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de Luther, qui mettoit le corps dans le pain, de- | » liers, et les consoloit sur ce que leur maître, meura ferme.

Pendant que ce chef des réformateurs tiroit à sa fin, il devenoit tous les jours plus furieux. Ses thèses contre les docteurs de Louvain en sont une preuve et je ne crois pas que ses disciples puissent voir sans honte, jusque dans les dernières années de sa vie, le prodigieux égarement de son esprit. Tantôt il fait le bouffon, mais de la manière du monde la plus plate: il remplit toutes ses thèses de ces misérables équivoques, vaccullas, au lieu de facultas; cacolyca Ecclesia, au lieu de catholica; parcequ'il trouve dans ces deux mots vaccultas et cacolyca, une froide allusion avec les vaches, les méchants et les loups. Pour se moquer de la coutume d'appeler les docteurs nos maîtres, il appelle toujours ceux de Louvain, nostrolli magistrolli, bruta magistrolia; croyant les rendre fort odieux ou fort méprisables par ces ridicules diminutifs qu'il invente. Quand il veut parler plus sérieusement, il appelle ces docteurs « de vraies bêtes, des pour» ceaux, des épicuriens, des païens, et des athées, » qui ne connoissent d'autre pénitence que celle » de Judas et de Saül, qui prennent non de l'É» criture, mais de la doctrine des hommes, tout >> ce qu'ils vomissent; » et il ajoute, ce que je n'ose traduire; quidquid ructant, vomunt, et cacant. C'est ainsi qu'il oublioit toute pudeur, et ne se soucioit pas de s'immoler lui-même à la risée publique, pourvu qu'il poussât tout à l'extré mité contre ses adversaires.

lorsqu'il étoit échauffé, disoit plus qu'il ne » vouloit dire1; » ce qui étoit, disoient-ils, un grand inconvénient; mais où ils ne voyoient point de remède.

La lettre qu'on vient de voir est du 25 janvier 1546. Le 18 février suivant, Luther mourut. Les zuingliens, qui ne purent lui refuser des louanges sans ruiner la réformation dont il avoit été l'auteur, pour se consoler de l'inimitié implacable qu'il avoit témoignée contre eux jusqu'à la mort, débitèrent quelques entretiens qu'il avoit eus avec ses amis, où ils prétendent qu'il s'étoit beaucoup adouci. Il n'y a aucune apparence dans ces récits: mais au fond il importe peu pour le dessein de cet ouvrage. Ce n'est pas les entretiens particuliers que j'écris, mais seulement les actes et les ouvrages publics; et si Luther avoit donné ces nouvelles marques de son inconstance, ce seroit en tout cas aux luthériens à nous fournir des moyens de le défendre.

Pour ne pas omettre de ce que je sais sur ce fait, je veux bien remarquer encore que je trouve dans l'histoire de la réforme d'Angleterre de M. Burnet, un écrit de Luther à Bucer, qu'on nous y donne avec ce titre : Papier concernant la réconciliation avec les zuingliens. Cette pièce de M. Burnet, pourvu qu'on la voie, non pas dans l'extrait que cet adroit historien en a fait dans son histoire, mais comme elle se trouve dans son recueil de pièces 2, fera voir les extravagances qui passent dans l'esprit des novateurs. Il ne traitoit pas mieux les zuingliens; et outre Luther commence par cette remarque, qu'il ne ce qu'il avoit dit du sacrement adorable, qui dé- faut point dire qu'on ne s'entende pas les uns les truisoit leur doctrine de fond en comble, il dé- autres. C'est ce que Bucer prétendoit toujours, claroit sérieusement qu'il les tenoit hérétiques et qu'on ne disputoit que des mots, et qu'on ne éloignés de l'Église de Dieu. 'Il écrivit en même s'entendoit pas : mais Luther ne pouvoit souffrir temps la fameuse lettre, où sur ce que les zuin- cette illusion. En second lieu, il propose une nougliens l'avoient appelé malheureux : « Ils m'ont velle pensée pour concilier les deux opinions. Il » fait plaisir, dit-il : moi donc, le plus malheu- faut, dit-il, que les défenseurs du sens figuré >> reux de tous les hommes, je m'estime heureux « accordent que Jésus-Christ est vraiment pré» d'une seule chose, et ne veux que cette béati- » sent: et nous, poursuit-il, nous accorderons » tude du Psalmiste: Heureux l'homme qui n'a» que le seul pain est mangé, » Panem solum » point été dans le conseil des sacramentaires, » et qui n'a jamais marché dans les voies des » zuingliens, ni ne s'est assis dans la chaire de >>> ceux de Zurich!» Melanchton et ses amis étoient honteux de tous les excès de leur chef. On en murmuroit sourdement dans le parti : mais personne n'osoit parler. Si les sacramentaires se plaignoient à Melanchton et aux autres qui leur étoient plus affectionnés, des emportements de Luther, ils répondoient « qu'il adoucissoit les ex>> pressions de ses livres par ses discours fami

