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Après avoir lu ces lignes on comprend la censure de M. de Fligny. C'est en effet, malgré le respect que nous devons à l'auteur du pur Panthéisme. Nous ajoutons que c'est sur ce texte que se base M. l'abbé de Lamennais dans son Esquisse panthéiste d'une philosophie1; c'est là fort probablement que M. l'abbé Ollivier l'a copié.

Mais écoutons sa justification.

III

Nous commençons par dire qu'elle est d'un prêtre sincèrement, et nous pouvons dire amoureusement attaché à l'Église sa mère. Mais cette affection n'ôte rien au sens de ses paroles, qui sont clairement, expressément Panthéistes. En vain il corrobore ses excuses de l'autorité de Fénelon. Cette citation ne fait que découvrir combien est profonde la plaie du Panthéisme, et comment, contre leur intention, les écrivains les plus dévoués à l'Eglise, ont oublié et détrôné dans les esprits la célèbre et solennelle déclaration du Concile de Latrau, conçue en ces termes :

» Dieu, par sa toute-puissance, au commencement du » temps, a créé de rien l'une et l'autre créature, la spirituelle » et la corporelle 2. »

Voici la justification de M. l'abbé Ollivier.

IV

Monsieur le rédacteur,

« Dans l'Univers du 17 décembre, M. de Fligny a parlé d'un humble opuscule que j'avais fait d'abord uniquement pour mes élèves et intitulé Traité de métaphysique, d'une manière qui m'a profondément contristé. Néanmoins je laisserais passer ce jugement, quelque sévère qu'il soit, et je me contenterais de dire à Dieu : Bonum mihi quia humiliasti me, si je n'étais qu'un simple particulier; mais je suis prêtre, et à ce titre, je tiens à ce qu'on n'ait pas de doute sur ma foi.

» Je ne suis point Panthéiste, et je désavoue énergiquement tout ce qui tiendrait à cette erreur de loin comme de près.

1 Voir t. 1, p. 105; Paris, 1840.

2 Sua omnipotenti virtute, simul ab initio temporis, utramque de nihilo (Deus) condidit creaturam spiritualem et corporalem (Conc. Later, iv; dans Bail, Summa Corci., t. 1, p. 295).

Dans la phrase isolée que cite mon critique et où il aperçoit le Panthéisme le plus pur, j'ai probablement mal rendu ce que dit Fénelon dans son Traité de l'existence Dieu 1. »

« Il est, dit-il, véritablement en lui-même tout ce qu'il y a » de réel et de positif dans les esprits, tout ce qu'il a de réel et » de positif dans les corps, tout ce qu'il y a de réel et de positif » dans les essences de toutes les créatures possibles, dont je » n'ai point d'idée distincte. Il a tout l'être du corps sans être »borné au corps; tout l'être de l'esprit sans 'être borné à l'es» prit; et de même des autres essences possibles. Il est telle»ment tout être qu'il a tout l'être de chacune de ses créatures, » mais en retranchant la borne qui la restreint. Otez toutes >> bornes; ôtez toute différence qui resserre l'être dans les » espèces; vous demeurerez dans l'universalité de l'être, et, » par conséquent, dans la perfection intime de l'Etre par lui

» même.»

>>> Quoi qu'il en soit, si dans la phrase accusée je me suis réellement fourvoyé, je rétracte mon erreur, et je ne crains pas de dire: Je me suis trompé, mon expression malheureuse a trahi ma pensée.

» Mon critique dit plus loin:

« On chercherait en vain dans la question de l'Eglise une » ligne, un mot des promesses faites à saint Pierre, et dans >> sa personne aux Pontifes romains. »

Evidemment cette accusation est fausse. Je dis page 228: » L'universalité est impossible sans unité. Il fallait donc un >> centre à l'apostolat, un chef à tous les apôtres et surtout à » ces milliers d'évêques leurs successeurs. » Et dans cette page et dans les suivantes, je cite les paroles divines qui établissent la suprématie de saint Pierre sur les Apôtres, je démontre cette suprématie de Pierre, et je termine en disant : « Et aujourd'hui encore, après dix-huit siècles, siége un vieil»lard dont la voix commande non pas seulement dans les » limites du plus grand empire qui ait jamais existé, mais en » deçà et au delà de toutes les mers (p. 230.) »

Voir le chap. v, no 66, de l'édition donnée par Saint-Sulpice, en 1835; in-12, p. 201.

» Cette accusation imméritée de ne pas avoir parlé de la suprématie de Pierre et de ses successeurs m'est infiniment pénible. Le Pape est pour moi le vicaire de Jésus-Christ, le Chef infaillible de l'Eglise, et je vénère la parole qu'il lui adresse comme je vénère la parole de Dieu.

» Les railleries de non critique ne me font rien, mais le doute sur mon attachement à la Papauté, surtout dans les circonstances cruelles où se trouve notre Pontife vénéré, voilà ce qui navre mon cœur de chrétien et de prêtre.

>> Le travail que mon critique juge si sévèrement n'a point été livré à l'impression en dehors de l'autorité diocésaine, je suis trop prêtre pour me permettre un tel oubli.

» On me reproche de ne point avoir d'approbation épiscopale, et cependant l'éminent évêque de Saint-Brieuc, auquel j'avais envoyé un exemplaire de mon ouvrage, m'écrivait le 28 octobre dernier :

>> J'ai lu plusieurs chapitres de votre Métaphysique, et j'en » ai été très-satisfait. Il y a plus de solidité, de clarté, de vraie >> philosophie, de science de la religion, que dans tout ce » qu'ont écrit les grands docteurs modernes de l'Éclectisme et » du Rationalisme. Votre Traité de Métaphysique peut, sous ce » rapport, être utile à tous, même aux plus instruits. Je vous » félicite, et je désire qu'il ait le succès dû aux ouvrages sé>> rieux. >>

Agréez mes meilleurs sentiments,

+ AUGUSTIN,

Evêque de Saint-Brieuc et de Tréguier.

