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cette réelle communication de la propre substance du corps et du sang, qui le pourroit concevoir?

Aussi quand j'objecte à notre auteur que ce que disent les siens ne se peut entendre, il me reproche que je veux tout concevoir. « C'est en» core ici, dit-il ', pour la troisième ou quatrième » fois, que M. de Condom veut tout concevoir. » Il a mal pris ma pensée. Car assurément je ne prétends pas concevoir le fond du mystère, qui est en tous points incompréhensible. Mais quelque haut que soit le mystère, il faut faire concevoir nettement ce qu'on en pense; et la hauteur impénétrable des mystères du christianisme n'est pas une raison pour les exposer en termes confus, dont on ne puisse deviner le sens.

Que notre auteur nous explique donc, s'il lui plait, ce que c'est qu'une réelle communication de la propre substance du corps et du sang, sans la présence réelle de l'un et de l'autre.

Il croit avoir développé tout cet embarras, lorsqu'il dit dans son Avertissement qu'il y a grande différence entre « participation ou com>> munion réelle, et présence réelle; parceque » l'un donne lieu de supposer qu'il faut que le » corps de Jésus-Christ descende du ciel dans le » sacrement, pour y être réellement présent; » et nous disons seulement, que par la foi nous » élevons nos cœurs au ciel, où il est, et que » c'est ainsi que nous participous à Jésus-Christ » très-réellement, mais spirituellement. »>

muniquassent la propre substance du corps et du sang de Jésus-Christ, comme ils le disent perpétuellement de l'eucharistie.

J'ai proposé cette difficulté dans l'Exposition; et la réponse qu'y fait notre auteur se réduit à trois chefs.

Il dit premièrement que le baptême, la prédication et l'eucharistie ont le même effet, et nous communiquent aussi réellement l'un que l'autre la substance du corps et du sang de notre Seigneur : secondement que ce même effet est exprimé en divers termes, et représenté sous diverses formes; par exemple, « le baptême, dit» il 2, ne nous applique ou communique le sang » de Jésus-Christ, que par forme de lavement; >> au lieu que l'eucharistie nous communique son » corps et son sang, par forme de nourriture » et de breuvage. » Enfin il conclut de là, que si l'on dit de l'eucharistie, plutôt que de la prédication et du baptême, qu'elie nous donne la substance du corps et du sang de Jésus-Christ, ce n'est pas qu'en effet cela lui convienne plutôt qu'aux deux autres ; mais c'est à cause que cette façon de parler convient mieux au dessein qu'a eu notre Seigneur de se donner à nous dans l'eucharistie en qualité d'aliment, par forme de nourriture, et de nous y représenter son union intime avec nous 3.

Je suis assuré que si l'Anonyme avoit entrepris lui-même d'exprimer son sentiment en peu de paroles, il ne le feroit pas plus sincèrement, ni de meilleure foi que je viens de faire. Mais pour ne lui rien ôter, il faut ajouter encore les exemples dont il se sert. Ils me serviront aussi à lui faire connoître son erreur, si peu qu'il veuille ouvrir les yeux. Et c'est pourquoi je m'attacherai à les rapporter en ses propres termes. Voici donc ce qu'il écrit : « Notre cCthé» chisme ne dit pas que Jésus-Christ nous fasse >> renaître spirituellement dans la cène, ou qu'il >> nous nettoie de nos péchés, comme il le dit » du baptême, ni que la foi soit de la cène, » comme il est dit que la foi est de l'ouïe, et que

Il falloit venir sans tant de discours à ce qui fait la difficulté. Pour expliquer que nos cœurs s'élèvent au ciel par la foi, et s'unissent à Jésus-Christ par affection, est-il nécessaire de dire que nous recevons réellement la substance de son corps et de son sang? Joignez-y, si vous voulez, que l'Esprit de Jésus-Christ habite en nous, que sa justice nous est imputée, que nous lui sommes unis en esprit et par la foi, et que nous sommes vivifiés par la vertu de son corps et de son sang: nous avons montré clairement que tout cela ne fera jamais qu'il faille dire avec tant de force, que nous en recevons réellement la propre sub-» l'ouïe est de la parole; parceque la cène n'est stance: et ce qui le prouve invinciblement, c'est qu'encore que cette union spirituelle avec Jésus-Christ se trouve, par le propre aveu des prétendus réformés, et dans la prédication, et dans le baptême; encore que la vertu du corps immolé et du sang répandu pour nous nous vivifie dans l'un et dans l'autre, ils n'ont jamais osédire dans leur Catéchisme, ni dans leur Confession de foi, que ni la prédication, ni le baptême, ni enfin aucune action faite hors de la cène, nous com

