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assistance, lorsque je dois célébrer la gloire de votre Époux. O Marie, vous avez vu les effets de la grace qui l'a rempli, et j'ai besoin de votre secours pour les faire entendre à ce peuple. Quand est-ce qu'on peut espérer de vous des intercessions plus puissantes, que où il s'agit du pudique Époux que le Père vous a choisi, pour | conserver cette pureté qui vous est si chère et si précieuse? Nous recourons donc à vous, ô Marie, en vous saluant avec l'ange, et disant : Ave, Maria.

Dans le dessein que je me propose d'appuyer les louanges de saint Joseph, non point sur des conjectures douteuses, mais sur une doctrine solide tirée des Écritures divines et des Pères leurs interprètes fidèles, je ne puis rien faire de plus convenable à la solennité de cette journée, que de vous représenter ce grand saint comme un homme que Dieu choisit parmi tous les autres, pour lui mettre en main son trésor, et le rendre ici-bas son dépositaire. Je prétends vous faire voir aujourd'hui que, comme rien ne lui convient mieux, il n'est rien aussi qui soit plus illustre; et que ce beau titre de dépositaire, nous découvrant les conseils de Dieu sur ce bienheureux patriarche, nous montre la source de toutes ses graces, et le fondement assuré de tous ses

éloges.

Et premièrement, chrétiens, il m'est aisé de vous faire voir combien cette qualité lui est honorable. Car si le nom de dépositaire emporte une marque d'estime, et rend témoignage à la probité; si, pour confier un dépôt, nous choisissons ceux de nos amis dont la vertu est plus reconnue, dont la fidélité est plus éprouvée, enfin les plus intimes, les plus confidents : quelle est la gloire de saint Joseph, que Dieu fait dépositaire, non seulement de la bienheureuse Marie, que sa pureté angélique rend si agréable à ses yeux; mais encore de son propre Fils, qui est l'unique objet de ses complaisances et l'unique espérance de notre salut de sorte qu'en la personne de Jésus-Christ, saint Joseph est établi le dépositaire du trésor commun de Dieu et des hommes. Quelle éloquence peut égaler la grandeur et la majesté de ce titre?

Si donc, fidèles, ce titre est si glorieux et si avantageux à celui dont je dois faire aujourd'hui le panégyrique, il faut que je pénètre un si grand mystère avec le secours de la grace; et que recherchant dans nos Écritures ce que nous y lisons de Joseph, je fasse voir que tout se rapporte à cette belle qualité de dépositaire. En effet, je trouve dans les Évangiles trois dépôts confiés au juste Joseph par la Providence divine; et j'y

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trouve aussi trois vertus qui éclatent entre les autres, et qui répondent à ces trois dépôts; c'est ce qu'il nous faut expliquer par ordre: suivez, s'il vous plaît, attentivement.

