Sans vouloir trop m'en faire accroire, Entre nous, ne la vaux-je pas ? Lui fais-je aucun tort? FINETTE. Quelle idée! Par la comparaison vous êtes dégradée. Sentez mieux tout le prix de ce que vous valez, Charmante Laure, en vous vous raf femblez, Ce qui ne fe réunit guere, Les graces, l'agrément & l'exacte beauté. Tu me flattes au fonds, mais tu me fais plaifir; On a beau vous flatter, on ne fçauroit mentir. A l'égard de votre rivale, En ridicule il n'eft rien qui l'égale; Elle fe met d'un goût, oh! qui n'eft pas commun. Il n'eft pas tout-à-fait fi dépourvû de grace, 53 Elle a de belles dents: fon teint eft un peu brun. FINETTE. Oui, par ma foi d'auffi bruns qu'il s'en falle. Au rang des laides, moi, hardiment je la place; Elle eft laide en tout point, de loin comme de près. Oui, laide exactement. Sa vue eft un fupplice. LAURE. Tu charges pour le coup; voilà de tes excès. Quel que foit l'intérêt qui contre elle m'inspire, Qu'elle a dans fes façons, & même dans ses traits Qui frappe en bien, & qui prévient pour elle. Son efprit y répond. FINETTE. Oui franchement j'augure Qu'il va de pair, & qu'il fuit la figure, LAURE. Il brille peu d'abord, ce n'eft pas un génie ; Mais à l'ufer je le crois bon. F NETTE. Que ne me parlez-vous plûtôt de fon amie? Oh! n'en fais pas l'éloge, je t'en prie. Je ne fçaurois fouffrir fon tour d'efprit fur-tout. FINETTE. Vous m'étonnez; qu'a-t'il donc qui vous bleffe? LAURE. Il est enclin à juger mal d'autrui ;. Et fous un air poli, cache un fonds de rudesse. Sur l'entretien feul d'aujourd'hui, Je gagerois qu'elle eft d'un caractere Elle fe montre en tout d'un avis oppofé Je ne fçai qui des deux l'emporte là-dessus. FINETTE. Pouvez-vous bien les mettre en la même balance? Vous jugez la premiere, avec trop de rigueur, Elle l'excite auffi: depuis que je l'ai vue, fa rougeur, De moitié tout au moins ma haine s'eft accrue. Son zéle même à prendre ma deffence. Le tems preffe. Je veux achever mon bonheur ; Il faut, pour la punir, & combler ma vengeance, Il faut m'affurer de fes vœux. L'aveu que j'en attends eft trop cher à ma haine, Avant que de quitter ces lieux, Finette, il faut que je l'obtienne. Un hazard favorable à propos me l'amene. Je m'en vais profiter de ce moment heureux, M Adame, je me félicite De pouvoir un inftant être feul avec vous; Puis-je me flatter qu'une chaîne, Où je mets ma félicité, Pour vous ne foit pas une peine, Et ne trouve en vos vœux nulle difficulté ? DAMON. Un lien que mon Oncle approuve & fait lui-mê me, N'en doit pas trouver dans mon cœur. Pour moi, qui m'en rapporte à fa prudence ex trome, Le devoir n'est jamais une peine, Monfieur. LAURE. Madame, voilà le langage |