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» pas instituée pour nous représenter notre union » avec Jésus-Christ sous cette idée, mais pour » nous la représenter sous l'idée d'une union » substantielle, comme celle de la nourriture. » De même si le Catéchisme ne dit pas que »> nous sommes faits participants de la substance » de Jésus-Christ dans le baptême, ou dans la » prédication de l'Évangile, comme il le dit de » la cène; ce n'est pas que dans ces actes-là »> nous ne soyons très réellement unis à Jésus'Pag. 233, 234, 237, 258. - Pag. 234. - 3 Pag. 234, 238. ▲ Pag. 237.

>> Christ, ou que Jésus-Christ n'y nourrisse spi>> rituellement nos ames de sa substance, de » mème que dans la cène; et M. de Condom » n'oseroit dire le contraire; mais c'est qu'encore » que ces divers moyens produisent au fond le » méme effet, les mêmes expressions ne convien» nent pas également à l'un et à l'autre ; parce» que l'eau du baptème et le son de la parole ne » sont pas si propres que les symboles du pain >> et du vin, pour nous représenter tant la nourri>>ture spirituelle de nos ames, que l'union intime » qui se fait de nous avec Jésus-Christ. »

l'ouïe; et on voit qu'elle est en effet le propre effet de l'instruction.

ces expressions marque dans la chose même des effets particuliers. Et pour repasser en peu de mots sur tous les exemples que l'Anonyme nous allègue; on dit que le baptême nous nettoie, parcequ'il efface le péché que nous apportons en naissant; et on dit ensuite qu'il nous fait renaître, parceque nous y passons de mort à vie, c'est-à-dire, de l'état de péché, où nous étions nés, à l'état de sainteté et de grace. C'est ce qu'on ne peut dire de l'eucharistie, qui doit nous trouver déja nettoyés du péché de notre origine. Car il faut être lavé pour approcher de Il veut dire, si je ne me trompe, que lorsqu'on cette table; et ce pain céleste, qui nous est exprime les choses par de certaines ressemblan- donné pour entretenir en nous une vie nouvelle, ces, il faut suivre la comparaison ou la figure suppose que nous l'avons déja reçue. De même qu'on a commencée. L'Église est représentée quand nous disons avec saint Paul, que la foi comme un filet où il se prend toute sorte de vient de l'ouïe; nous exprimons par ces termes poissons, ou comme un champ où on sème de l'effet particulier de la prédication. C'est elle qui toute sorte de grains. Ces deux figures ne signi- nous propose ce qu'il faut croire. Car comment fient que la même chose. Mais il ne faut pas dire croiront-ils, dit le même apôtre, s'ils n'ont pour cela qu'on sème dans ce filet, ni qu'on oui auparavant? et comment entendront-ils, prend des poissons dans ce champ, parcequ'il s'ils n'ont quelqu'un qui les prêche ? C'est de faut suivre l'idée qu'on a prise : j'en suis d'ac-là que saint Paul conclut, que la foi vient par cord; mais je ne vois pas que cela explique la difficulté dont il s'agit. Laver et nourrir les ames, ne marque, selon l'Anonyme, en Jésus-Christ que la même vertu, et dans les ames que le même effet. Quand cela seroit véritable, il pourroit conclure, tout au plus, qu'il ne faudroit pas dire que Jésus-Christ nous nourrit, quand on le représente par forme de lavement, ou qu'il nous lave, quand on le regarde comme viande. Mais ce n'est pas là notre question. Il s'agit de la substance du corps et du sang de Jésus-Christ. L'Anonyme a entrepris de nous expliquer pourquoi on dit parmi les siens, dans son Catéchisme, qu'elle nous est communiquée dans la cène, et qu'on ne dit pas qu'elle nous est communiquée au baptême. Certainement l'idée de substance ne répugne pas plus à l'action de laver, qu'à l'action de nourrir: on ne nous applique pas moins la substance de l'eau pour nous laver, qu'on nous donne la substance du pain et du vin pour nous repaître ; et s'il n'y avoit à considérer que ce qu'allègue l'Anonyme, les auteurs de son Catéchisme pouvoient dire aussi proprement, que Jésus-Christ nous lave dans le baptême de la substance de son sang, qu'ils ont dit qu'il nous nourrit à la cène de la substance de son corps. Mais je veux bien ne m'arrêter pas à une raison si claire; et il faut que je lui découvre son erreur par une considération qui va plus au fond.

