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Pour ces aimables-là, j'ai naturellement
Une haine particuliere,

Et qui dit beau, dit fot communément;
La plupart n'ont qu'un fentiment;

Celui de s'admirer, celui de fe complaire,
De s'aimer feuls fidélement;

Et le Ciel, libéral avec jufte mefure,
Ne les décore, & ne les enrichit
Des agrémens de la figure,
Qu'en rabattant fur les dons de l'efprit.
Je tremble, dans le fond de l'ame,
Que ce Marquis charmant, qui va se présenter;
Ne foit un fat, plus propre à coquetter,
Qu'à faire dans le fonds le bonheur d'une femme:
C'est un point capital, dont je veux m'éclaircir.
Voyons mon Frere, il pourra me fervir
Dans l'embarras où j'ai lieu d'être,
Et je vais le faire avertir

Par Crifpin que je vois paroître.

M

SCENE

III.

LA COMTE SSE, CRISPIN,

LA COMTESSE.

On Frere eft-il rentré ? je veux l'entretenir.
CRISPIN.

Non, je l'attens, Madame, avec impatience;
J'ai de ancé fes pas par fon o dre preffant;
Je fuis furpris qu'il tarde tant:

Le bal qui l'attiroit avec toute la France,
A dû ceder la place au Soleil éclatant.
Comme il eft déguifé fous les traits d'une brune,
Peut-être a t'il trouvé quelque bonne fortune?
Mais on monte à grand bruit, & j'entens parler
haut.

SCENE VI.

LA COMTESSE, DAMON déguise en femme:

C

CRISPIN.

DAMON dans la Couliffe.

Rifpin! hola, coquin 'hola, maraut!
CRISPIN.

Oh! pour le coup, c'est lui, le voilà qui m'appelle
Par mon nom propre, & par mes attributs;
Maraut, Coquin, ces mots défignent mes vertus.

Je cours..... Mais il prévient mon zéle.

DAMON rencontrant Crispin.

Que ne viens-tu, faquin, quand tu m'entens crier a

CRISPIN.

J'allois, Monfieur....

DAMON.

Viens, fuis-moi, que je quitte

Tout cet attirail au plus vîte;

Je fuis brifé, rompu par ce maudit panier.

LA COMTES SE.

Mon Frere, arrêtez-vous, que je vous examine: Comment! fous nos habits vous êtes tout au mieux.

J'admire vos bons airs, & votre bonne mine.

DAMON.

Vous badinez, ma Sœur ; mais fçachez que med

yeux

Ont fait au Bal, des conquêtes fans nombre.,
LA COMTESSE.

Mon Frere, je le crois, fous le mafque & dans l'ombre.

DAMON.

Non, à vifage découvert,

Pour ne rien dérober à l'honneur de mes charmes, J'ai forcé trente cœurs à me rendre les armes.

LA COMTESS E.

Trente cœurs !

DAMON.

Oui, trente cœurs de concert,

Et fi vous me fâchez, j'irai jufques à mille:
Tout cede à mes attraits; j'ai le deftin d'Achille.
Adieu. Je fuis accablé de fommeil ;
Vous fçaurez en détail, ce foir à mon réveil,
Les libertés que j'ai défaites.

LA COMTESSE.

Non, de grace, aujourd'hui reftez comme vous.

êtes.

Vous ferez déguisé pour le Bal de tantôt ;

Vous êtes fi bien en cornettes;

DAMON.

Vous vous mocquez de moi.

LA COMTESSE.

Non, mon frere, il le faut;

Très-ferieufement fous cet habit propice J'attens, & vous pouvez me rendre un grand

fervice.

DAMON.

Mais ne le puis-je pas fans ce déguisement ?
LA COMTESSE.

Il est effentiel au projet que je forme;
C'est un plaifir enfin que j'exige de vous.

So

Crifpin, un moment laissez-nous,
Crifpin fort.

SCENE V.

DAMON, LA COMTESSE,

DAMON.

Ongez donc que je fuis d'une fatigue énorme.
LA COMTESSE.

Le triomphe éclatant qui vous en reviendra,
Vous paîra de la peine, & vous délaffera:
Je dis plus, c'est une victoire

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