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les enfants qui en sortent fussent nommés saints, comme étant destinés à la sainteté '.

Mais au fond l'apologie ne paroît pas s'opposer beaucoup à notre doctrine sur le nombre des sacrements, « pourvu, dit-elle 2, qu'on rejette » ce sentiment qui domine dans tout le règne >> pontifical, que les sacrements opèrent la grace >> sans aucun bon mouvement de celui qui les » reçoit. » Car on ne se lasse point de nous faire cet injuste reproche. C'est là qu'on met le nœud de lá question; c'est-à-dire, qu'il n'y resteroit presqué plus de difficulté, sáns les fausses idées de nos adversaires.

Luther s'étoit expliqué contre les vœux monastiques d'une manière terrible, jusqu'à dire de celui de la continence (fermez vos oreilles, ames chastes), qu'il étoit aussi peu possible de l'accomplir que de se dépouiller de son sexe 3. La pudeur seroit offensée, si je répétois les paroles dont il se sert en plusieurs endroits sur ce sujet et à voir comment il s'explique de l'impossibilité de la continence, je ne sais pour moi cé que deviendra cette vie qu'il dit avoir menée sans reproche durant tout le temps de son célibat, et jusqu'à l'âge de quarante-cinq ans. Quoi qu'il en soit, tout s'adoucit dans l'apologie, puisque non seulement saint Antoine et saint Bernard, mais encore saint Dominique et saint François y sont nommés parmi les saints ; et tout ce qu'on demande à leurs disciples, c'est qu'ils recherchent, à leur exemple, la rémission de leurs péchés dans la bonté gratuite de Dieu à quoi l'Église a trop bien pourvu pour appréhender sur ce sujet aucun reproche.

Cet endroit de l'apologie est remarquable, puisqu'on y met parmi les saints ceux des derniers temps, et qu'ainsi on reconnoît pour la vraie Église celle qui les a portés dans son sein. Luther n'a pu refuser à ces grands hommes ce glorieux titre. Partout il compte parmi les saints, non seulement saint Bernard, mais encore saint François, saint Bonaventure, et les autres du tréizième siècle. Saint François entre tous les autres lui parut un homme admirable, animé d'une merveilleusé ferveur d'esprit. Il pousse ses louanges jusqu'à Ger

son,

lui qui avoit condamné Viclef et Jean Hus dans le concile de Constance, et il l'appelle un homme grand en tout ainsi l'Église romaine étoit encore la mère des saints dans le quinzième siècle. Il n'y a que saint Thomas d'Aquin dont Luther a voulu douter, je ne sais pourquoi ; si ce n'est que ce saint étoit jacobin, et que Luther

I. Cor. v. 14. — Ibid. p. 203. — Ep. ad Volf. t. vu. f. 305. e c. - Apol. resp. ad Arg. p. 99. de vot. Mon. p. 281. Thes. 152. t. 1, 377, adv. Paris. Theologast. t. ii, 193, de abrog: Miss. priv. primo Tract. ibid. 258, 259, de vol. Mon. ibid. 271, 278.

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ne pouvoit oublier les aigres disputes qu'il avoft eues avec cet ordre. Quoi qu'il en soit, il ne sait, dit-il', si Thomas est damné ou sauvé, bien qu'assurément il n'eût pas fait d'autres vœux que les autres saints religieux, qu'il n'eût pas dit une autre messe, et qu'il n'eût pas enseigné une autre foi. Pourmaintenant revenir à la confession d'Augs bourg et à l'apologie, l'article même de la messe y passe si doucement 2, qu'à peine s'aperçoiton que les protestants y aient voulu apporter du changement. Ils commeticent par se plaindre « du reproche injuste qu'on leur fait d'avoir aboli » la messe. On la célèbre, disent-ils, parmi nous » avec une extrême révérence, et on y conserve >> presque toutes les cérémonies ordinaires. » Eh effet, en 1523, lorsque Luther réforma la mésse, et en dressa la formule il ne changea presque rien de ce qui frappoit les yeux du peuple. On y garda l'Introit, le Kyrie, la Collecte, l'Épitre, l'Évangile, avec les cierges et l'encens si l'on vouloit, le Credo, la Prédication, les Prières, la Préface, le Sanctus, les paroles de la Consécration, l'Élévation, l'Oraison dominicale, l'Agnus Dei, la Communion, l'Action de grace. Voilà l'ordre de la messe luthérienne, qui ne paroissoit pas à l'extérieur fort différente de la nôtre : aù reste, on avoit conservé le chant, et même le chant en latin; et voici ce qu'on en disoit dans la Confession d'Augsbourg : On y mêle avec le chant en latin, des prières en langue allemande, pour l'instruction du peuple. On voyoit dans cette messe et les parements et les habits sacerdotaux; et on avoit un grand soin de les retenir, comme il paroissoit par l'usage, et par toutes les conférences qu'on fit alors. Bien plus, on ne disoit rien contre l'oblation dans la Confession d'Augsbourg: au contraire, eile est insiuuée dans ee passage qui est rapporté de l'Histoire tripartite : « Dans la ville d'Alexandrie, on s'assemble le » mercredi et le vendredi, et on y fait tout le » service, excepté l'oblation solennelle 3. »

