Digne de vos appas, & qui manque à leur gloire: Mon difcours vous en convaincra.

DAMON.

Quel eft donc ce projet que je ne puis compren

dre?

LA COMTESSE.

En deux mots je vais vous l'apprendre à Le Marquis en ce lieu doit fe rendre aujourd'hui. DAMON.

Oui, je fçai qu'on l'attend pour votre mariage.
LA COMTESSE.

Il ne me connoît pas ; il s'agit devant lui,
De jouer bien mon perfonnage;
Et de paffer pour moi fous cette robe la.

DAMON.

L'étrange deffein que voilà!

Jamais rien de fi fou n'entra dans une tête.

Il doit

par

LA COMTESSE.

là vous plaire. Il est très-fage au fonds. DAMON.

Qui vous porte à celà ? parlez :

LA COMTESSE.

J'ai mes raifons.

C'est un caprice, une folie.

On dit que le Marquis eft un aimable, un beau,

Je veux moi qui ne fuis tout au plus que jolie,

Je veux voir, admirer fa perfonne accomplie,
En fimple spectatrice, & dans l'incognito

Comme on admire un excellent tableau:

DAMON.

Ah! vous voilà vous autres femmes:

Le nom de beau vous révolte d'abord,

Jette l'allarme dans vos ames :

LA COMTESSE.

Mais, Monfieur, dans le fonds avons nous fi grand

C'eft ufurper vos droits, més dames,

Et c'eft vous attaquer par votre foible.

LA COMTESSE.

Ou notre fort:

Ne penfez pas railler fur ce Chapitre;

Rien n'eft plus révoltant que l'air & le maintien,
Plus mince que l'efprit, plus fot que l'entretien,
De ces beaux par état, de ces charmans en titre;
Et c'eft à les définir bien,

C'est un être équivoque, une espece amphibie
Qui vole notre fexe, & qui mafque le fien.
De tous deux a la fois, ah ! qu'il mérite bien,
La jufte averfion, la vive raillerie!

Je vous dirai qu'en mon particulier

Je les honore, oi, d'un mépris fingulier,
Et d'une forte antipathie :

Que j'aurois de plaifir à les humilier!

DAMON.

Bon! ma fœur, jalousie, entre vous de metier.. pas qu'ici je vous le diffimule

Il ne faut

La beauté! vous devez la cacher

Il n'appartient qu'à nous de l'afficher

Chez nous c'est un état, chez vous un ridicule.

DAMON.

Vous nous jettez dans l'embarras

Quand un homme eft né beau, voulez-vous

pour vous plaire,
Qu'il défigure fes appas:

Qu'il aille......

LA COMTESSE..

Non, je veux, mon frere,

Qu'il les ignore, ou n'en faffe aucun cas.

DAMON.

Le Marquis, j'en fuis fûr, eft de ce caractere. LA COMT ESSE.

Voilà ce que je veux fçavoir,

Par le moyen dont je vous prie :

Pour prélude du bal qu'on préparé ce soir,
Je vais me déguiser, fans être travestie.
D'AMON.

Mais, moi, je le ferai d'une façon....
LA COMTESSE.

DAMON..

Quel rôle ferez vous ?

LA COMTESSE.

Mais celui d'une amie.

Jolie.

En badinant, peut-être, que fçait-on

Il pourroit arriver.......

DAMON.

Ah! ma four, vifion!

Extravagance pure! & changez de pensée;
Vous voilà bien embarraffée

Pour choisir un époux, faut-il, tant de façon ?
Voyez d'abord celui qu'on vous propose,
Et fi fon air vous indifpofe,

Sans un plus long détour, & fans autre examen,
Imitez mon exemple & rompez votre Hymen :
Vous fçavez qu'on vouloit me donner une femme,
Jeune à la vérité, mais laide à faire peur ;
A fon premier afpect je reculai d'horreur

Et je lui dis, bon foir, Madame

Je ne ferai jamais que votre ferviteur.

LA COMTESS F.

Mon fexe me prefcrit toute une autre conduite!
Je ne dois pas aller si vîte ;
Il me con ient d'agir plus fagement.
DAMON.

En exigeant de moi cette métamorphofe,
Votre efprit fe conduit bien plus étourdiment
C'est peu que vous rifquiez, moi-même je m'ex
pose.

LA COMTESSE.

Mon frere, au férieux vous prenez trop la chose; Traitez-la plus gaiment: ce n'eft qu'un tour de