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manducari. Il ne dit pas, Nous accorderons qu'il y a véritablement du pain et du vin dans le sacrement, ainsi que M. Burnet l'a traduit; car ce n'eût pas été là une nouvelle opinion, comme Luther le promet ici. On sait assez que la consubstantiation, qui reconnoît le pain et le vin dans le sacrement, avoit été reçue dans le luthéranisme dès son origine. Mais ce qu'il propose de nouveau, c'est qu'encore que le corps et le sang soient véritablement présents, néanmoins il n'y a que le pain seul qui soit mangé : raffinement

'Epist. Crucig.ad Vit. Theod. Hosp. 194, 179, etc. - 2T, 11 liv, 1. an. 1549. p. 159. Collect. des pièces. 2. part, l. 1. n. 34.

si absurde que M. Burnet n'en a pu couvrir l'absurdité qu'en le retranchant. Au reste, on n'a que faire de se mettre en peine à trouver du sens dans ce nouveau projet d'accord. Après l'avoir proposé comme utile, Luther tourne tout court, et considérant les ouvertures que l'on donneroit par-là à de nouvelles questions qui tendroient à établir l'épicurisme : non, dit-il, il vaut mieux laisser ces deux opinions comme elles sont, que d'en venir à ces nouvelles explications, qui ne feroient aussi bien qu'irriter le monde, loin qu'on pút les fuire passer. Enfin, pour assoupir cette dissension, qu'il voudroit, dit-il, avoir rachetée de son corps et de son sang, il déclare de son côté qu'il veut croire que ses adversaires sont de bonne foi. Il demande qu'on en croie autant de lui, et conclut à se supporter mutuellement, sans déclarer ce que c'est que ce support de sorte qu'il ne paroît entendre autre chose, sinon que de part et d'autre on s'abstienne d'écrire et de se dire des injures, comme on en étoit déja convenu, mais très inutilement, dès le colloque de Marpourg. Voilà tout ce que Bucer put obtenir pour les zuingliens, pendant même que Luther étoit en meilleure humeur, et apparemment durant ces années où il y eut une espèce de suspension d'armes. Quoi qu'il en soit, il revint bientôt à son naturel; et dans la crainte qu'il eut que les sacramentaires ne tâchassent par leurs équivoques de le tirer à leurs sentiments après sa mort, il fit contre eux sur la fin de sa vie les déclarations que nous avons vues, laissant ses disciples aussi animés contre eux, qu'il l'avoit été lui-même.

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ego

rent, quod id libenter intelligerem. Deindè incipiendo quòd ab eo tempore quo me noster Dominus Deus infirmitate visitavit, varia apud me considerassem, et præsertim quòd in me repererim quòd terio et fornicatione jacuerim. Quia verò ipsi et mei o ab aliquo tempore, quo uxorem duxi, in adulprædicantes sæpe me adhortati sunt ut ad sacramentum accederem: ego autem apud me talem præfatam vitam deprehendi, nullâ bonâ conscientià aliquot annis ad sacramentum accedere potui. Nam quia talem vitam DESERERE NOLO, quâ bonâ conscientiâ possem ad mensam Domini accedere? Et sciebam per hoc non aliter quàm ad judicium Domini, et non ad christianam confessionem me perventurum. Ulteriùs legi in Paulo pluribus quàm uno locis, quomodo nullus fornicator nec adulter hendi quòd apud meam uxorem præsentem à forniregnum Dei possidebit. Quia vero apud me deprecatione ac luxurià atque adulterio abstinere non possim nisi ab hâc vità desistam, et ad emendationem me convertam, nihil certius habeo expectandum quàm exhæredationem à regno Dei, et æternam damnationem. Causæ autem, quare à fornicatione, adulterio, et his similibus abstinere non possim apud hanc meam præsentem uxorem,

sunt istæ.

nec desiderio eam complexus fuerim. Quali ipsâ II. Primò quòd initio, quo eam duxi, nec animo quoque complexione, amabilitate, et odore sit, et quomodo interdum se superfluo potu gerat, hoc sciunt ipsius aulæ præfecti, et virgines, aliique plures: cùmque ad ea describenda difficultatem habeam, Bucero tamen omnia declaravi.