Il se trompe assurément, quand il pense que les expressions différentes qu'il rapporte, dans le passage que nous venons de produire, ne signifient au fond que le même effet. Chacune de

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Il n'y a donc rien de merveilleux en ce que notre auteur observe, que les auteurs de son Catéchisme ne disent pas que la cène nous nettoie ou nous régénère, ni que la foi soit de la cène. C'est que la cène effectivement ne remet pas le péché de notre origine; et qu'on ne peut dire, sans tomber dans une erreur très absurde, que la foi vienne de la cène; puisque la cène ellemême ne seroit pas crue, ni son mystère entendu, si l'instruction de la parole n'avoit précédé.

Ainsi on voit clairement, quoique l'Anonyme ait voulu dire, que ces façons de parler, qui sont particulièrement affectées, et pour ainsi dire, consacrées aux divers actes du chrétien, ne doivent pas être prises seulement comme des phrases diverses qui ne nous proposeroient qu'un même effet. Au contraire, à chaque parole répond dans la chose même un effet particulier, qui en marque le propre caractère; et si on attribue cet effet aux autres actes de la religion, on en détruit la céleste économie.

Pour appliquer maintenant à l'eucharistie ce que nous venons de dire; quand les prétendus réformateurs ont proposé dans leur Catéchisme ou dans leurs Confessions de foi, ce qui regarde la cène, sans doute ils ont voulu en donner une connoissance distincte, et ils ont dû en marquer le caractère particulier. Or ce caractère particulier qu'ils nous ont marqué, c'est que Jésus-Christ

1 Rom. x. 44.

nous y donne la propre substance de son corps | De là il conclut que « les auteurs de son Caté

et de son sang: et nous voyons en effet qu'ils n'ont rien attribué de semblable au baptême et à la parole, ni aux autres actes de la religion. Ainsi notre auteur détruit leur dessein, lorsqu'il répand généralement dans toutes les autres actions, ce que les auteurs de son Catéchisme ont choisi comme l'effet particulier et le propre caractère de la cène.

Mais c'est qu'il ne veut pas concevoir par quelle suite de vérités ils ont été conduits à ce sentiment Ils ont vu que Jésus-Christ a dit, Ceci est mon corps, ceci est mon sang. Ils sont d'accord qu'il n'a pas voulu nous donner un simple signe, mais un signe accompagné de la chose. Il est assuré d'ailleurs qu'il n'a prononcé qu'une fois cette parole, et qu'elle ne regarde que l'eucharistie. Sans doute en l'instituant, il nous aura exprimé ce qu'elle a de particulier, et quel est le don spécial qu'il a eu dessein de nous y faire. Ce don, c'est son corps et son sang, que nous devons par conséquent recevoir en vérité dans la cène, d'une manière qui ne convienne à aucune autre action. Or est-il que la vertu et l'efficace du corps et du sang se déploie dans toutes les autres : il n'y a donc plus que la chose même et la substance propre du corps et du sang, qui puisse être réservée à l'Eucharistie.

Ces vérités incontestables font une impression secrète dans les esprits; et quoique le sens humain, qui ne peut comprendre les œuvres de Dieu, ait empêché les prétendus réformateurs de les embrasser pleinement dans toute leur suite; ils n'ont pu s'en éloigner tout-à-fait. C'est pourquoi ils ont voulu nous faire trouver dans la cène la substance du corps et du sang, qu'ils n'osent attribuer, ni à la prédication, ni au baptême, ni à aucune autre action.

Il paroît, par toutes ces choses, combien j'ai eu raison de dire que la force de la vérité les a poussés, contre leur dessein, à dire des choses qui favorisent la présence réelle, puisqu'elles n'ont de sens qu'en la supposant. Mais on en sera encore plus convaincu, quand on aura pénétré ce que l'Anonyme dit pour sa défense.

Pour nous expliquer par quelles raisons ces grands mots de propre substance du corps et du sang sont demeurés en usage dans la réformation prétendue, il représente premièrement que « l'É» criture ne se sert jamais de ce terme de sub » stance sur le sujet de l'eucharistie'. » J'en suis d'accord.