à cause

C'est qu'on ne vouloit pas faire paroître au peuple qu'on eût changé le service public. A entendre la Confession d'Augsbourg, il sembløtt qu'on ne s'attachât qu'aux messes sans communiants, qu'on avoit abolies, disoit-on2, qu'on n'en célébroit presqué plus que pour le gain; de sorte qu'à ne regarder que les termes de la Confession, on eût dit qu'on n'en vouloit qu'à l'abus.

Cependant on avoit ôté dans le canon de la messe les paroles où il est parlé de l'oblation qu'on faisoit à Dieu des dons proposés. Mais le peuple,

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toujours frappé au-dehors des mèmes objets, n'y prenoit pas garde d'abord ; et en tout cas, pour lui rendre ce changement supportable, on insinuoit que le canon n'étoit pas le même dans les Églises: Que celui des Grecs différoit de celui » des Latins, et même parmi les Latins celui de » Milan d'avec celui de Rome'. » Voilà de quoi on amusoit les ignorants : mais on ne leur disoit pas que ces canons ou ces liturgies n'avoient que des différences fort accidentelles ; que toutes les liturgies convenoient unanimement de l'oblation qu'on faisoit à Dieu des dons proposés, devant que de les distribuer: et c'est ce qu'on changeoit dans la pratique, sans l'oser dire dans la confession publique.

Mais pour rendre cette oblation odieuse, on faisoit accroire à l'Église qu'elle lui attribuoit « un » mérite de remettre les péchés, sans qu'il fût >> besoin d'y apporter ni la foi, ni aucun bon mou>>vement: » ce qu'on répétoit par trois fois dans la Confession d'Augsbourg; et on ne cessoit de l'inculquer dans l'apologie 2, pour insinuer que les catholiques n'admettoient la messe que pour éteindre la piété.

On avoit même inventé, dans la Confession d'Augsbourg, cette admirable doctrine des catholiques, à qui on faisoit dire : « Que Jésus-Christ » avoit satisfait dans sa passion pour le péché » originel, et qu'il avoit institué la messe pour les » péchés mortels et véniels que l'on commet oit » tous les jours 3: » comme si Jésus-Christ n'avoit pas également satisfait pour tous les péchés; et on ajoutoit, comme un nécessaire éclaircissement, « que Jésus-Christ s'étoit offert à la croix, non » seulement pour le péché originel, mais encore » pour tous les autres ; » vérité dont personne n'avoit jamais douté. Je ne m'étonne donc pas que les catholiques, au rapport même des luthériens, quand ils entendirent ce reproche, se soient comme récriés tout d'une voix : Que jamais on n'avoit ouï lelle chose parmi eux 3. Mais il falloit faire croire au peuple, que ces malheureux papistes ignoroient jusqu'aux éléments du christianisme.

