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Qu'un Seigneur même apprend pour se rendre agréable,

Mais la rime, entre nous, eft un art roturier, Qu'un homme comme toi doit rougir d'emploïer. LE BAR ON.

La Poëfie, un art roturier! Quel blafphême ! C'est le don de l'efprit le plus grand en foi-même. C'est la langue des Dieux. Chanter ré, mi, fa, fi, Jouer du Violon, eft-il plus noble, di?

LE MARQUIS.

A fon point d'excellence il faut porter la rime.

Où., •

LE BARON.

Mes Vers font marqués au vrai coin de l'estime; Et pour t'en mieux convaincre, écoute ce mor

ceau.

LE MARQUIS. Oui tes Vers font frappés, tu les prens dans Rousfeau,

LE BAR ON..

Et les airs que tu fais,comme ceux que tu chantes
Marquis, font la plupart dans les Indes Galantes
LE MARQUIS.

Pour te prouver, Baron, le contraire à l'inftant.
Ecoute un air de flutte auffi neuf que brillant.
It chante.

LE BARON.

Prête plutôt l'oreille à ma nouvelle fable,

LE MARQUIS.

Non, non, écoute-moi, mon air eft préférable.

LE BARON déclame.

Un Pigeon reffentoit l'amour le plus ardent
Pour une Colombe difcrete.

LE MARQUIS jouë & l'interrompt.
LE BARON.

Ah! fufpens les accords de ta voix indifcrette:
Entens, entens mes Vers, fens-en tout l'agrément
Il reprend.

Pour une Colombe discrete,

Un Pigeon reffentoit l'amour le plus ardent.
Elle ignoroit l'excès de fa flame parfaite.
LE MARQUIS l'interompt toujours
en chantant & le pour fuit.

LE BARON piqué.

Que le diable t'emporte execrable chanteur ! Je bouche mon oreille, & je fors de fureur. Ceffe de me poursuivre, arrête-toi barbare: Pour éviter tes fons je fuirois au Tartare.

Il fort.

SCENE V.

LE MARQUIS feul éclate de rire.

'En fuis grace à mon chant, j'en fuis débaraffe,

Par le Muficien le Poëte eft chaflé

J'ai chargé le premier exprès pour m'en défaire.
Quel fléau qu'un rimeur d'un pareil caractere !
C'est peu de r'habiller un Poëme emprunté,
Il a la rage encore, ou l'inhumanité

De vous affaffiner de fon cruel ouvrage,
Et malheur à celui qu'il trouve en fon paffage.
Il ne le quitte pas, qu'il ne l'ait affommé.

SCENE VI.

LE MARQUIS, M. DU BERCEAU.

M. DU BERCEAU.

Tout eft prêt maintenant, Monfieur.

LE MARQUIS.

J'en fuis charmé

M. DU BERCEAU.

Je fçaurai vous fouftraire aux yeux de la Comteffe Vous allez bientôt feul entretenir la niéce;

Sans qu'aucune des deux foupçonne notre accord. LE MARQUIS.

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SCENE VII.

LE MARQUIS. M. DU BERCEAU,

LE BARON, LUCILE, LA COMTESSE.

LA COMTESSE au Baron dans le fond du Théatre.

Vous allez en juger, fur votre goût je compte.

Au Marquis & à M. du Bercean.

Meffieurs je vous préviens.

LE MARQUIS.

Votre Toilette eft prompte.

LA COMTESSE.

Le foin de me parer m'occupe peu de tems.
LE BARON.

La parure eft aifée avec tant d'agrémens.
M. DU BERCEAU.

Il eft tems de montrer fima main eft habile
A bien conftruire un Temple.

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LUCILE.

Ah! ce choix eft heureux, on ne peut davantage,
Et le Dieu du fecret mérite notre hommage.
LA COMTESSE.

il a fur-tout le vôtre, & c'est au fond du cœur,
Celui que vous fervez avec le plus d'ardeur.
LUCILE

Pouvez-vous m'en blâmer? ne doit-il pas nous plaire ?

Le monde nous en fait un devoit nécessaire; Et fi par lui fouvent notre sexe eft frondé, C'est pour l'avoir trahi, non pour l'avoir gardé LE BARON.

Il n'eft pas cependant dans le fiécle où nous fom

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Plus d'un le fert encore, & même fans espoir. LA COMTESSE à M. du Berceau. Décrivez-nous fon Temple avant que de le voir. M. DU BERCEAU.

Madame, il eft fondé fur la délicateffe,

Servi par les amours, & fait pour la tendreffe,
Décoré par le goût, embelli par les jeux,
Et quiconque y parvient, eft certain d'être heureux.

C

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