III. Secundò, quia validâ complexione, ut medici sciunt, sum, et sæpe contingit ut in fœderum et Imperii comitiis diu verser, ubi lautè vivitur et corpus curatur: quomodo me ibi gerere queam abs

ravi d'apprendre qu'ils sont en bonne santé de corps et d'esprit. Ensuite, il leur dira que depuis la dernière maladie que Dieu m'a envoyée, j'ai beaucoup réfléchi sur mon état, et principalement sur ce que peu de temps après mon mariage, je me suis plongé dans l'adultère et la fornication; et que mes pasteurs m'ayant souvent exhorté à m'approcher de la sainte table, je n'ai pas cru devoir le faire depuis quelques années, à canse de ma vie déréglée. Comment en effet pourrois-je en conscience m'asseoir à la table du Seigneur, pendant que je ne veux point quitter ce genre de vie? Je sais qu'en le faisant, bien loin de remplir le devoir de chrétien, j'encourrois la juste vengeance du Seigneur. D'ailleurs, j'ai lu dans plusieurs endroits de saint

Paul, qu'aucun fornicateur et adultère ne possédera le royaume de Dieu. Étant donc pleinement convaincu que, tandis que je n'aurai point d'autre femme que la mienne, je ne pourrai, de ma vie, m'abstenir de la fornication, de la luxure et de l'adultère, et me corriger de ces vices, il s'ensuit évidemment que je n'ai rien autre chose à attendre que le bannissement du royaume de Dieu, et la damnation éternelle. Voici pourquoi je ne puis, avec la femme que j'ai, m'abstenir de la fornication, de l'adultère, et d'autres désordres semblables.

II. Premièrement, quand je l'épousai, je n'avois aucun goût, aucune inclination pour elle; les officiers de la cour, les dames

qui sont à son service, et plusieurs autres. connoissent son hu

meur difficile, son caractère peu aimable; savent qu'elle sent m'expliquer sur ces choses, que j'ai pourtant découvertes à mauvais, et que quelquefois elle boit avec excès. J'ai peine à

Bucer.

III. Secondement, les médecins savent que je suis d'une complexion vigoureuse. Or, étant souvent obligé de me trouver aux assemblées de l'Empire, où l'on fait bonne chère, il est aisé

que uxore, cùm non semper magnum gynæceum | permittit, si quis duas uxores habeat, quomodo se mecum ducere possim, facile est conjicere et consi- in hoc gerere debeat. derare.

IV. Si porrò diceretur quare meam uxorem duxerim; verè imprudens homo tunc temporis fui, et ab aliquibus meorum cons liariorum, quorum potior pars defuncta est, ad id persuasus sum. Matrimonium meum ultra tres septimanas non servavi, et sic constanter perrexi.

V. Ulteriùs me concionatores constanter urgent, ut scelera puniam, fornicationem et alia: quod et am libenter facerem : quomodo autem scelera, quibus ipsemet immersus sum, puniam; ubi omnes dicerent: Magister, priùs teipsum puni? Jam si deberem in rebus evangelicæ confœderationis bellare, tunc id semper malà conscientiâ facerem et cogitarem: Si tu in hâc vita gladio, vel sclopeto, vel alio modo occubueris, ad dæmonem perges. Sæpe Deum interea invocavi et rogavi, sed semper idem re

mansi.

1

VII. Et si objiceretur, Abrahamo et antiquis concessum fuisse propter Christum promissum; invenitur tamen clarè quòd lex Moysis permittat, et in eo neminem specificet ac dicat, utrùm duæ uxores habendæ; et sic neminem excludit. Etsi Christus solum promissus sit stemmati Judæ, et nihilominus Samuelis pater, rex Achab et alii, plures uxores habuerunt, qui tamen non sunt de stemmate Judæ. Idcirco hoc, quòd istis id solum permissum fuerit propter Messiam, stare non potest.