» PÊCHONS PAS qu'on ne le FASSE; mais nous » n'approuvons pas l'application de la cène de » notre Seigneur pour les morts, en vertu de l'ac» tion, ex opere operato '. »

ils

Tout est ici plein d'artifice : car premièrement, en disant qu'ils n'empêchent pas cette prière, l'avoient ôtée du canon, et en avoient effacé par ce moyen une pratique aussi ancienne que l'Église. Secondement, l'objection parloit de l'oblation, et ils répondent de la prière, n'osant faire voir au peuple que l'antiquité eût offert pour les morts; parceque c'étoit une preuve trop convaincante que l'eucharistie profitoit même à ceux qui ne recevoient pas la communion.

Mais les paroles suivantes de l'apologie sont remarquables : « C'est à tort que nos adversaires » nous reprochent la condamnation d'Aérius, » qu'ils veulent qu'on ait condamné, à cause qu'il »> nioit qu'on offrît la messe pour les vivants et » pour les morts. Voilà leur coutume de nous op» poser les anciens hérétiques, et de comparer >> notre doctrine avec la leur. Saint Épiphane té» moigne qu'Aérius enseignoit que les prières pour » les morts ÉTOIENT INUTILES. Nous ne soutenons » point Aérius; mais nous disputons avec vous >> qui dites, contre la doctrine des prophètes, des apôtres et des Pères, que la messe justifie » les hommes en vertu de l'action, et mérite la » rémission de la coulpe et de la peine aux mé>> chants à qui on l'applique; pourvu qu'ils n'y » mettent pas d'obstacle 2. » Voilà comme on donne le change aux ignorants. Si les luthériens ne vouloient point soutenir Aérius, pourquoi soutiennent-ils ce dogme particulier, que cet hérétique arien avoit ajouté à l'hérésie arienne, qu'il ne falloit point prier ni offrir des oblations pour les morts. Voilà ce que saint Augustin rapporte d'Aérius, après saint Épiphane, dont il a fait un abrégé 3. Si on rejette Aérius, si on n'ose pas soutenir un hérétique réprouvé par les saints Pères, il faut rétablir dans la liturgie non seulement la prière, mais encore l'oblation pour les morts.

Mais voici le grand grief de l'Apologie : C'est, dit-on, que saint Épiphane, en condamnant Aérius, ne disoit pas comme vous, « que la messe » justifie les hommes en vertu de l'action, ex » opere operuto, et mérite la rémission de la » couipe et de la peine aux méchants à qui on » l'applique, pourvu qu'ils n'y mettent point » d'obstacle. » On diroit, à les entendre, que la messe par elle-même va justifier tous les pécheurs pour qui on la dit, sans qu'ils y pensent : mais que sert d'amuser le monde? la manière dont nous

Au reste, comme les fidèles avoient bien avant dans l'esprit l'oblation faite de tout temps pour les morts, les protestants ne vouloient pas paroître ignorer ou dissimuler une chose si connue; et ils en parlèrent dans l'apologie en ces termes : « Quant à ce qu'on nous objecte de l'oblation pour » les morts, pratiquée par les Pères, nous avouons » qu'ils ont prié pour les morts, ET NOUS N'EMCons. Luth. apud C1ytr. Hist. Aug. Conf. tit. de Can. 2 Conf. Aug. edit. Gen. cap. de Miss. p. 25. Apol. cap. de Sacram. et Sacrif, et de vocab. Miss. p. 269 et seq. -Conf. Apol. cap. de vocab. Miss. p. 274. — Ibid. — S. Aug. Aug.inlib. Conc. cap.de Miss. p. 23, ... * Ibid. 26, ... * Chytr. | lib. de her, 35, Lom. VII, col. 48. Epiph, heres.73, tom,

Hist. Conf. Aug. Conf. Cathol. cap. de Missá.

p. 908.

