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ACTE II:

SCENE PREMIERE.

CRISPIN feul.

De ce petit Huffard, le minois me tracasse;

E

Sa figure, quoi que je faffe,

Me revient toûjours dans l'efprit.
Il pourroit bien ne l'être qu'à credit
Je ne fai qu'en penfer. Sa reffemblance eft telle,
Avec une Finette, à qui pendant trois mois
J'en ai compté vivement autrefois,
Qu'on la croiroit fa feur jumelle :

Il feroit fort plaifant qu'en effet ce fut elle;
Mais pourquoi pas ? tout eft poffible à la rigueur:
Une Soubrette au fonds n'eft pas inaltérable
Dans les principes de l'honneur.
Non, Finette n'a pas l'afurance & le cœur
Qu'il faut pour un rôle femblable:
Une fille d'ailleurs que j'ai trouvée aimable,
Et pour qui j'ai brûlé d'une parfaite ardeur,

De s'oublier ainsi, n'est pas capable:

Mon cher Crifpin, de grace, je vous prie,
Ne vous flattez pas là deffus:

On a vû trébucher de plus grandes vertus.
Ces contradictions brouillent ma fantaisie;

Pour m'éclaircir dans mes doutes confus,

Il ne faut pas agir avec étourderie.
Cherchons & revoyons le fripon de plus près;
Pour le mieux découvrir, interrogeons-le exprès:
Pefons le pour, examinons le contre >

Et nous déciderons après.

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loin, le voilà qui fe montre.

SCENE I I.

CRISPIN, FINETTE.

FINETTE à part.

H Ciel! voilà Crispin! la fâcheuse rencon

tre!

Le Huffard

Comment fortir de ce pas-ci?
pour le coup eft pris par un parti;

D'une jufte frayeur je fens mon ame émue.

CRISPIN.

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D'un œil jufte, & d'un efprit mur,

Confiderons-le bien dans tous fes points de vue,

Pour en porter un jugement plus fûr.
FINETTE à part.

De l'air dont il m'observe, & parcourt ma person

ne,

Je vois que le coquin vivement me soupçonne; Voilà ce qu'aujourd'hui je voulois éviter. CRISPIN à part.

Ce font les yeux, le nez, la bouche de Finette,
Et fa reffemblance est parfaite ;

C'est elle, je n'en puis douter.
FINETTE à part.

Ne perdons point la tête, & défendons la place
En cette rude extrêmité;

Pour mieux combattre l'effronté,

Il faut payer d'une plus grande audace,

Et nous armer le front d'une mâle fiérté.

CRISPIN à part.

Avec quelle affurance il me regarde en face?
Quelle mine guerriere ! & qu'il eft bien campé!
L'air dont il tient fon fabre, eft fi fier qu'il me
glace:

Ce n'eft plus elle & je me fuis trompé.
FINETTE à part.

Il vient de faire une grimace,

Qui déconcerte mon fang froid:

Son maintien feul fait rir e auffi-tôt qu'on le voit,

CRISPIN à part.

Suu vifage devient moitié gai, moitié tendre
Et je ne fçai plus où j'en fuis:

;

De ma Soubrette, ah! voilà le fouris; C'est elle maintenant, je ne puis m'y méprendre, Il paroît plus petit & mieux fait à tout prendre; Son corps paroît exprès moulé pour les habits, Et fon aifance en tout a lieu de me surprendre. Non, non, ce n'eft plus elle, & je change d'avis, FINETTE à part

Le voilà dérouté grace à mes attitudes.

CRISPIN à part.

Pour finir mes incertitudes,

Allons, de lui parler, hazardons le parti :
Accoftons-le d'abord avec cet air poli,
Ce maintien libre, & ces façons legeres
Que nous avons nous autres Militaires,
Pour avoir plûtôt fait connoiffance avec lui.
à Finette.

Jeune & brave Huffard, fans nul compliment fa

de,

Votre air previent fi fort, vous êtes fi joli,

Que l'on fe fait un plaisir infini

De donner dans votre embuscade
Et d'un fi charmant ennemi

L'on fait bien-tôt fon plus chercamarade,

FINETTE à part.

Soutenons cette attaque-ci

Par un fic & profond filence.
CRISPIN.

Vous ne répondez mot. Serois-ce par mépris ?
Avec moi devez-vous en agir de la sorte?
Vous avez tort... Cet air, & le fer que je porte,
Difent affez ce que je suis :

J'ai, glorieusement, fait plus d'une campagne :
Si vous êtes, Monfieur, un brave d'Allemagne,
Apprenez que je fuis un vaillant du païs ;
Je pense même avoir l'honneur de vous connoître,
Et nous nous fommes vûs ailleurs.

FINETT E.

Cela peut être.

Dans un Parti que j'ai surpris,

Dans ma derniere course, au fon i de la Boheme
Avec les Gougeats que j'ai pris,

J'ai fort bien pû te dépouiller toi-même.
CRISPIN.

Si vous êtes vaillant, vous n'êtes pas poli:
Mais vous, Monfieur, qui me parlez ainsi,
De votre nom, voudriez-vous m'inftruire
FINETTE.

Je fuis, puifqu'il faut te le dire,
fuis ce brave & fier Zaski,

Je

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