pis je farmons ma Lettre. "Il dicte.

J'avons avec ma parfonne, un héritage de prés de ving mille écus, je vous offrons l'eun & l'autre de bon cœur, morgué acceptez-les de même. Boutez, en même tems votre main blanche dans la mienne, quoi qu'alle foit plus noire, &qui fautera d'aife, ce fera Mathurin.

Il parle.

Hem, comment trouvez-vous ce billet?

PAMEL A.

Tout au mieux;

Le cœur de Mathurin eft tendre & généreux,

Le deffus ?

MATHURIN.

Attendez .... que je me rappelle,
C'eft, à Mademoiselle,

Mademoiselle Paméla.

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PAMELA.

Ai-je bien entendu! ma furprise eft extrême,
Repetez je vous prie, à qui ce billet-la,

S'adreffe-t'il?

MATHURIN

A vous même.

PAMELA à part.

Je ne m'attendois pas à ce tour de fa part;
Mais je dois ménager l'amour de tout le monde
Le fien mérite quelqu'égard,

Par fa maniere franche & ronde;

Et ma douceur défend que je le gronde.

MATHURIN.

Pour fçavoir notre fort, j'attendons que fans fard
Mademoiselle nous réponde.

PAMELA. ·

Puifque je fuis forcée à répartir.....:
Mais quelqu'un vient fans qu'on l'annonce à

MATHURIN.

Je reviendrons tantôt pour prendre la réponse;
Vous pouvez la faire à loisir,

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SCENE V.

PAMELA, LE CHEVALIER,

Qu

PAMELA.

Ue demande Monfieur?

LE CHEVALIER.

... Un Prodige fémelle,

En France arrivé fraichement ;

Que pour fa rareté je viens voir feulement.
Une fille accomplie & qui fait voir en elle
Une fageffe douce & ferme cependant;
Qui triomphe toûjours fans faire la cruelle ;
Une beauté naïve, & fans entêtement,
Qui parę la vertu d'une grace nouvelle.

Que par envie on fronde injuftement,
Et qu'on admire forcément.

C'eft Paméla que ce Phénix s'appelle :
Seroit-ce vous, Mademoiselle ?

PAMEL A.

Je me reconnois à ce nom,

Mais au portrait que vous en faites,

Je n'ai garde d'avoir cette préfomption.

LE

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