VIII. Cùm igitur nec Deus in antiquo, nec Christus in novo Testamento, nec prophetæ, nec apostoli prohibeant, ne vir duas uxores habere possit; nullus quoque propheta, vel apostolus propterea reges, principes, vel alias personas punierit aut vituperarit, quòd duas uxores in matrimonio simul habuerint, neque pro crimine aut peccato, vel quòd Dei regnum non consequentur, judicarit ; VI. Nunc verò diligenter considerari Scripturas cùm tamen Paulus multos indicet qui regnum Dei antiqui et novi Testamenti, et quantùm mihi gratiæ non consequentur, et de his qui duas uxores habent Deus dedit, studiosè perlegi, et ibi nullum aliud nullam omnino mentionem faciat, apostoli quoque, consilium nec medium invenire potui; cùm videam cùm gentibus indicarent quomodo se gerere, et à quòd ab hoc agendi modo penès modernam uxorem quibus abstinere deberent, ubi illos primò ad fidem meam NEC POSSIM, NEC VELIM abstinere (quod receperant, uti in Actis apostolorum est, de hoc etiam coram Deo testor) quam talia media adhibendo, quæ nihil prohibuerunt, quò i non duas uxores in matrià Deo permissa nec prohibita sunt. Quod pii paires, monio habere possent; cùm tamen multi Gentiles ut Abraham, Jacob, David, Lamech, Salomon, et fuerint qui plures quàm unam uxores habuerunt, alii, plures quàm unam uxorem habuerint, et in Judæis quoque non prohibitum fuit, quia lex illud eumdum Christum crediderint, in quem nos credi- permittebat, et est omnino apud aliquos in usu. mus, quemadmodum sanctus Paulus, ad Cor. x, Quando igitur Paulus clarè nobis dicit oportere epis: ait. Et præterea Deus in veteri Testamento tales copum esse unius uxoris virum, similiter et minissanctos valde laudavit: Christus quoque eosdem trum; absque necessitate fecisset, si quivis tantùm in novo Testamento valde laudat; insuper lex Moysis unam uxorem deberet habere, quòd id ita præcepisset, et plures uxores habere prohibuisset.

de voir que je ne puis m'y passer d'une femme; et que d'en amener une d une si grande qualité, ce seroit un trop grand embarras.

IV. Si l'on me demande pourquoi donc j'ai épousé ma femme, j'avoue qu'alors je fis une grande imprudence, de suivre les avis de quelques uns de mes conseillers, qui maintenant sont morts en grande partie. Je n'ai pas gardé plus de trois semaines la foi du mariage; et depuis j'ai toujours vécu comme je vis.

V. Mes prédicateurs ne cessent point de me remontrer qu'il est de mon devoir de punir les crimes, tels que la fornication et d'autres. Je voudrois bien le faire; mais comment oserois-je punir des crimes où je suis plongé moi-même? On ne manqueroit pas de me dire: Seigneur, punissez-vous vous-même. D'ailleurs, si j'étois obligé d'aller à la guerre, pour la cause de l'Évangile, je ne pourrois m'exposer qu'en tremblant. et en craignant d'aller au diable, si j'étois tué d'un coup d'épée ou de mousquet. Les prières que j'ai faites à Dieu, pour en obtenir ma conversion, ne m'ont pas procuré le moindre change

ment.

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VI. Dans ces circonstances, je me suis mis à lire exactement et avec toute l'attention dont Dieu m'a rendu capable, les écritures de l'ancien et du nouveau Testament, où je n'ai point trouvé d'autre conseil, ou moyen convenable à ma situation, que celui dont je vais parler. Je vois qu'avec la femme que j'ai, NI JE NE PUIS, NI JE NE VEUX changer de vie J'EN PRENDS DIFU ATÉMOIN); mais je propose d'user des moyens que Dien a permis. et non défendus. Les pieux patriarches Abraham, Jacob, David, Lamech, Salomon, qui, selon saint Paul, Corinth. x. croyoient, comme nous, en Jésus-Christ, avoient plusieurs femmes; ce qui n'a pas empêché Dieu de donner de grandes louanges à ces saints, dans l'ancien Testament, ainsi que JésusChrist dans le nouveau. D'ailleurs, la loi de Moïse permet ces

doubles mariages, et prescrit ce que doit faire un homme qui a deux femmes.