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>> chisme, n'ont pas été obligés à employer ces » expressions, pour se conformer à l'Écriture et >> aux anciens Pères '. » Et il ajoute enfin en troisième lieu, « qu'ils l'ont fait sans doute pour » se conformer en cela à l'usage des derniers >> temps. >>

Pesons ces dernières paroles; et sans disputer à l'auteur ce qu'il dit des anciens Pères de l'Église, parceque cette discussion est trop éloignée de notre dessein, demandons-lui s'il n'est pas constant entre nous, que du moins dans les derniers temps la foi de la présence réelle étoit établie. Par conséquent dire, comme il fait, que les prétendus réformateurs, en expliquant le point de l'eucharistie, ont accommodé leurs expressions à l'usage des derniers temps, c'est dire manifestement qu'ils se sont accommodés à ceux qui croyoient la présence réelle.

Il paroîtra fort étrange que ceux qui nient la présence réelle veulent s'accommoder aux expressions de ceux qui la croient. Mais qu'on ne pense pas toutefois que l'Anonyme ait trahi sa cause, quand il a avoué cette vérité. Il connoît le génie de la prétendue réforme. Il sait que les luthériens sont de ces auteurs des derniers temps qui ont cru la réalité, et que ceux de sa religion ont toujours tâché de les satisfaire.

Mais il est bon de pénétrer pourquoi les auteurs des derniers temps, et entre autres les Luthériens, ont employé dans l'eucharistie ces mots de propre substance. Nous en avons déja expliqué la cause; nous avons vu qu'on s'est servi de ces termes pour soutenir le sens littéral de ces paroles, Ceci est mon corps, contre ceux qui établissoient le sens figuré; et qu'en cela on a suivi l'exemple des Pères, qui ont employé le terme nouveau de consubstantiel, pour déterminer le sens précis de ces paroles de Jésus-Christ : Nous sommes, mon Père et moi, une même chose.

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Par-là on peut reconnoître, combien est faux le raisonnement de l'Anonyme. « L'Écriture, » dit-il 2, ne se sert jamais de ce terme de sub» stance sur le sujet de l'eucharistie. » Ce n'est donc pas pour se conformer à l'Écriture qu'on s'est servi de ce terme. On pourroit conclure de même que ce n'est point pour se conformer à l'Écriture sainte, que les Pères de Nicée et d'Éphèse se sont servis des termes de consubstantiel et d'union personnelle, puisque l'Écriture ne s'en sert en aucun endroit. Mais qui ne sait, au contraire, que ces termes n'ont été choisis que pour fixer au sens littéral les paroles de l'Écriture, que les hérétiques détournoient? Il est per

'Pag. 224. — Ibid.

mis à ceux qui soutiennent le sens littéral de ces paroles, Ceci est mon corps, d'employer aussi des expressions qui pussent exclure précisément le sens figuré : et c'est pour cela que non seulement les catholiques, mais encore les luthériens, aussi zélés défenseurs de la présence réelle, ont appuyé sur la présence et la réception du corps de Jésus-Christ en substance, pour combattre Zuingle, Bucer et Calvin, qui, au fond, ne vouloient admettre qu'une présence en figure, ou tout au plus en vertu.

J'ai dit que les luthériens concourent avec nous dans ce dessein. Cela paroît dans tous leurs écrits, et surtout dans la Confession de foi qu'ils dressèrent en 1551, pour l'envoyer au concile de Trente, et pour expliquer leur doctrine encore plus clairement qu'ils n'avoient fait dans celle d'Augsbourg. Ils disent que Jésus-Christ est vraiment et substantiellement présent dans la communion; et on trouve encore ces expressions presque à toutes les pages du livre qu'ils ont appelé Concorde, qu'ils ont publié d'un commun accord, pour expliquer à toute la terre la foi que confessent toutes leurs Églises.

On voit donc manifestement que c'est le dessein d'expliquer la réalité sans embarras et sans équivoque, qui a fait qu'on a tant appuyé sur la substance du corps et du sang, et qui a donné un si grand cours à cette expression dans les derniers temps; auxquels néanmoins notre auteur avoue que leurs premiers réformateurs ont trouvé nécessaire de s'accommoder dans leur Confession de foi, et dans leur Catéchisme.