» non seulement des intercesseurs, mais encore » des MÉDIATEURS DE REDEMPTION. Ils ont in» venté que Jésus-Christ étoit plus dur, et les » saints plus aisés à apaiser; ils se fient plus à » la miséricorde des saints, qu'à celle de Jésus>> Christ; ET FUYANT JÉSUS-CHIST, ils cherchent >>les saints. » Je n'ai pas besoin de justifier l'É

disons que la messe profite même à ceux qui n'y pensent pas, jusqu'aux plus méchants, n'a aucune difficulté. Elle leur profite comme la prière, laquelle certainement on ne feroit pas pour les pécheurs les plus endurcis, si on ne croyoit qu'elle pût obtenir de Dieu la grace qui surmonteroit leur endurcissement, s'ils n'y résistoient, et qui souvent la leur obtient si abondante, qu'elle em-glise de ces abominables excès. Mais afin qu'on pêche leur résistance. C'est ainsi que l'oblation de l'eucharistie profite aux absents, aux morts et aux pécheurs mêmes; parce qu'en effet la consécration de l'eucharistie, en mettant devant les yeux de Dieu un objet aussi agréable que le corps et le sang de son Fils, emporte avec elle une manière d'intercession très puissante, mais que trop souvent les pécheurs rendent inutile, par l'empêchement qu'ils mettent à son efficace.

ne doutât pas que ce ne fût là au pied de la lettre le sentiment catholique, « nous ne parlons point » encore, ajoutoit-on, des abus du peuple : nous » parlons de l'opinion des docteurs. » Et un peu après : « Ils exhortent à se fier davantage à la » miséricordedes saints qu'à celle de Jésus-Christ. » Ils ordonnent de se fier aux mérites des saints, » comme si nous étions reputés justes à cause de >> leurs mérites, comme nous sommes réputés Qu'y avoit-il de choquant dans cette manière » justes à cause des mérites de Jésus-Christ. » d'expliquer l'effet de la messe ? Quant à ceux qui Après nous avoir imputé de tels excès, on dit détournoient à un gain sordide une doctrine si gravement : « Nous n'inventons rien: ils disent, pure, les protestants savoient bien que l'Église » dans les indulgences, que les mérites des saints ne les approuvoit pas et pour les messes sans >> nous sont appliqués. » Il ne falloit qu'un peu d'écommuniants, les catholiques leur dirent dès-lors quité pour entendre de quelle sorte les mérites ce qui depuis a été confirmé à Trente, que si l'on des saints nous sont utiles; et Bucer même, aun'y communie pas, ce n'est pas la faute de l'É-teur non suspect, nous a justifiés du reproche glise, puisqu'elle souhaiteroit au contraire que qu'on nous faisoit sur ce point. les assistants communiassent à la messe qu'ils entendent': de sorte que l'Église ressemble à un riche bienfaisant, dont la table est toujours ouverte et toujours servie, encore que les conviés n'y viennent pas.

On voit maintenant tout l'artifice de la Confession d'Augsbourg touchant la messe : ne toucher guère au dehors; changer le dedans, et même ce qu'il y avoit de plus ancien, sans en avertir les peuples; charger les catholiques des erreurs les plus grossières, jusqu'à leur faire dire, contre leurs principes, que la messe justifioit le pécheur, chose constamment réservée aux sacrements de baptême et de pénitence; et encore sans aucun bon mouvement, afin de rendre l'Église et sa liturgie plus odieuses.

On n'étoit pas moins soigneux de défigurer les autres parties de notre doctrine, et particulièrement le chapitre de la prière des saints. « Il y » en a, dit l'apologie2, qui attribuent NETTE» MENT LA DIVINITÉ aux saints, en disant qu'ils >> voient en nous les secrètes pensées de nos » cœurs. » Où sont-ils ces théologiens qui attribuent aux saints de voir le secret des cœurs comme Dieu, ou de le voir autrement que par la lumière qu'il leur donne, comme il a fait aux prophètes, quand il lui a plu? « Ils font des saints, disoit-on,

Chytr. Hist. Conf. Aug. Confut. Cath. cap. de Missä. Concil. Trid. Sess. XXII, cap. 6. —2 Ad art. xxi. cap. de Invoc. SS. p. 225. — Ibid.