VII. Si l'on m'objecte que cette permission avoit été donnée à Abraham et aux anciens, en vue du Christ promis, je réponds que la loi de Moïse donne clairement une permission générale,, et qué ne spécifiant pas ceux qui peuvent avoir deux femmes, elle n'exclut personne du droit de les avoir. On savoit que le Christ devoit naître de la tribu de Juda; ce qui n'empêcha pas le père de Samuel, le roi Achab et plusieurs autres, qui n'étoient pas de cette tribu, d'avoir plusieurs femmes. Il est donc faux que cette permission ait été donnée uniquement en vue du Messie promis.

VIII. Ni Dieu, dans l'ancien Testament, ni Jésus-Christ dans le nouveau, ni les prophètes, ni les apôtres, ne défendent point à un homme d'avoir deux femmes; et jamais aucun prophète, ou aucun apôtre, n'a puni ou blâmé des rois, des princes, ou mème qui que ce soit. pour avoir eu deux femmes à la fois, et ne les ajugés coupables de crimes qui excluent du royaume de Dieu. Saint Paul, qui fait un si grand détail des prévaricateurs qui n'obtiendront point le royaume de Dieu, ne dit rien de ceux qui ont deux femmes; et les apôtres, quoique très attentifs, comme on le voit dans les Actes, à instruire les Gentils convertis à la foi. de la conduite qu'ils devoient tenir, et des choses dont ils devoient s'abstenir, ne leur défendent pas d'avoir deux femmes à la fois, quoique plusieurs d'entre les Gentils en eussent plus d'une. Ils ne le défendent pas non plus aux Juifs, parceque la loi le leur permettoit, et que quelques uns étoient dans cet usage. Saint Paul dit clairement, qu'un évêque et un ministre ne doit avoir qu'une femme. Or il n'étoit pas nécessaire de leur donner un tel précepte, s'il étoit vrai qu'il fût défendu indistinctement à tout le monde d'avoir plusieurs femmes.

IX. Et post hæc, ad hunc diem usque in orientalibus regionibus aliqui christiani sunt, qui duas uxores in matrimonio habent. Item Valentinianus imperator, quem tamen historici, Ambrosius et alii docti laudant, ipsemet duas uxores habuit, legem quoque edi curavit, quod alii duas uxores habere possent.

X. Item, licet quod sequitur non multùm curem, Papa ipsemet comiti cuidam qui Sanctum Sepulchrum invisit, et intellexerat uxorem suam mortuam esse, et ideo aliam vel adhuc unam acceperat, concessit ut is utramque retinere posset. Item scio Lutherum et Philippum regi Angliæ suasisse ut primam uxorem non dimitteret, sed aliam præter ipsam duceret, quemadmodum præter propter consilium sonat. Quando verò in contrarium opponeretur, quòd ille nullum masculum hæredem ex primâ habuerit, judicamus nos plus hic concedi oportere causæ quam Paulus dat, unumquemque habere propter fornicationem. Nam utique plus suum est in bona conscientiâ, salute animæ, christianâ vitâ, abstractione ab ignominiâ et inordinatà luxuriâ, quàm in eo ut quis hæredes vel nullos habeat. Nam omnino plus anima quàm res temporales curandæ

sunt.

XI. Itaque hæc omnia me permoverunt, ut mihi proposuerim, quia id cum Deo fieri potest, sicut non dubito, abstinere à fornicatione, et omni impudicitiâ; ẹt vià, quam Deus permittit, uti. Nam diutiùs in vinculis diaboli constrictus perseverare non intendo, et alias absque hâc vià me præservare

NEC POSSUM, NEC VOLO. Quare hæc est mea ad Lutherum, Philippum et ipsum Bucerum petitio, ut mihi testimonium dare velint, si hoc facerem, illud illicitum non esse.