Ils ne voudroient pas que nous crussions qu'ils l'ont fait par pure complaisance pour les luthériens, et encore moins pour les amuser par des expressions semblables à celles dont ils se servoient.Carqu'y auroit-il de plus détestable qu'une Confession de foi et un Catéchisme qui seroient faits sur de tels principes? Ainsi la vérité est, que pressés par les arguments des catholiques et des luthériens, ou plutôt pressés, quoi qu'ils disent, par la force des paroles de notre Seigneur, ils n'ont pu s'éloigner tout-à-fait du sens littéral, ni détruire la réalité, sans en conserver quelque idée.

tous les siècles ont fait dans leurs esprits des impressions plus fortes, et les ont accoutumés à quelque chose de plus réel. Ils s'attendent à recevoir plus que des rayons et des influences. Ainsi ce n'est pas assez de leur parler de la figure, ni même de la vertu du corps et du sang; il a fallu nécessairement leur en proposer la substance même.

C'est pourquoi les écrivains de messieurs de la religion prétendue réformée, ne craignent rien tant que de laisser apercevoir à leurs peuples, que la manière dont les catholiques et les luthériens croient recevoir le corps et le sang de Jésus-Christ dans l'eucharistie, soit plus réelle que la leur: ils tâchent au contraire de leur fairc croire que leur dispute avec les luthériens, sur le point de l'eucharistie, ne regarde que la manière, mais qu'ils sont d'accord avec eux du fondement. C'est ce que dit l'Anonyme, avec l'approbation des ministres de Charenton; et il importe de bien faire connoître leur pensée.

J'ai produit, dans l'Exposition, un décret du synode national de Sainte-Foi de 1571, sur le sujet d'une Confession de foi commune aux luthériens et aux calvinistes, qu'on proposoit de dresser. Notre auteur, qui a entrepris de rendre raison de cet arrêté, dit ceci entre autres choses : « C'est principalement sur le sacrement » de l'eucharistie, que nous étions en différend » avec les luthériens; et sur cela même, ajoute» t-il, nous convenons, eux et nous, du fonde» ment. »>

Remarquez qu'il ne dit pas qu'ils conviennent du fondement avec les luthériens dans les autres choses; mais sur cela même, dit-il, sur le point de l'eucharistie, sur lequel est néanmoins toute la dispute, nous convenons, eux et nous, du fondement.

Je ne sais comment il peut dire que les calvinistes et les luthériens conviennent du fondement dans le point de l'eucharistie, puisque les uns fondent leur doctrine sur le sens figuré des paroles de l'institution, et les autres sur le littéral. On peut bien dire que les catholiques et les luthériens, quoiqu'ils ne conviennent pas de toutes les suites en cette matière, conviennent Cela veut dire en un mot, que ces belles et in- du fondement; puisqu'ils « ont cela de commun, génieuses comparaisons du soleil et des astres,» selon l'Anonyme même 2, qu'ils prennent, les quoiqu'ils les aient toujours à la bouche en cette » uns et les autres, les paroles du Seigneur dans matière, ne les ont pas contentés eux-mêmes,» un sens littéral pour une présence réelle. » et ne leur ont pas paru suffisantes, pour expliquer la manière dont Jésus-Christ se donne à nous dans l'eucharistie. Les chrétiens y veulent recevoir le corps et le sang de leur Sauveur, autrement qu'ils ne reçoivent les astres et le soleil. Les paroles de Jésus-Christ et la tradition de

Aussi le même auteur fait-il consister la dispute entre les catholiques et les luthériens sur la manière d'expliquer cette présence réelle, les uns mettant le corps avec le pain, et les autres le corps sans le pain.

'Pag. 336.-2 Pag. 261.

Mais à l'égard des calvinistes et des luthériens, ce n'est ni des suites ni des circonstances, mais du fond même qu'ils disputent; puisque les uns fondent leur doctrine sur la présence réelle, et que les autres, raisonnant sur un principe contraire, nous disent que jamais aucun des leurs n'u cru la présence réelle'.

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riens n'ont prétendu expliquer la manière aussi réelle que miraculeuse, dont un corps humain est présent en même temps en tant de lieux, et, renfermé tout entier dans un si petit espace : et bien loin de la vouloir décider, ils ont toujours déclaré qu'elle étoit divine, surnaturelle, et toutà-fait incompréhensible.

Nous leur ferons, quand il leur plaira, une semblable déclaration; ou plutôt elle est déja faite ; et de tous ceux qui croient que Jésus-Christ a voulu que son corps fût réellement présent, aucun n'a prétendu expliquer de quelle manière s'exécute une chose si miraculeuse.