Le premier de tous les dépôts qui a été commis à sa foi, (j'entends le premier dans l'ordre des temps) c'est la sainte virginité de Marie, qu'il lui doit conserver entière sous le voile sacré de son mariage, et qu'il a toujours saintement gardée, ainsi qu'un dépôt sacré qu'il ne lui étoit pas permis de toucher. Voilà quel est le premier dépôt. Le second et le plus auguste, c'est la personne de Jésus-Christ, que le Père céleste dépose en ses mains, afin qu'il serve de père à ce saint Enfant, qui n'en peut avoir sur la terre. Vous voyez déja, chrétiens, deux grands et deux illustres dépôts confiés aux soins de Joseph; mais j'en remarque encore un troisième, que vous trouverez admirable, si je puis vous l'expliquer clairement. Pour l'entendre, il faut remarquer que le secret est comme un dépôt. C'est violer la sainteté du dépôt, que de trahir le secret d'un ami; et nous apprenons par les lois, que si vous divulguez le secret du testament que je vous confie, je puis ensuite agir contre vous comme ayant manqué au dépôt : Depositi actione tecum agi posse, comme parlent les jurisconsultes. Et la raison en est évidente, parceque le secret est comme un dépôt. Par où vous pouvez comprendre aisément que Joseph est dépositaire du Père éternel, parcequ'il lui a dit son secret. Quel secret? Secret admirable, c'est l'incarnation de son Fils. Car, fidèles, vous n'ignorez pas que c'étoit un conseil de Dieu, de ne pas montrer Jésus-Christ au monde, jusqu'à ce que l'heure en fût arrivée; et saint Joseph a été choisi, non seulement pour le conserver, mais encore pour le cacher. Aussi lisons-nous dans l'évangéliste', qu'il admiroit avec Marie tout ce qu'on disoit du Sauveur : mais nous ne lisons pas qu'il parlât; parceque le Père éternel, en lui découvrant le mystère, lui découvre le tout en secret et sous l'obligation du silence; et ce secret, c'est un troisième dépôt que le Père ajoute aux deux autres, selon ce que dit le grand saint Bernard, que Dieu a voulu commettre à sa foi le secret le plus sacré de son cœur Cui tutò committeret secretissimum atque sacratissimum sui cordis arcanum 2. Que vous êtes chéri de Dieu, & incomparable Joseph ! puisqu'il vous confie ces trois grands dépôts, la virginité de Marie, la personne de son Fils unique, le secret de tout son mystère.

Mais ne croyez pas, chrétiens, qu'il soit mé-
Luc. 11. 35. - Super Missus est, hom. 11, n. 16; tom. 4,

col. 742.

connoissant de ces graces. Si Dieu l'honore par ces trois dépôts, de sa part il présente à Dieu le sacrifice des trois vertus, que je remarque dans l'Évangile. Je ne doute pas que sa vie n'ait été ornée de toutes les autres; mais voici les trois principales que Dieu veut que nous voyions dans son Écriture. La première, c'est sa pureté, qui paroît par sa continence dans son mariage; la seconde, sa fidélité; la troisième, son humilité, et l'amour de la vie cachée. Qui ne voit la pureté de Joseph par cette sainte société de desirs pudiques, et cette admirable correspondance avec la virginité de Marie dans leurs noces spirituelles? La seconde, sa fidélité dans les soins infatigables qu'il a de Jésus, au milieu de tant de traverses qui suivent partout ce divin Enfant, dès le commencement de sa vie. La troisième, son humilité, en ce que possédant un si grand trésor, par une grace extraordinaire du Père éternel, bien loin de se vanter de ses dons ou de faire connoître ses avantages, il se cache, autant qu'il peut, aux yeux des mortels, jouissant paisiblement avec Dieu du mystère qu'il lui révèle, et des richesses infinies qu'il met en sa garde. Ah! que je découvre ici de grandeurs, et que j'y découvre d'instructions importantes! Que je vois de grandeurs dans ces dépôts, que je vois d'exemples dans ces vertus; et que l'explication d'un si beau sujet sera glorieux à Joseph, et fructueux à tous les fidèles! Mais afin de ne rien omettre dans une matière si importante, entrons plus avant au fond du mystère, achevons d'admirer les desseins de Dieu sur l'incomparable Joseph. Après avoir vu les dépôts, après avoir vu les vertus, considérons le rapport des uns et des autres, et faisons le partage de tout ce discours.

Pour garder la virginité de Marie sous le voile du mariage, quelle vertu est nécessaire à Joseph? Une pureté angélique, qui puisse en quelque sorte répondre à la pureté de sa chaste Épouse. Pour conserver le sauveur Jésus parmi tant de persécutions qui l'attaquent dès son enfance, quelle vertu demanderons-nous? Une fidélité inviolable, qui ne puisse être ébranlée par aucuns périls. Enfin, pour garder le secret qui lui a été confié, quelle vertu y emploiera-t-il, sinon cette humilité admirable, qui appréhende les yeux des hommes, qui ne veut pas se montrer au monde, mais qui aime à se cacher avec JésusChrist? Depositum custodi: 0 Joseph! gardez le dépôt; gardez la virginité de Marie; et pour la garder dans le mariage, joignez-y votre pureté. Gardez cette vie précieuse, de laquelle dépend le salut des hommes; et employez à la conserver parmi tant de difficultés, la fidélité de vos

soins. Gardez le secret du Père éternel : il veut que son Fils soit caché au monde; servez-lui d'un voile sacré, et enveloppez-vous avec lui dans l'obscurité qui le couvre, par l'amour de la vie cachée. C'est ce que je me propose de vous expliquer, avec le secours de la grace.