XII. Casu quo autem id ipsi hoc tempore, propter scandalum, et quòd evangelicæ rei fortassis præjudicare aut nocere posset, publicè typis mandare non vellent; petitionem tamen meam esse, ut mihi scripto testimonium dent si id occultò facerem, me per id non contra Deum egisse, et quòd ipsi etiam id pro matrimonio habere, et cum tempore viam inquirere velint, quomodo res hæc publicanda in mundum, et quâ ratione persona quam ducturus sum, non pro inhonestà, sed etiam pro honestâ habenda sit. Considerare enim possent, quòd aliàs personæ quam ducturus sum graviter accideret, illa pro tali habenda esset, quæ non christianè vel inhonestè ageret. Postquam etiam nihil occultum remanet, și constanter ita permanerem, et communis Ecclesia nesciret quomodo huic persona cohabitarem, utique hæc quoque tractu temporis scan| dalum

causaret.

si

XIII. Item non metuant quòd propterea, etsi aliam uxorem acciperem, meam modernam uxorem malè tractare, nec cum eâ dormire, vel minorem amicitiam ei exhibere velim, quàm antea feci; sed me velle in hoc casu crucem portare, et eidem omne bonum præstare, neque ab eâdem abstinere. Volo etiam filios quos ex primâ uxore suscepi, principes regionis relinquere, et reliquis aliis honestis rebus prospicere: esse proinde adhuc semel petitionem meam, ut per Deum in hoc mihi consulant, et me juvent in iis rebus quæ non sunt contra Deum, ut hilari animo vivere et mori, atque evangelicas causas omnes eò liberiùs et magis christianè susci

IX. J'ajonte que même aujourd'hui quelques chrétiens d'Orient ont deux femmes à la fois. Bien plus, l'empereur Valentinien, dont les historiens, saint Ambroise et d'autres savants hommes font l'éloge, avoit deux femmes, et fit une loi pour per-pere possim. Nam quidquid me jusserint quod chrismettre aux autres d'en avoir aussi deux.

X. Le Pape lui-même, de l'autorité duquel je fais fort peu de cas, permit à un certain comte, qui fit un pélerinage au SaintSépulcre et qui s'étoit remarié, parcequ'il croyoit sa femme morte, de les garder toutes deux à la fois. Je sais que Luther et Melanchton avoient conseillé au roi d'Angleterre de ne point rompre son premier mariage, mais d'épouser une seconde femme, comme on le voit dans leur consultation motivé. Si l'on me dit qu'ils ont donné ce conseil, parceque ce prince n'avoit point d'héritier mâle de sa première femme, il me semble qu'on doit avoir encore plus d'égard à la cause alléguée par saint Paul, de prendre une femme. pour ne point tomber dans la fornication. Car il est plus essentiel de mettre la conscience en paix, de pourvoir au salut de l'ame et de prescrire une conduite chrétienne, en faisant même abstraction du déshonneur qui en résulte, et de l'intempérance apparente, que de procurer un moyen de se donner des héritiers, puisqu'on doit avoir plus de soin de l'ame que des choses temporelles.

XI. Toutes ces raisons me déterminent à user, pour éviter désormais la fornication et toute impureté, du fremède et qu moyen dont je ne doute en aucune sorte que Dieu ne permette de se servir. Je ne veux pas demenrer plus long-temps dans les lacets du démon, et je ne puis, ni ne veux m'en tirer que par

Je tâche de donner un sens à des paroles qui peut-être fn'en ont point, et qu'on peut soupçonner avoir été jetées par le landgrave dans son instruction, comme quelque mot du guet, qui n'est compris que par ceux qui sont du secret. Ces mots : Quemadmodum præter, propter consilium sonat, ou ne signifient rien, ou coivent, ce semble, signifier que Luther et Melanchton avoient conseillé au roi d'Angleterre de prendre une femine outre sa première præter, et cela pour des causes légitimes, propter; ce qui paroft designer une consultation Faisonnée et motivée, comme je le dis dans ma version. (Note de Le Boi.)

cette voie. C'est pourquoi je demande à Luther, à Melanch ton et à Bucer même, de décider si je puis m'en servir lici. tement.