Mais on ne vouloit qu'aigrir et irriter les esprits. C'est pourquoi on ajoute encore : « De >> l'invocation des saints on est venu aux images. » On les a honorées, et on pensoit qu'il y avoit » une certaine vertu, COMME LES MAGICIENS nous » font accroire QU'IL Y EN A DANS LES IMAGES » DES CONSTELLATIONS, lorsqu'on les fait en un » certain temps 2. » Voilà comme on excitoit la haine publique. Il faut avouer pourtant qu'on n'en venoit pas à cet excès dans la Confession d'Augsbourg, et qu'on n'y parloit pas même des images. Pour contenter le parti, il fallut dire dans l'apologie quelque chose de plus dur. Cependant on se gardoit bien d'y faire voir au peuple que ces prières adressées aux saints, afin qu'ils priassent pour nous, fussent communes dans l'ancienne Église. Au contraire, on en parloit comme d'une « coutume nouvelle, introduite » sans le témoignage des Pères, et dont on ne » voyoit rien avant saint Grégoire3, » c'est-à-dire avant le septième siècle. Les peuples n'étoient pas encore accoutumés à mépriser l'autorité de l'ancienne Église, et la réforme, timide encore, révéroit les grands noms des Pères. Mais maintenant elle a endurci son front, elle ne sait plus rougir; de sorte qu'on nous abandonne le quatrième siècle, et on ne craint point d'assurer que saint Basile, saint Ambroise, saint Augus

* Ad art. XXI. Cap. de Invoc. SS. p. 227. — 2 [bid. 229. Ibid. p. 225, 225, 229.

tin, et en un mot tous les Pères de ce sièclesi vénéra- | que cette ancienne vénération qu'il avoit eiie

» Pâques, et trois ou quatre fois l'année, quoi» qu'on en ait arraché une espèce au peuple; » la vocation et l'ordination des pasteurs; la con» Solation dans l'agonie; l'image du crucifix, et en même temps le ressouvenir de la mort et » de la passion de Jésus-Christ; le Psautier, l'O

ble, ont avec l'invocation des saints établi dans pour l'Église, n'étoit pas entièrement effacée. Enla nouvelle idolatrie le règne de l'Antechrist'. viron l'an 1534, tant d'années après sa révolte, Alors, et durant le temps de la Confession et quatre ans après la Confession d'Augsbourg, d'Augsbourg, les protestants se glorifioient d'a- on publia son traité pour abolir la messe privée '. voir pour eux les saints Pères, principalement C'est celui où il raconte son fameux colloque dans l'article de la justification, qu'ils regardoient avec le prince des ténèbres. Là, tout outré qu'il comme le plus essentiel et non seulement ils étoit contre l'Eglise catholique, jusqu'à la regarprétendoient avoir pour eux l'ancienne Église 2, der comme le siége de l'Antechrist et de l'abomais voici encore comme ils finissoient l'exposi- mination, loin de lui ôter le titre d'Église par tion de leur doctrine: «Tel est l'abrégé de notre cette raison, il concluoit, au contraire, « qu'elle » foi, où l'on ne verra rien de contraire à l'É-» étoit la véritable Église, le soutien et la co» criture, ni à l'Église catholique, ou même Alonne de la vérité, et le lieu très saint. En cette » L'ÉGLISE ROMAINE, autant qu'on la peut con- » Église, poursuivoit-il, Dieu conserve miracu» noftre par ses écrivains. Il s'agit de quelque peuleusement le baptême, le texte de l'Evangile » d'abus qui se sont introduits dans les Eglises » dans toutes les langues, la rémission des pé>> sans aucune autorité certaine; et quand il y» chés, et l'absolution tant dans la confession >> auroit quelque différence, il la faudroit sup-» qu'en public; le sacrement de l'autel vers » porter, puisqu'il n'est pas nécessaire que les » rites des Églises soient partout les mêmes. »> Dans une autre édition on lit ces mots : » Nous ne MÉPRISONS PAS LE CONSENTEMENT DE » L'ÉGLISE CATHOLIQUE, ni ne voulons soutenir » les opinions impies et séditieuses qu'elle a con» damnées; car ce ne sont point des passions dés-» raison dominicale, le Symbole, le Decalogue, » ordonnées, mais c'est l'autorité de la parole » plusieurs cantiques pieux en latin et en allede Dieu, et DE L'ANCIENNE ÉGLISE, qui nous a » mand. » Et un peu après : « Où l'on trouve » poussés à embrasser cette doctrine, pour aug- ces vraies reliques des saints, là sans doute à » menter la gloire de Dieu, et pourvoir à l'uti- été et est encore la sainte Église de Jésus»lité des bonnes ames dans l'Église universelle.»» Christ; là sont demeurés les saints; car les On disoit aussi dans l'apologie, après y avoir » institutions et les sacrements de Jésus-Christ exposé l'article de la justification, qu'on tenoit » y sont, excepté une des espèces arrachée par sans comparaison le principal. « Que c'étoit la force. C'est pourquoi il est certain que Jésus» doctrine des prophètes, des apôtres et des » Christ y a été présent, et que son Saint-Esprit » saints Pères, de saint Ambroise, de saint Au-» y conserve sa vraie connoissance, et la vraie foi » gustin, de la plupart des autres Pères, et de» dans ses élus. » Loin de regarder la croix, >> toute l'Église, qui reconnoissoit Jésus-Christ » pour propitiateur, et comme l'auteur de la jus»tification; et qu'il ne falloit pas prendre pour » doctrine de l'Église romaine tout ce qu'ap> prouvent le Pape, quelques cardinaux, évêques, >> théologiens ou moines: par où l'on distinguoit manifestement les opinions particulières d'avec le dogme reçu et constant, où on faisoit profession de ne vouloir point toucher.