PREMIER POINT.

Pour comprendre solidement combien Dieu honore le grand saint Joseph, lorsque sa providence dépose en ses mains la virginité de Marie, il importe que nous entendions avant toutes choses combien cette virginité est chérie du ciel, combien elle est utile à la terre; et ainsi nous jugerons aisément, par la qualité du dépôt, de la dignité du dépositaire. Mettons donc cette vérité dans son jour; et faisons voir, par les saintes Lettres, combien la virginité étoit nécessaire pour attirer Jésus-Christ au monde. Vous n'ignorez pas, chrétiens, que c'étoit un conseil de la Providence, que comme Dieu produit son Fils dans l'éternité par une génération virginale, aussi quand il naîtroit dans le temps il sortit d'une mère vierge. C'est pourquoi les prophètes avoient annoncé qu'une vierge concevroit un fils: nos pères ont vécu dans cette espérance, et l'Évangile nous en a fait voir le bienheureux accomplissement. Mais s'il est permis à des hommes de rechercher les causes d'un si grand mystère, il me semble que j'en découvre une très considérable; et qu'examinant la nature de la sainte virginité selon la doctrine des Pères, j'y remarque une secrète vertu, qui oblige en quelque sorte le Fils de Dieu à venir au monde par son entremise.

En effet, demandons aux anciens docteurs de quelle sorte ils nous définissent la virginité chrétienne. Ils nous répondront d'un commun accord, que c'est une imitation de la vie des anges; qu'elle met les hommes au-dessus du corps, par le mépris de tous ses plaisirs; et qu'elle élève tellement la chair, qu'elle l'égale en quelque façon, si nous l'osons dire, à la pureté des esprits. Expliquez-le-nous, ô grand Augustin! et faitesnous entendre en un mot quelle estime yous faites des vierges. Voici une belle parole: Habent aliquid jam non carnis in carne 2. Ils ont, ditil, en la chair quelque chose qui n'est pas de la chair, et qui tient de l'ange plutôt que de l'homme Habent aliquid jam non carnis in carne. Vous voyez donc que, selon ce Père, la virginité est comme un milieu entre les esprits et les corps, et qu'elle nous fait approcher des natures spirituelles et de là il est aisé de comprendre combien cette vertu devoit avancer le

■ Isai. уII. 44. — De sanctá Virginit. n. 42; tom. vi, col. 346,

mystère de l'incarnation. Car qu'est-ce que le mystère de l'incarnation? C'est l'union très étroite de Dieu et de l'homme, de la Divinité avec la chair. « Le Verbe a été fait chair, dit l'évangéliste; voilà l'union, voilà le mystère. Mais, fidèles, ne semble-t-il pas qu'il y a trop de disproportion entre la corruption de nos corps et la beauté immortelle de cet esprit pur; et ainsi qu'il n'est pas possible d'unir des natures si éloignées ? C'est aussi pour cette raison que la sainte virginité se met entre deux, pour les approcher par son entremise. Et en effet, nous voyons que la lumière, lorsqu'elle tombe sur les corps opaques, ne les peut jamais pénétrer, parceque leur obscurité la repousse; il semble au contraire qu'elle s'en retire en réfléchissant ses rayons: mais quand elle rencontre un corps transparent, elle y entre, elle s'y unit, parcequ'elle y trouve l'éclat et la transparence qui approche de sa nature, et tient quelque chose de la lumière. Ainsi nous pouvons dire, fidèles, que la divinité du Verbe éternel, voulant s'unir à un corps mortel, demandoit la bienheureuse entremise de la sainte virginité, qui, ayant quelque chose de spirituel, a pu en quelque sorte préparer la chair à être unie à cet esprit pur.