XII. S'ils exigent que leur décision ne tourue à scandale en ce temps, et ne nuise aux affaires de l'Évangile, dans le cas où elle seroit imprimée, je souhaite au moins qu'ils me donnent une déclaration par écrit, que si je me mariois secrètement, Dieu n'y seroit point offensé; qu'eux-mêmes regarderoient ce mariage comme valide, et me permettrojeut de chercher les moyens de le rendre public avec le temps. en sorte que la femme que j'épouserai ne passe point pour une femme malhonnete, mais pour une personue honnête. Je les prie de faire attention que si la femme que je dois épouser étoit censée agir en cela d'une manière peu chrétienne et déréglée, ce seroit la perdre d'honneur. D'ailleurs, comme mon commerce avec cette femme ne peut pas toujours demeurer secret. il arriveroit, si je, pers stois à cacher mon mariage, que, dans la suite du temps l'Église, qui ne sauroit point pourquoi j'habiterois avec elle, en seroit scaudalisée.

XIII. Qu'ils ne craignent pas non plus que mon second mariage me porte à maltraiter ma première femme, à me retirer de sa compagnie, et à lui témoigner moins d'amitié que par le passé; puisqu'au contraire. je veux dans cette occasion porter ma croix, faire à ma première femme tout le bien que je puis, et continuer d'habiter avec elle. Je veux aussi laisser mes états aux enfants que j'ai eus d'el'e, et donner à ceux qui me viendront de la seconde des apanages convenables. Qu'ils me donnent donc, au nom de Dieu, le couseil que je leur demande, et qu'ils viennent à mon secours sur un point qui n'est pas contre la loi de Dieu, afin que je puisse vivre et mourir plus gaiement pour la cause de l'Evangile, et en entreprendre plus volontiers la dé

tianum et rectum sit, SIVE MONASTERIORUM BONA, ↑ seu alia concernat, ibi me promptum reperient.

XIV. Vellem quoque et desidero non plures quàm tantùm unam uxorem ad istam modernam uxorem meam. Item ad mundum vel mundanum fructum hac in re non nimis attendendum est; sed magis Deus respiciendus, et quod hic præcipit, prohibet, et liberum relinquit. Nam imperator et mundus me et quemcumque permittent, ut publicè meretrices retineamus; sed plures quàm unam uxorem non facilè concesserint. Quod Deus permittit, hoc ipsi prohibent; quod Deus prohibet, hoc dissimulant et videtur mihi sicut matrimonium sacerdotum. Nam sacerdotibus nullas uxores concedunt, et meretrices retinere ipsis permittunt. Item ecclesiastici nobis adeo infensi sunt, ut propter hunc articulum quo plures christianis uxores permitteremus, nec plus nec minus nobis facturi sint.

XV. Item Philippo et Luthero postmodum indicabit, si apud illos, præter omnem tamen opinionem meam, de illis nullam opem inveniam; tum me varias cogitationes habere in animo : quòd velim apud Cæsarem pro hâc re instare per mediatores, etsi multis mihi pecuniis constaret, quod Cæsar absque Pontificis dispensatione non faceret; quamvis etiam Pontificum dispensationem omnino nihili faciam: verùm Cæsaris permissio mihi omnino non esset contemnenda; Cæsaris permissionem non curarem, nisi scirem quòd propositi mei rationem coram Deo haberem, et certius esset Deum id permisisse quàm prohibuisse.

XVI. Verùm nihilominus ex humano metu, si apud hanc partem nullum solatium invenire possem, Cæsareum consensum obtinere uti insinuatum est, non esset contemnendum. Nam apud me judicabam

fense. De mon côté, je ferai tout ce qu'ils m'ordonneront, selon la religion et la raison; soit qu'ils me demandent LES BIENS DES MONASTÈRES, soit qu'ils desirent d'autres choses.

XIV. Mon dessein n'est pas de multiplier mes femmes, mais seulement d'en avoir une outre celle que j'ai déja. Je me propose, dans cette affaire, de n'avoir aucun égard au monde ni à son faste; mais d'avoir Dieu en vue, et de bien examiner ce qu'il ordonne, ce qu'il défend, et ce qu'il laisse à notre liberté. L'empereur et le monde me permettroient aisément, ainsi qu'à tout autre, d'entretenir publiquement des femmes prostituées; mais ils anroient peine à permettre d'avoir à la fois plus d'une femme, Ils défendent ce que Dieu permet, et tolèrent ce que Dieu dé. fend comine on le voit à l'égard des prètres, auxquels ils ne permettent pas d'avoir une femme, quoiqu'ils leur permettent de vivre avec des prostituées. Au reste, les ecclésiastiques nous haïssent déja tellement, qu'ils ne nous haïront ni plus ni moins pour cet article, qui permettroit aux chrétiens la polygamie.

