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De l'Oncle de votre Rivale;

A la veille du jour & de l'heure fatale,

Qui doit former leur union?

LAURE

Pour leur jouer, Finette, un tour de ma façon,
Dans ce déguisement, qui caufe tes allarmes,
J'écoûte, de mon cœur, beaucoup moins le dépit
Et l'ardeur de venger la gloire de mes charmes
Que l'enjoûment de mon efprit.
FINETT E.

L'enjoûment !pouvez-vous employer ce langage
Quand le Marquis vous fait le plus fenfible outra-

ge;

Il vous aime, il vous rend un hommage affidu;
Il vous demande en mariage

A vos Parens dont il est bien reçû;

Et pour gagner fon Pere, entreprend fon voyage
Puis l'ingrat, tout à coup,

fans vous dire pourquoi,

Vous quitte pour une autre, & moins belle, je

gage,

LAURE,

La Comteffe d'Erval a plus de bien que moi,
Et fi, pour l'époufer, il me manque de foi,
Si quatre mois d'absence en ont fait un volage,
Je ne dois pas m'en plaindre, ila fuivi l'usage,
Qui, d'un tel changement, a fait prefque une loi,

Et veut que la plus riche obtienne l'avantage.

FINETTE.

Moi, j'irois dans fon cœur enfoncer un poignard, Ou, le Sabre à la main, l'attendant au passage,

Je le tû....

LAURE.

Pour le coup, tu parles en Houfard. J'en veux avoir raifon d'une façon plus fage. Comme l'amour pour lui me touche foiblement, Il n'entre point dans mon reffentiment, Ni defefpoir, ni fureur, ni tristesse.

Je n'en veux point aux jours de mon Amant; Je ne viens point percer le cœur de la Comteffe. Non, le mouvement qui me preffe

N'eft qu'un defir malin de m'en venger gayment;
Et c'est au Bal d'hier, que j'en dois la pensée.
Cette vengeance eft plus fenfée :

Je trouve, en l'exerçant, l'art de me réjouir;
Je l'ai, cette nuit commencée,

Et ce matin ici, je viens pour la finir.

FINETTE.

Mais fongez-vous bien, je vous prie,
Que le Marquis que l'on attend

Et dont vous êtes la copie,
Peut arriver à chaque inftant
Et déranger l'economie

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Ses pas

De ce projet qui vous rit tant.
LAURE.

Non, dans ce jour je l'en défie,
font retenus, grace aux foins que j'ai pris.

FINETTE.

Retenus! pourquoi donc ? auroit-il une affaire ?
LAURE.

Oui, généreusement, je la prête au Marquis
FINETT E.

Daignez vous expliquer. Quel eft donc ce mistere
LAURE.

C'est un vrai tour de Page, & de bon cœur j'en ris. Sortant du Bal...

FINETTE.

Eh bien ?

LAURE,

Par mes avis,

J'ai fait mettre aux arrêts notre beau Moufque

taire,

Qui plus que toi, doit en être furpris.
FINETT E.

Par quel hafard, parlez, charmante Laure?
LAURE.

Par un trait fingulier, que j'ai mis à profit.
Tu fçais que pour aller au Bal de cette nuit,
Où tout Paris étoit, & dont il parle encore

Je me fuis déguisée en homme fans deffein.
Mon travestissement, comme le tien, enfin,
N'eft que l'ouvrage du caprice.

Par un coup heureux du deftin
Il m'a rendu plus de service

Caufé plus de plaifir que s'il avoit été

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Le fruit d'un complot médité.

Dans la foule du Bal, après t'avoir perdue,
Le Marquis démafqué dans un coin écarté,
Eft le premier objet, qui m'a frappé la vûë,
Comme il entretenoit avec vivacité
Un autre Moufquetaire affis à fon côté
Je me fuis approchée, & fans être connue.
Sous cet habit qui me cachoit,
J'ai prêté doucement une oreille attentive,
Et j'ai diftinctement entendu qu'il difoit :

;

» Oui, mon cher, en poste j'arrive » Pour époufer demain la Comtesse d'Erval » Choifi par fon vieux Oncle, au fortir de ce Bal, » Dans fa maison d'Auteuil, où notre himen s'ap

دو

prête,

» Pour la premiere fois, j'irai voir ma conquête ;

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Je fçais qu'on m'y prépare un fomptueux regal,

» Et puis, fans vanité, te prier d'une Fête,

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Dont je ferai le Héros principal.

A peine, du Marquis, ai-je oui ces paroles,

Que j'ai conçu dans le moment,

Une vengeance des plus folles.
FINETTE.

vous écoute avidement.

LAURE.

Je préviens, j'avertis tout bas adroitement,
Un de leurs Officiers, qui vient à ma rencontre,
Que le Marquis vient d'avoir fur le champ,
Avec fon Camarade un démêlé fanglant;
En même tems du doigt à fes yeux je les montre,
Ajoutant que tous deux, d'un coup d'œil mena-

çant,

Se font donné le mot, pour se battre en fortant.
Le hafard, qui m'eft favorable,
Veut, pour rendre la chofe encor plus vrai-fem-

blable,

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Qu'ils fe levent alors, en fe ferrant la main Mon homme, qui les voit, à ce geste équivoque Ne doute plus de leur deffein ;

Il marche fur leurs pas; l'Amant dont je me mo

A la

que,

porte fe voit arrêté le premier.

L'Officier, fans vouloir l'entendre
Dans leur Hôtel le force de fe rendre,

Et jufqu'à nouvel ordre, on l'y tient prifonnier,
Le plaifir que j'en ai, ne fçauroit fe comprendre

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