Mais de peur que vous ne croyiez que je parle ainsi de moi-même, il faut que vous appreniez cette vérité d'un célèbre évêque d'Orient: c'est le grand Grégoire de Nysse, dont je vous rapporte les propres paroles, tirées fidèlement de son texte. C'est, dit-il, la virginité qui fait que Dieu ne refuse pas de venir vivre avec les hommes: c'est elle qui donne aux hommes des ailes pour prendre leur vol du côté du ciel ; et étant le lien sacré de la familiarité de l'homme avec Dieu, elle accorde, par son entremise, des choses si éloignées par nature: Quæ adeo naturâ distant, ipsa intercedens sud virtute conciliat, adducitque in concordiam 2.

Peut-on confirmer en termes plus clairs la vérité que je prêche? Et par-là ne voyez-vous pas, et la dignité de Marie, et celle de Joseph son fidèle époux ? Vous voyez la dignité de Marie, en ce que sa virginité bienheureuse a été choisie dès l'éternité pour donner Jésus-Christ au monde ; et vous voyez la dignité de Joseph, en ce que cette pureté de Marie, qui a été si utile à notre nature, a été confiée à ses soins, et que c'est lui qui conserve au monde une chose si nécessaire. O Joseph, gardez ce dépôt: Depositum custodi. Gardez chèrement ce sacré dépôt de la pureté de Marie. Puisqu'il plaît au Père éternel de garder la virginité de Marie sous le voile du mariage,

Joan, 1. 14. - De Virginit. cap. u. tom. I. pag. 146.

elle ne se peut plus conserver sans vous; et aussi votre pureté est devenue en quelque sorte nécessaire au monde, par la charge glorieuse qui lui est donnée de garder celle de Marie.

C'est ici qu'il faut vous représenter un spectacle qui étonne toute la nature; je veux dire ce mariage céleste, destiné par la Providence pour protéger la virginité, et donner par ce moyen Jésus-Christ au monde. Mais qui prendrai-je pour mon conducteur dans une entreprise si difficile, sinon l'incomparable Augustin, qui traite si divinement ce mystère? Ecoutez ce savant évêque', et suivez exactement sa pensée. Il remarque, avant toutes choses, qu'il y a trois liens dans le mariage. Il y a premièrement le sacré contrat, par lequel ceux que l'on unit se donnent entièrement l'un à l'autre il y a secondement l'amour conjugal, par lequel ils se vouent mutuellement un cœur, qui n'est plus capable de se partager, et qui ne peut brûler d'autres flammes: il y a enfin les enfants, qui sont un troisième lien; parceque l'amour des parents venant, pour ainsi dire, à se rencontrer dans ces fruits communs de leur mariage, l'amour se lie par un noeud plus ferme.

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Saint Augustin trouve ces trois choses dans le mariage de saint Joseph, et il nous montre que tout y concourt à garder la virginité2. Il y trouve premièrement le sacré contrat, par lequel ils se sont donnés l'un à l'autre ; et c'est là qu'il faut admirer le triomphe de la pureté dans la vérité de ce mariage. Car Marie appartient à Joseph, et Joseph à la divine Marie'; si bien que leur mariage est très véritable, parcequ'ils se sont donnés l'un à l'autre. Mais de quelle sorte se sont-ils donnés? Pureté, voici ton triomphe. Ils se donnent réciproquement leur virginité, et sur cette virginité ils se cèdent un droit mutuel. Quel droit? de se la garder l'un à l'autre. Oui Marie a droit de garder la virginité de Joseph et Joseph a droit de garder la virginité de Marie. Ni l'un ni l'autre n'en peut disposer, et toute la fidélité de ce mariage consiste à garder la virginité. Voilà les promesses qui les assemblent, voilà le traité qui les lie. Ce sont deux virginités qui s'unissent, pour se conserver éternellement l'une l'autre par une chaste correspondance dé desirs pudiques; et il me semble que je vois deux astres, qui n'entrent ensemble en conjonction, qu'à cause que leurs lumières s'allient. Tel est le noeud de ce mariage, d'autant plus ferme, dit saint Augustin 3, que les promesses qu'ils se sont données doivent être plus invio