:

XV. Bucer fera observer à Luther et à Melanchton que si, contre ce que j'espère, ils ne me procurent aucun secours, je roule dans mon esprit plusieurs desseins, entre autres de faire solliciter l'empereur de m'accorder cette permission, quelque argent qu'il dût m'en coûter pour gagner des solliciteurs. L'empereur ne voudra pas me l'accorder sans la dispenee du Pape, dont je ne me soucie guère. Mais pour celle de l'empereur, je ne la dois pas mépriser: quoiqu'au reste j'en ferois peu de cas, si je ne croyois d'ailleurs que Dieu a plutôt permis que défendu ce que je souhaite.

XVI. Si la tentative que je fais de ce côté-là (c'est-à-dire du côté de Luther) ne me réussit pas, une crainte humaine me porte à demander le consentement de l'empereur, qui, comme je l'ai déja dit, n'est pas à mépriser; je me flatte d'en obtenir tout ce que je voudrai, en donnant une grosse somme d'argent

si aliquibus Cæsareis consiliariis egregias pecuniæ summas donarem, me omnia ab ipsis impetraturum: sed præterea timebam, quamvis propter nullam rem in terrâ ab Evangelico deficere, vel cum divinâ ope me permittere velim induci ad aliquid quod evangelicæ causæ contrarium esse posset; ne Cæsareani tamen me in aliis sæcularibus negotiis ita uterentur et obligarent, ut isti causæ et parti non foret utile : esse idcirco adhuc petitionem meam, ut me aliàs juvent, ne cogar rem in iis locis quærere, ubi id non libenter facio, et quod millies libentiùs ipsorum permissioni, quàm cum Deo et bonâ conscientiâ facere possunt, considere velim, quàm Cæsareæ vel ALIIS HUMANIS permissionibus : quibus tamen non ulteriùs confiderem, nisi antecedenter in divinâ Scripturâ fundatæ essent, uti superiùs est declaratum.

XVII. Denique iteratò est mea petitio ut Lutherus, Philippus et Bucerus mihi hâc in re scripto opinionem suam velint aperire, ut postea vitam meam emendare, bonâ conscientiâ ad sacramentum accedere, et omnia negotia nostræ religionis eò liberiùs et confidentiùs agere possim.

Datum Melsinga, Dominicâ post Catharinæ, anno 1539.

PHILIPPUS, LANGRAFFIUS HASSIÆ.

CONSULTATIO LUTHERI*

ET ALIORUM,

SUPER POLYGAMIA.

Serenissimo principi domino PHILIPPO, LANGRAVIO HASSIÆ, comiti in Catzenlenbogen, Diets, Ziegenhain et Nidda,

à quelques uns de ses ministres. Mais quoique, pour rien du monde, je ne voulusse me retirer de l'Eglise, en me laissant entraîner dans quelque démarche qui 'fût contraire à ses intérêts, je crains pourtant que les ministres impériaux ne saisissent cette circonstance pour m'engager à quelque chose qui ne seroit pas utile à cette cause et à ce parti. Je demande donc qu'ils me donnent le secours que j'attends, de peur que je ne sois contraint de l'aller chercher en quelque autre lieu moins agréable, puisque j'aime mille fois mieux devoir mon repos à leur permission, qu à celle de l'empereur, ou de tout autre homme. Cependant je n'aurois pas confiance dans leur permission même, si ce que je demande n'avoit pas un fondement solide dans la sainte Écriture, comme je l'ai fait voir plus haut.

XVII. Enfin je souhaite encore une fois d'avoir par écrit le sentiment de Luther, de Melanchton et de Bucer, afin que désormais je puisse réformer ma conduite, m'approcher en bonne conscience du sacrement, et traiter avec plus de liberté et de confiance les affaires de notre religion.

Donné à Melsingue, le dimanche après la sainte Catherine, 1559. Signé PHILIPPE, landgrave de Hesse

*CONSULTATION DE LUTHER

ET DES AUTRES DOCTEURS PROTESTANTS,

SUR LA POLYGAMIE.

Au sérénissime prince et seigneur PHILIPPE, LANDGRAVE DE HESSE, comte de Catzenlenbogen, de Diets, de Ziegenhain, et de Nidda, notre clément seigneur, nous souhai

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