Images de page
PDF
ePub

L'Angleterre avait joué le principal rôle dans les négociations. Son crédit l'emportait désormais sur le crédit de la Russie à Constantinople (4). La France sortait de cette affaire dans une posture fàcheuse. Après s'être mise en avant, elle avait dù faire une retraite assez peu brillante et abandonner le vice-roi. Le bombardement de Beyrouth portait gravement atteinte à sa considération, tandis que le prestige de l'Angleterre s'accroissait en Orient.

(4) V. Choublier. La Question d'Orient depuis le Traité de Berlin, introduction.

DEUXIÈME PARTIE

LE TRAITÉ DE PARIS

Le traité des Détroits contenait en germe la guerre de Crimée.

La Russie, cela était évident, ne devait pas se contenter longtemps du rôle auquel elle était rabaissée. En partageant avec elle la tutelle collective de l'Empire Ottoman, les Puissances préparaient de nouveaux bouleversements en Orient, et l'on pouvait prévoir le jour où les Tsars essayeraient de reprendre de gré ou de force, auprès du « Sublime Portier » des Dardanelles, le rôle privilégié qu'ils avaient en 1833.

Comment l'antique question des Lieux-Saints a été ravivée et comment elle fut un simple prétexte cachant des desseins plus vastes: comment les prétentions de la Russie, ont provoqué l'intervention diplomatique ou armée des Puissances Occidentales et quels furent les résultats de de cette intervention, tels sont les faits dont nous essaieront de retracer l'histoire dans ce chapitre.

La Russie réclamait avec arrogance le droit de protection sur les sujets orthodoxes du Sultan. L'Empereur des Français, protecteur officiel et légitime des Latins et la

reine de la Grande-Bretagne, à cause de ses possessions de l'Inde ennemie naturelle des Russes, prirent les armes pour sauvegarder l'intégrité et l'indépendance de l'Empire Ottoman. Et ce n'est pas un des épisodes les moins curieux de la question d'Orient que l'alliance de ces deux souverains et du Piémont avec le Sultan descendant du Prophète.

L'Autriche eut une politique moins hardie. Elle voyait avec méfiance et jalousie Toccupation des Principautés ; mais, si en prenant une attitude hostile à la Russie, elle a « étonné le monde par son ingratitude, » elle n'est pas allée au delà de l'intervention diplomatique.

La Prusse s'est montrée plus hésitante encore.

:

Bien qu'intéressée, elle aussi, au maintien de l'équilibre européen, elle avait peur de se compromettre le roi Frédéric-Guillaume intervenait comme à regret et paraissait sans cess? prêt à reculer pour ne pas mécontenter le Tsar son beau-frère, et pour bien affirmer son indépendance vis-à-vis de l'Autriche. Après le traité du 20 avril, les plénipotentiaires prussiens n'ont plus pris part aux négociations jusqu'au congrès de Paris, et ce n'est que sur la demande formelle des représentants de la France qu'ils ont été admis à signer le traité du 30 mars.

Nous allons essayer de suivre rapidement les efforts de la diplomatie pendant les années 1853 à 1856. Nous constaterons une certaine mauvaise volonté de la part de la Russie dans toutes ces négociations prodigieusement longues et embrouillées. Il ne faudra rien moins que la prise de Sébastopol pour l'amener à composition et pour permettre enfin de poser les bases d'une entente.

La Russie avait provoqué la guerre. Elle n'y a pas gagné le tribunal européen qui a siégé à Paris en 1856 a pris de sérieuses mesures contre l'ambition moscovite.

[blocks in formation]

-

[ocr errors]

La question des Lieux-Saints. - Les Orthodoxes et les Latins. - Droits de la France. - Prétentions de la Russie. — Commission d'enquête mixte. Commission musulmane. Bonnes dispositions de la France. Mauvaise volonté de la Russie. - La mission Menchikof. Malgré les assurances formelles de la Russie, la question des Lieux-Saints est secondaire. Question d'influence. Attitude hautaine de Menchikof qui exige un traité. Il réduit ses prétentions à un sened, puis à une note. Refus de la Sublime Porte. - Invasion des Principautés. Ultimatum russe. Réponse turque. Le tsar et sir Hamilton Seymour. Tentative de conciliation des ambassadeurs à Vienne. Leur échec. - Guerre russoturque, 20 septembre 1853. – Entrée des flottes anglo-françaises dans le Bosphore. - Protocole du 5 décembre 1853. Entrée de la flotte dans la mer Noire. vier 1834. L'Angleterre et la France prennent part à la guerre. - Traité de Constantinople, 12 mars. Convention de Londres, 10 avril. De Berlin, 20 avril. Traité du 2 décembre 1854. La Sardaigne adhère à la convention de Londres, janvier 1855. La guerre. Conférence de Vienne. Les quatre points. — Après la prise de Sébastopol, la Russie change de ton. Attitude de la Serbie, de la Grèce et du Montenegro pendant la guerre. — Congrès de Paris.

-

-

Sinope. Protocole du 13 jan

-

-

Jérusalem avait toujours été le théâtre de nombreuses et ardentes compétitions. En Terre-Sainte, les plus petites choses grandissent en proportion des souvenirs qui s'y rattachent. La possession d'une église ou même d'une clé peut devenir une affaire de la plus haute importance pour les religieux chrétiens; et d'une façon générale, dans l'Empire Ottoman où la religion crée la nationalité, toute question religieuse se complique en fait d'une question politique.

Protégés par les « puissants empereurs de France » les Latins ont longtemps profité seuls de la tolérance ou de la bienveillance des sultans. Mais avec le schisme grec (1) était née une rivalité qui n'a fait qu'augmenter de jour en jour et s'est trouvée aggravée par la faiblesse insigne du gouvernement ture, toujours disposé à céder aux influences du moment et à se laisser convaincre par les derniers arguments quels qu'ils soient.

Aussi trouvons-nous, tantôt en faveur des Latins, tantôt en faveur des Grecs, un nombre incalculable de firmans, donnant un jour ce qu'ils avaient retiré la veille pour le reprendre le lendemain. Sans remonter au-delà du XVIIe siècle, et pour ne citer que les principaux, nous allons trouver un nombre très respectable de documents contradictoires (2).

(4) Avant le xe siècle, nous trouvons déjà plusieurs églises dissidentes les Églises nestorienne, arménienne, jacobite, copte.

Au xe siècle, Photius, patriarche de Constantinople, refuse de se soumettre à l'autorité du pape de Rome. De là date le grand schisme.

La différence entre grees, orthodoxes et catholiques est: 4o une question théologique (procession du Saint-Esprit; dogme de la transsubstantiation et communion sous les deux espèces); 2o une question de discipline (refus de reconnaitre l'autorité du pape); 30 une question de rite (emploi de la langue grecque); différence dans les cérémonies concernant le culte et l'administration des sacrements.

(2) Les droits des Français datent de la première capitulation qui a été conclue entre Soliman II et François Ier, en 1535. Les capitulations suivantes, et entre autres la dernière, celle de 4740, encore en vigueur, ne sont pour une partie que la reproduction et la confirmation de celle de 4535. Ce sont également ces capitulations de 1535 qui donnent aux consuls français des droits de juridiction sur leurs nationaux établis dans les échelles du Levant. Les capitulations ont servi de type à tous les arrangements conclus entre la Sublime Porte et les Etats européens pour la protection de leurs nationaux dans l'empire Ture.

« PrécédentContinuer »