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lables, en cela même qu'elles sont plus saintes. | desirs ne tendoient qu'à conserver la virginité ;

et il est aisé de l'entendre. Car dites-nous, ô divin Joseph, qu'est-ce que vous aimez en Marie? Ah! sans doute, ce n'étoit pas la beauté mortelle, mais cette beauté cachée et intérieure, dont la sainte virginité faisoit le principal ornement. C'étoit donc la pureté de Marie qui faisoit le chaste objet de ses feux; et plus il aimoit cette pureté, plus il la vouloit conserver, premièrement en sa sainte épouse, et secondement en luimême, par une entière unité de cœur : si bien que son amour conjugal, se détournant du cours ordinaire, se donnoit et s'appliquoit tout entier à garder la virginité de Marie. O amour divin et spirituel ! Chrétiens, n'admirez-vous pas comme tout concourt dans ce mariage à conserver ce sacré dépôt ? Leurs promesses sont toutes pures leur amour est tout virginal: il reste maintenant à considérer ce qu'il y a de plus admirable; c'est le fruit sacré de ce mariage, je veux dire le

Qui pourroit maintenant vous dire quel devoit être l'amour conjugal de ces bienheureux mariés? Car, ô sainte virginité, vos fiammes sont d'autant plus fortes qu'elles sont plus pures et plus dégagées; et le feu de la convoitise, qui est allumé dans nos corps, ne peut jamais égaler l'ardeur des chastes embrasements des esprits, que l'amour de la pureté lie ensemble. Je ne chercherai pas des raisonnements pour prouver cette vérité; mais je l'établirai, par un grand miracle que j'ai lu dans saint Grégoire de Tours', au premier livre de son histoire. Le récit vous en sera agréable, et du moins il relâchera vos attentions. Il dit que deux personnes de condition, et de la première noblesse d'Auvergne, ayant vécu dans le mariage avec une continence parfaite, passèrent à une vie plus heureuse, et que leurs corps furent inhumés en deux places assez éloignées. Mais il arriva une chose étrange: ils ne purent pas demeurer long-sauveur Jésus. temps dans cette dure séparation; et tout le Mais il me semble vous voir étonnés, de m'enmonde fut étonné qu'on trouva tout-à-coup leurs tendre prêcher si assurément que Jésus est le tombeaux unis, sans que personne y eût mis la fruit de ce mariage. Nous comprenons bien, dimain. Chrétiens, que signifie ce miracle? Ne rez-vous, que l'incomparable Joseph est père de vous semble-t-il pas que ces chastes morts se Jésus-Christ par ses soins; mais nous savons qu'il plaignent de se voir ainsi éloignés? Ne vous n'a point de part à sa bienheureuse naissance. semble-t-il pas qu'ils nous disent ( car permet- Comment donc nous assurez-vous que Jésus est tez-moi de les animer, et de leur prêter une le fruit de ce mariage ? Cela peut-être paroît imvoix, puisque Dieu leur donne le mouvement); possible: toutefois, si vous rappelez à votre méne vous semble-t-il pas qu'ils vous disent: Et moire tant de vérités importantes que nous avons, pourquoi a-t-on voulu nous séparer ? Nous avons ce me semble, si bien établies, j'espère que vous été si long-temps ensemble, et nous y avons tou- m'accorderez aisément que Jésus, ce bénit enjours été comme morts, parceque nous avons fant, est sorti, en quelque manière, de l'union éteint tout le sentiment des plaisirs mortels; et virginale de ces deux époux. Car, fidèles, n'avonsétant accoutumés depuis tant d'années à être en- nous pas dit que c'est la virginité de Marie qui semble comme des morts, la mort ne nous doit a attiré Jésus-Christ du ciel? Jésus n'est-il pas pas désunir. Aussi Dieu permit qu'ils se rappro- cette fleur sacrée que la virginité a poussée ? chèrent, pour nous montrer, par cette merveille, n'est-il pas le fruit bienheureux que la virginité que ce ne sont pas les plus belles flammes que a produit ? Oui, certainement, nous dit saint celles où la convoitise se mêle; mais que deux Fulgence, « il est le fruit, il est l'ornement, il virginités, bien unies par un mariage spirituel, » est le prix et la récompense de la sainte virgien produisent de bien plus fortes, et qui peuvent,» nité » Sanctæ virginitatis fructus, decus et ce semble, se conserver sous les cendres mêmes munus '. C'est à cause de sa pureté que Marie a de la mort. C'est pourquoi Grégoire de Tours, plu au Père éternel; c'est à cause de sa pureté qui nous a décrit cette histoire, ajoute que les que le Saint-Esprit se répand sur elle, et repeuples de cette contrée appeloient ordinaire- cherche ses embrassements, pour la remplir d'un ment ces sépulcres, les sépulcres des deux amants; germe céleste. Et par conséquent, ne peut-on pas comme si ces peuples eussent voulu dire que c'é- dire que c'est sa pureté qui la rend féconde? Que toient de véritables amants, parcequ'ils s'aimoient si c'est sa pureté qui la rend féconde, je ne crainpar l'esprit. drai plus d'assurer que Joseph a part à ce grand miracle. Car si cette pureté angélique est le bien de la divine Marie, elle est le dépôt du juste Joseph.