« Je vous écris hâtivement, et sans doute que dans cette lettre il y aura bien des négligences de style; mais, Monsieur le rédacteur, peu m'importe pourvu qu'on ait entendu le cri légitime d'un prêtre humilié dans sa foi, et d'une conscience pure des reproches qui lui sont adressés. Plein de confiance dans votre foi catholique, foi que vous défendez avec un si admirable talent, je me suis adressé à vous, Monsieur le rédacteur, pour que vous me jugiez vous-même et que vous fassiez paraître cette lettre avec vos réflexions, devant lesquelles je m'incline d'avance.

«Veuillez agréer, Monsieur le rédacteur, mes hommages les

plus respectueux.

» Rennes, ce 18 octobre 1868. »

V

» G. OLLIVIER, prêtre,
» boulevard Sévigné, 4.

Telle est la défense fort honorable de M. l'abbé Ollivier. Avant de faire nos réflexions écoutons la réponse de M. de Fligny insérée dans l'Univers du 29 décembre:

« M. l'abbé Ollivier, auteur d'un Traité de Métaphysique à l'usage des gens du monde, se plaint amèrement du jugement que nous avons cru devoir porter sur son livre. Qu'il défende son ouvrage contre une critique qu'il trouve trop sévère, c'est son droit. Le nôtre est de répliquer ; nous demandons le droit d'en user; nous voulons le faire brièvement et modérément.

>> Ecartons d'abord de ce petit débat une question d'honneur personnel qui n'y est nullement impliquée. M. l'abbé Ollivier se trouve « humilié dans sa foi; » il se donne la peine de proclamer hautement qu'il n'est point Panthéiste. Nous n'avons rien écrit qui l'autorise à prendre cette position, toujours si intéressante, d'un prêtre humilié et calomnié. Nous avons cité plusieurs passages de son livre, et nous avons ajouté: « Tout cela, nous regrettons d'avoir à « le dire, est du Panthéisme, et du plus pur. » Et nous maintenons notre jugement. Que l'on relise les passages incriminés; on y verra formellement énoncée l'unité de substance, dont Spinosa a tiré son Panthéisme par un enchaînement rigoureux de déductions.

>> Mais conclure de là que M. Ollivier est Panthéiste eût été simplement ridicule. En des matières si difficiles, l'inexpérience d'un écrivain peut laisser échapper quelques propositions tout à fait répréhensibles, sans qu'il appartienne luimême à l'école philosophique dont il parle la langue par une exception malheureuse, et peut-être à son insu. Le devoir du critique est de signaler l'erreur matérielle. Que si l'auteur en prend occasion de faire acte d'humilité, c'est comme auteur, et non comme prêtre, qu'il peut lui convenir de le faire. Le public ne s'y trompe point. On pourra dire : « Voilà un doc

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>>teur qui ne possède point suffisamment sa matière. » Nul ne dira: « Voilà un prêtre panthéiste! >>

» Ceci entendu, M. l'abbé Ollivier, ou, pour parler plus à notre aise, l'auteur de ce prétendu traité de métaphysique nous permettra de réviser le procès dont il appelle, en lui adressant simplement quelques conseils, qu'il est d'ailleurs parfaitement libre de ne point accepter. Ils pourront, du moins, servir à éclairer le tribunal au jugement duquel seul il déclare se référer :

» 1° M. Ollivier sait mieux que personne que la plus grande partie, pour ne pas dire la totalité de « l'humble opuscule »> qu'il a composé pour ses élèves, et qu'il livre au public sous le titre de Traité de Métaphysique est faite de morceaux empruntés textuellement à diverses dissertations du cardinal de la Luzerne, et juxtaposés de manière à former un corps de doctrine. Que l'on réédite le savant Cardinal, et que par des coupures heureuses, on le mette à la portée des gens du monde, nous n'y voyons pas grand mal. Mais il existe certaines convenances littéraires dont il n'est pas plus permis de se départir envers les morts qu'envers les vivants.

>> Aussi est-ce par oubli, croyons-nous, que M. Ollivier n'a point fait connaître au public le véritable auteur de son livre. Cet oubli sera certainement réparé dans une prochaine édition.

» 2o M. Ollivier n'ignore point, non plus, que la doctrine du savant Cardinal, qu'il réédite, n'est pas, en tous points, parfaitement sûre. Nous ne parlons pas de ses Instructions sur le Rituel, qui contiennent plusieurs propositions contraires à la doctrine de l'Eglise romaine 1 mais de diverses autrés dissertations, dans lesquelles la doctrine catholique sur la grâce n'est pas assez rigoureusement suivie. On connaît, d'ailleurs, le Gallicanisme très-accentué de ce prélat. « Tout cela fait, dit » Rohrbacher, que l'ensemble de ses ouvrages n'est pas tout » à fait propre à donner aux esprits une idée nette et complète » de la Religion véritable, ni à inspirer aux cœurs un grand » amour de Dieu et de son Eglise 2. » Il ne suffit donc point, comme le fait M. Ollivier, d'apporter un zèle scrupuleux à

1 Voyez M. Picot, Ami de la Religion, t. xiv, p. 309.

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