Les peuples croyoient donc encore suivre en tout le sentiment des Pères, l'autorité de l'Église catholique, et même celle de l'Église romaine, dont la vénération étoit profondément imprimée dans tous les esprits. Luther même, tout arrogant et tout rebelle qu'il étoit, revenoit quelquefois à son bon sens, et il faisoit bien paroitre

'Dail. de cull. Latin. Joseph. Meda in Comment. Apoc. Jur. Acc. des Proph. Conf. Aug. art. 21. edit. Gen. p. 22, 25, etc. Apol. resp. ad Arg. p. 144, etc. -Edit. Gen. art. xxi, p. 22.- Apol. resp. ad art. p. 141.

qu'on mettoit entre les mains des mourants, comme un objet d'idolâtrie, il la regarde au contraire comme un monument de piété, et comme un salutaire avertissement, qui nous rappeloit dans l'esprit la mort et la passion de Jésus-Christ. La révolte n'avoit pas encore éteint dans son cœur ces beaux restes de la doctrine et de la piété de l'Église; et je ne m'étonne pas qu'à la tête de tous les volumes de ses œuvres, on l'ait peint, avec son maître l'électeur, à genoux devant un crucifix.

Pour ce qu'il dit de la soustraction d'une des espèces, la réforme se trouvoit fort embarrassée sur cet article; et voici ce qu'on en disoit dans l'apologie : « Nous excusons l'Église, qui, ne pou» vant recevoir les deux espèces, a souffert cette » injure mais nous n'excusons pas les auteurs » de cette défense 2. >>>

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Pour entendre le secret de cet endroit de l'a-, de la Confession d'Augsbourg, où il est porté : pologie, il ne faut qué remarquer un petit mot « Qu'il y a une sainte Église qui demeurera éterque Melanchton, son auteur, écrit à Luther, en le nellement. Or, l'Église c'est l'assemblée des consultant sur cette matière, pendant qu'on en saints, où l'Évangile est enseigné, et les sacrédisputoit à Augsbourg entre les catholiques et les ments administrés comme il faut. » Pour sauprotestants. « Eccius vouloit, lui dit-il, qu'on ver cette idée d'Église, il ne falloit pas seule» tint pour indifférente la communion sous une ment excuser le peuple; mais il falloit encore » ou sous deux espèces. C'est ce que je n'ai pas que les sacrements fussent bien administrés par » voulu accorder et toutefois j'ai excusé ceux les pasteurs; et si celui de l'eucharistie ne sub» qui jusqu'ici avoient reçu une seule espèce PAR sistoit sous une seule espèce, on ne pouvoit plus » ERREUR; car on crioit que nous condamnions faire subsister l'Église même. >> toute l'Église. »

Ils n'osoient donc pas condamner toute l'Église : la seule pensée en faisoit horreur. C'est ce quifait trouver à Melanchton ce beau dénouement, d'excuser l'Église sur une erreur. Que pourroient dire de pis ceux qui la condamnent, puisque l'erreur dont il s'agit est supposée une erreur dans la foi, et encore une erreur tendante à l'entière subversion d'un aussi grand sacrement que celui de l'eucharistie? Mais enfin on n'y trouvoit pas d'autre expédient: Luther l'approuva; et pour mieux excuser l'Église, qui ne communioit que sous une espèce, il joignit la violence, qu'elle souffroit de ses pasteurs sur ce point, à l'erreur où elle étoit induite : la voilà bien excusée, et les promesses de Jésus-Christ, qui ne la devoit jamais abandonner, sauvées admirablement par cette méthode.