Mais où est-ce que cet amour si spirituel s'est jamais trouvé si parfait, que dans le mariage de saint Joseph? C'est là que l'amour étoit tout céleste, puisque toutes ses flammes et tous ses

Histor. Franc. lib. 1, n. 42, pag. 31 et seq.

:

Mais je passe encore plus loin, chrétiens; per-
Ad Prob. Epist. 11, n. 6, p. 165,

mettez-moi de quitter mon texte, et d'enchérir sur mes premières pensées, pour vous dire que la pureté de Marie n'est pas seulement le dépôt, mais encore le bien de son chaste époux. Elle est à lui par son mariage, elle est à lui par les chastes soins par lesquels il l'a conservée. O féconde virginité ! si vous êtes le bien de Marie, vous êtes aussi le bien de Joseph. Marie l'a vouée, Joseph la conserve; et tous deux la présentent au Père éternel, comme un bien gardé par leurs soins communs. Comme donc il a tant de part à la sainte virginité de Marie, il en prend aussi au fruit qu'elle porte: c'est pourquoi Jésus est son fils, non pas à la vérité par la chair; mais il est son fils par l'esprit, à cause de l'alliance virginale qui le joint avec sa mère. Et saint Augustin l'a dit en un mot: Propter quod fidele conjugium parentes Christi vocari ambo meruerunt'. O mystère de pureté ! ô paternité bienheureuse! ô lumières incorruptibles, qui brillent de toutes parts dans ce mariage!

