FINETTE. Non. Je mourrois mille fois plûtôt que de le dire; La chofe étant ainfi, Finette, je refpire. Il m'attend. FINETT E. LAURE. Vingt louis que tu vas lui donner, Moi, je ne veux qu'une heure au plus pour termi ner Içi mon entreprise heureuse. Du progrès que j'ai fait, j'ai lieu de m'étonner : 'Au point où mon défir brûloit de la mener; Et que le goût qu'on trouve à l'exercer FINETTE. Quel goût peut-on avoir à converfer, 1 * A cajoler une rivale ? A moins qu'adroitement feignant de l'embraffer; On n'ait de l'étouffer, la douceur fans égale. LAURE. Fi, c'eft une douceur trop noire, & mon plaifir Abuser ma rivale eft la vengeance aimable Mon ame pour la mieux hair Trouve, à s'en faire aimer, un bien inexprimable: Grace à mon art je viens d'y réussir .D'un véritable Amant, j'ai tenu le langage. FINETTE. Près d'elle, fans vous démentir Comment avez-vous pû jouer ce perfonnage ? 2 Je l'ai joué fans peine, avec goût qui plus eft; De moi je fuis très-fatisfaite, Je te dirai bien plus, Finette Je la fuis beaucoup d'elle, & plus on la connoît, FINETTE. Votre cœur fur fon compte eft incomprehensible. LAURE. On voit qu'en tout fes fentimens font vrais ; Sa franchise a crû tels ceux que je lui montrois ; Mais la plus incrédule en auroit fait de même, Tant dans la vérité, je les repréfentois : Dans l'inftant que je la trompois J'étois moi-même en fecret pénétrée, Et dans la paffion, je fuis fi bien entrée, Que je croyois fentir tout ce que je feignois, Mon ame jufques-là s'étoit même égarée, Que fon air me touchoit quand je l'attendriffois. FINETTE. C'eft un rafinement qui me paffe à l'entendre. SCENE V. LAURE, FINETTE, LA FLEUR. LA FLEUR. Onfieur le Commandeur, Monfieur, dans M cet inftant, Vous cherche dans le Parc, il eft impatient De vous embraffer. LAURE à part. Ciel que vient-il là m'apprendre a A Lafleur. Je vais répondre à fon empreffement. LFLEUR. Je dois vous dire aufli que le Notaire, Pour figner le Contrat, eft la qui vous attend. LAURE à part. Autre embarras, & nouvel incident. Tout LAURE. Je la quitte à regret, & rien n'eft plus piquant, Mais non, j'ai tort de m'en affliger tant, Je dois tout au contraire en paroître ravie: Mon départ va plûtôt combler ma raillerie. Quand on n'attend que moi pour la cérémonie ; Rien dans le fonds ne fera plus plaisant Que de difparoître au plus vite : Je vais tous les embarraffer: Le Commandeur qui compte m'embraffer Va se desesperer en apprenant ma fuite ; Tout le monde fera confus: Le fouper & le Bal feront interrompus : Mais fur tout la Comteffe en fera confternée; On va la croire abandonnée. Elle aura perdu fon Epoux Avant d'avoir conclu fon hymenée ; Une feconde fois, par ce trait des plus fous. Je vais la rendre veuve au moins pour la journée : J'ai prévenu le Marquis dans fon cœur Je fuis trop fure qu'elle m'aime, Je ne puis mieux punir l'ingrat lui même, Qu'en la laiffant dans une erreur Qui doit nourrir pour moi fa flâme, Et lui fermer, à lui, le chemin de fon ame: Partons vîte, avec foin je la dois éviter : Mais j'entens quelqu'un, ah ! c'eft elle. |