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L'embarras n'étoit pas moins grand à en condamner la doctrine; et c'est pourquoi les protestants n'osent avouer que leur Confession de foi fût opposée à l'Église romaine, ou qu'ils se fussent retirés de son sein. Ils tâchoient de faire ac croire, comme on vient de voir, qu'ils n'en étoient distingués que par certains rites, et quelques légères observances. Et au reste, pour faire voir qu'ils prétendoient toujours faire avec elle un même corps, ils se soumettoient publiquement à son concile.

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C'est ce qui paroît dans la préface de la Confession d'Augsbourg, adressée à Charles V. « Votre majesté impériale a déclaré qu'elle ne pouvoit » rien déterminer dans cette affaire, où il s'agis» soit de la religion; mais qu'elle agiroit auprès » du Pape pour procurer l'assemblée du concile » universel. Elle réitéra l'an passé la même dé» claration dans la dernière diète tenue à Spire, » et à fait voir qu'elle persistoit dans la résolu

Les paroles de Luther dans la réponse à Melanchton sont remarquables: Ils crient que nous condamnons toute l'Église. C'est ce qui frappoit» tion de procurer cette assemblée du concile tout le monde. « Mais, répondit Luther 2, nous » disons què l'Église oppressée, et privée par vio»lence d'une des espèces, doit être excusée, » comme on excuse la Synagogue de n'avoir pas » observé toutes les cérémonies de la loi dans la captivité de Babylone, où elle n'en avoit pas » le pouvoir. »

L'exemple étoit cité blen mal-à-propos : car enfin ceux qui tenoient la Synagogue captive n'étoient pas de son corps, comme les pasteurs de l'Église, qu'on faisoit ici passer pour ses oppresseurs, étoient du corps de l'Église. D'ailleurs, la Synagogue, pour être contrainte au dehors dans ses observances, n'étoit pas pour cela induite en erreur, comme Melanchton soutenoit que l'Église privée d'une des espèces y étoit induite; mais enfin l'article passa. Pour ne point condamner l'Eglise, on demeura d'accord de l'excuser sur l'erreur où elle étoit, et sur l'injure qu'on lui avoit faite ; et tout le parti souscrivit à cette réponse de l'apologie.

Tout cela ne s'accordoit guère avec l'art. VII

'Mel. lib. 1. Ep. 45. - Resp. Luth. ad Mel. t. u. Sleid, lib. VII, 412.

» général; ajoutant que les affaires qu'elle avoit » avec le Pape étant terminées, elle croyoit qu'il pouvoit être aisément porté à tenir un concile » général '. » On voit par-là de quel concile on entendoit parler alors : c'étoit d'un concile général assemblé par les papes; et les protestants s'y soumettent en ces termes : « Si les affaires de la » religion ne peuvent pas être accommodées à » l'amiable avec nos parties, nous offrons en » toute obéissance à votre majesté impériale de » comparoître, et de plaider notre cause devant » un tel concile général, libre et chrétien. » Et enfin : « C'est à ce concile général, et ensemble » à votre majesté impériale, que nous avons appelé et appelons, et nous adhérons à cet appel.» Quand ils parloient de cette sorte, leur intention n'étoit pas de donner à l'empereur l'autorité de prononcer sur les articles de la foi mais en appelant au concile, ils nommoient aussi l'empereur dans leur appel, comme celui qui devoit procurer la convocation de cette sainte assemblée, et qu'ils prioient en attendant de tenir tout en suspens. Une déclaration si solennelle demeu4 Præf. Conf. Aug. Concord. p. 8, 9.

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