Chrétiens, méditons ces choses, appliquonsles-nous à nous-mêmes : tout se fait ici pour l'amour de nous; tirons donc notre instruction de ce qui s'opère pour notre salut. Voyez combien chaste, combien innocente est la doctrine du christianisme. Jamais ne comprendrons - nous quels nous sommes? Quelle honte, que nous nous souillions tous les jours par toute sorte d'impuretés, nous qui avons été élevés parmi des mystères si chastes? Et quand est-ce que nous entendrons quelle est la dignité de nos corps, depuis que le Fils de Dieu en a pris un semblable? « Que la chair se soit jouée, dit Tertullien 2, ou » plutôt qu'elle se soit corrompue, avant qu'elle » eût été recherchée par son maître; elle n'étoit » pas digne du don de salut, ni propre à l'office » de la sainteté. Elle étoit encore en Adam, ty>> rannisée par ses convoitises, suivant les beautés » apparentes, et attachant toujours ses yeux à la » terre. Elle étoit impure et souillée, parcequ'elle » n'étoit pas lavée au baptême. Mais depuis qu'un » Dieu, en se faisant homme, n'a pas voulu ve»> nir en ce monde, si la sainte virginité ne l'y >> attiroit; depuis que, trouvant au-dessous de » lui-même la sainteté nuptiale, il a voulu avoir » une mère vierge, et qu'il n'a pas cru que Joseph » fût digne de prendre le soin de sa vie, s'il ne » s'y préparoit par la continence; depuis que, » pour laver notre chair, son sang a sanctifié une » eau salutaire, où elle peut laisser toutes les or» dures de sa première nativité; nous devons entendre, fidèles, que depuis ce temps-là la >> chair est tout autre. Ce n'est plus cette chair

D

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* De Nupt. et Concup.fl. 1. ubi supr. - 2 De Pudicit. n. 6.

» formée de la boue, et engendrée par la con» voitise; c'est une chair refaite et renouvelée » par une eau très pure, et par l'Esprit saint. >> Donc, mes Frères, respectons nos corps qui sont les membres de Jésus-Christ; gardons-nous de prostituer à l'impureté cette chair que le baptême a fait vierge. « Possédons nos vaisseaux en │» honneur, et non pas dans ces passions ignomi» nieuses que notre brutalité nous inspire, comme » les Gentils qui n'ont pas de Dieu. Car Dieu ne »> nous appelle pas à l'impureté, mais à la sanc>>tification » en notre Seigneur Jésus-Christ. Honorons, par la continence, cette sainte virginité qui nous a donné le Sauveur, qui a rendu sa Mère féconde, qui a fait que Joseph a part à cette fécondité bienheureuse, et l'élève, si je l'ose dire, jusqu'à être le père de Jésus-Christ même. Mais, fidèles, après avoir vu qu'il contribue, en quelque façon, à la naissance de Jésus-Christ, en gardant la pureté de sa sainte Mère, voyons maintenant ses soins paternels, et admirons la fidélité par laquelle il conserve ce divin Enfant que le Père céleste lui a confié ; c'est ma seconde partie.

SECOND POINT.

Ce n'est pas assez au Père éternel d'avoir confié à Joseph la virginité de Marie : il lui prépare quelque chose de plus relevé; et après avoir commis à sa foi cette sainte virginité qui doit donner Jésus-Christ au monde, comme s'il avoit dessein d'épuiser sa libéralité infinie en faveur de ce patriarche, il va mettre en ses mains JésusChrist lui-même, et il veut le conserver par ses soins. Mais si nous pénétrons le secret, si nous entrons au fond du mystère, c'est là, fidèles, que nous trouverons quelque chose de si glorieux au juste Joseph, que nous ne pourrons jamais assez le comprendre. Car Jésus, ce divin Enfant, sur lequel Joseph a toujours les yeux, et qui fait l'admirable sujet de ses saintes inquiétudes, est né sur la terre comme un orphelin, et il n'a point de père en ce monde. C'est pourquoi saint Paul dit qu'il est sans père : Sine patre 2. Il est vrai qu'il en a un dans le ciel ; mais à voir comme il l'abandonne, il semble que ce Père ne le connoît plus. Il s'en plaindra un jour sur la croix, lorsque, l'appelant son Dieu et non pas son Père, Et pourquoi, dira-t-il, m'abandonnez-vous 3 ? Mais ce qu'il a dit en mourant, il pouvoit le dire dès sa naissance; puisque dès ce premier moment son Père l'expose aux persécutions, et commence à l'abandonner aux injures. Tout ce qu'il fait en faveur de ce Fils unique, pour montrer

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