Ainsi les luthériens n'affoiblissent en rien leur doctrine touchant la présence réelle, quand ils ne décident pas la manière dont on la peut expliquer, puisqu'en effet elle surpasse notre intelligence. C'est leur accorder tout ce qu'ils prétendent, que de leur avouer que Jésus-Christ est réellement présent dans le sacrement; car s'il y a une présence réelle dans le sacrement, il est clair que la présence en figure et la présence en vertu n'y suffisent pas.

Nous allons voir toutefois, par l'aveu de notre auteur même, et des ministres de Charenton, qui ont approuvé son ouvrage, qu'il n'est pas impossible de faire convenir les prétendus réformés de la présence réelle ; et que c'est sur ce fondement que le synode de Sainte-Foi avoit jugé que l'on pouvoit dresser cette nouvelle Confession de foi commune aux luthériens et aux calvinistes. Mais lisons ses propres paroles: «Si » les luthériens, dit-il, n'eussent pu convenir » entièrement de notre doctrine (à quoi on sait » en effet qu'ils étoient peu disposés), ils eussent » réduit la leur à ce que font les plus habiles » d'entre eux, qui est de ne décider point la » manière dont Jésus-Christ est réellement pré» sent dans le sacrement; nous croyons, disent»ils, sa présence, et nous en sentons l'efficace, » mais nous en ignorons la manière et en ce » cas, on voit bien qu'ils se fussent rapprochés » encore davantage de nous que nous n'avons >> fait d'eux, en les admettant simplement à no» tre communion, sans que pour cela nous eus-patible avec leur doctrine; et que s'ils n'ont pas »sions apporté de notre part aucun changement » essentiel à notre Confession de foi. »

Nous avons, par ces paroles, trois choses très importantes, manifestement établies: 1o que les luthériens, qui sont les plus disposés à se rapprocher des calvinistes, n'entendent point de se départir de la présence réelle de Jésus-Christ dans le sacrement : 2o qu'ils disent seulement qu'ils n'en décident point la manière : 3o que les calvinistes et le synode de Sainte-Foi étoient prêts à s'accorder dans cette doctrine, et n'auroient pas cru, pour cela, faire un changement essentiel à leur Confession de foi.

Chose certainement surprenante! ces mêmes hommes qui n'ont jamais dit, selon notre auteur, qu'il y eût une présence réelle de Jésus-Christ dans le sacrement, ne sont plus en peine maintenant que de la manière de cette présence; et sont prêts à convenir d'une Confession de foi commune entre eux et les luthériens, pourvu seulement que ces derniers, en confessant que Jésus-Christ est réellement présent dans le sacrement, leur accordent qu'ils ne prétendent pas décider la manière de cette présence. C'est ce qu'ils obtiendront facilement. Jamais les luthé

1 Avertissement. pag. 14.

Je ne doute pas que les calvinistes ne se réservent quelque nouvelle subtilité pour se démêler de cet embarras. Mais du moins j'ai clairement établi qu'une présence réelle du corps de Jésus-Christ dans le sacrement, n'est pas incom

voulu jusqu'ici user de ces termes avec nous, c'est qu'ils gardent ce sentiment et cette expression pour contenter quelque jour les luthériens, quand ils seront disposés plus qu'ils n'ont été jusqu'ici à s'en contenter.

Leurs frères de Pologne ont déja, il y a longtemps, tranché le mot par avance netlement; et nous avons vu à l'endroit où j'ai proposé les diversités des Confessions de foi, qu'ils ont accordé aux luthériens une présence substantielle du corps et du sang de Jésus-Christ dans l'eucharistie.

J'ai donc eu raison de dire, au commencement de ce chapitre, que les prétendus réformés n'étoient pas encore bien résolus s'ils recevroient ou s'ils nieroient la présence réelle, puisqu'on voit déja d'un côté que leurs frères de Pologne, qui suivent la Confession des Églises suisses, l'ont admise en termes formels; et d'autre côté, que ceux de France, qui ne l'ont pas encore confessée, n'en sont point du tout éloignés. Ainsi c'est en vain que notre auteur a écrit ces grandes paroles : « Jamais aucun de nous n'a dit » que nous croyons la présence réelle du corps » de Jésus-Christ dans le sacrement. » A son compte, les Zuingliens de Pologne ne sont déja plus parmi les siens. Mais lui-même, que devien

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