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En 1604, les Sultans reconnaissaient aux Latins la possession du Saint-Sépulcre (1).

En 1620, Osman II leur attribue la possession exclusive de la grande église de Bethléem et du tombeau de la Vierge à Gethsemani. Une disposition importante de cet acte reconnaissait que les Latins ont accordé de leur plein gré certains emplacements dans l'église de Bethleem aux autres communions chrétiennes, ce qui prouve bien que ces emplacements étaient à eux et vient à l'appui de ce fait que les empiètements des Grecs ont été favorisés par la tolérance des Latins.

Ceux-ci laissaient l'usage de certains sanctuaires aux orthodoxes, qui s'empressaient de faire transformer cette tolérance en un droit dont ils arguaient ensuite contre les religieux latins (2).

En 1623, nouveaux firmans en faveur des Grees, révoqués par un firman contraire de 1635.

En 1637 et 1639, firmans en faveur des Grecs.

En 1666, 1673 et 1675, firmans en faveur des Latins, leur accordant «< la libre possession des lieux qui sont entre leurs mains en dedans et en dehors de Jérusalem. »

En 1676 les Grecs obtiennent de nouvelles concessions; mais en 1690, par jugement du Divan, tout ce qui a été pris aux Latins depuis 1635 leur est rendu.

En 1740, la France obtient des capitulations, suivies

(1) Remarquons que la possession des Lieux-Saints n'impliquait que le droit d'usufruit; à cette époque, en effet, les giaours n'avaient pas le droit de propriété.

(2) Thouvenel. Nicolas Ier et Napoléon III, P

21. Notice.

en 1757 d'un firman énumératif des sanctuaires exclusivement réservés aux Latins (4).

L'article 82 des capitulations prévoit le cas de réparations dans les endroits dont les religieux dépendant de la France ont la possession et la jouissance à Jérusalem, ainsi qu'il en est fait mention dans les articles précédemment accordés et actuellement renouvelés, et l'art. 84 ajoute « Si l'on venait à produire même quelque commandement d'une date antérieure ou postérieure, contraire à la teneur de ces articles, il restera sans exécution et biffé conformément aux capitulations impériales (2). »

En 1808, un incendie détruisit la coupole du Saint-Sépulere. Les Grecs, qui peut-être avaient allumé l'incendie, en profitèrent habilement pour se faire accorder le droit de reconstruire les bâtiments brûlés. Mais les Latins protestèrent et la reconstruction de la coupole du Saint-Sépulere fut une des principales causes des discussions de

1851.

En 1811, toutefois, il est déclaré que les droits de l'église grecque n'infirment en rien les droits antérieurs de l'église latine. Mais aussitôt, un firman- 1812- vient consoler les orthodoxes.

En 1835, l'amiral Roussin obtient pour les Latins le droit de célébrer leurs offices dans l'ancienne église de l'Ascension. En 1839, il obtint davantage : « des cons

(1) La liste en est donnée dans l'ouvrage de M. Thouvenel (Nicolas Ier et Napoléon III).

(2) Art. 1er de la capitulation de 1740: « L'on n'inquiètera point. les Français qui vont et viendront pour visiter Jérusalem, de mème que les religieux qui sont dans l'église du Saint-Sépulere dit Kamama.

tructions illicites qui avaient dans Jérusalem mème dénaturé les bâtiments auxquels on les avait ajoutées ont été démolies, supprimées, et les lieux rétablis aux dépens de leurs auteurs, sur l'ordre obtenu par l'ambassadeur et aux cris de Vive la France, dont le patronage reçut en cette occasion, un éclat inusité (1). »

Tels sont quelques-uns des firmans qui se rapportent aux Lieux-Saints (2).

On peut juger par ce court exposé de ce qu'il pouvait y avoir d'incertitude et de confusion dans la question et l'on peut imaginer combien il était difficile d'invoquer des textes officiels sans se voir opposer aussitôt un firman plus récent.

D'ailleurs, l'ère des firmans contradictoires, nous le verrons, n'était pas terminée. Mais nous pouvons, dès maintenant, affirmer que les titres des Latins sont antérieurs à ceux des Grecs et plus formels que ceux-ci. La plupart des réclamations de nos rivaux n'étaient guère mieux fondées que les prétendues concessions du kalife Omar, mort deux cents ans avant le schisme grec (3).

La lutte entre Latins et Grecs prit de grandes proportions, quand derrière les religieux apparurent les puissances protectrices. La France était, depuis François Ier, et reste en vertu des capitulations souvent renouvelées, protectrice des Latins, encore désignés en Turquie, sous le nom de Frengh, quelle que soit d'ailleurs leur nationa

(4) Vie de l'amiral Roussin, p. 61.

(2) En 1856, M. Thouvenel fera donner à nos religieux la basilique de Sainte-Anne de Jérusalem.

(3) Au reste, le jugement du Divan de 1690, dont nous avons parlé, condamnait formellement les prétentions tirées de ce chef.

lité. La dernière intervention de ce chef a eu lieu tout récemment lors de l'assassinat à Yenidjé-Kalé, du père Salvatore, religieux italien. La Russie. de son côté, invoquait les traités (1) de Kutchuk - Kaïnardji et d'Andrinople, pour prétendre à la défense des orthodoxes, et, dès 1850, lorsque les querelles se ravivèrent ou furent ravivées entre les religieux de Jérusalem, elle s'empressa d'élever la voix.

:

Les hommes faits aux questions de l'Orient comprirent. dès le début la gravité de la situation les questions de religion en Turquie, sont aussi, nous l'avons dit, des questions politiques.

Et cela tient à l'organisation même de l'Empire Ottoman où on a laissé les Raïas s'administrer eux-mêmes et plus tard invoquer la protection des États européens. « Il est difficile de séparer une pareille question de considérations politiques, écrivait dès le 21 mai 1850, lord Stratford de Redcliffe et une lutte d'influence générale, surtout si la Russie, comme ou peut s'y attendre, intervient en faveur de l'église grecque, sortira probablement de la discussion imminente» (2).

Mais la question n'en resta pas moins en suspens.

De Munich, où il était alors ministre de France, M. Thouvenel prévoyait aussi les complications prochaines : « Que signifie done cette querelle que nous avons élevée à Constantinople au sujet des Lieux-Saints? J'espère qu'elle est moins grave que les journaux allemands ne la repré

(1) Nous avons cité les articles invoqués par la Russie. Voir première partie.

(2) Cité par Eugène Forcade. La question d'Orient (Revue des Deux-Mondes, mars 1854).

sentent! Je connais l'Orient, et je puis vous affirmer que la Russie ne cédera pas. C'est pour elle une question de vie ou de mort, et il est à désirer qu'on le sache bien à Paris si l'on veut pousser l'affaire jusqu'au bout » (4).

Or, la question n'était pas moins grave qu'on pouvait le penser à Munich et M. Thouvenel se montrait malheureusement trop bon prophète. Mais justement, on ne savait pas à Paris; les diplomates n'étaient pas tous aussi clairvoyants, et l'on espérait désarmer la Russie par des concessions. Le cabinet de Paris ne voulait à aucun prix de complications en Orient. On préparait l'Empire, ce n'était pas lé moment de courir les aventures sur les bords de la mer Noire. Aussi M. de la Valette faisait-il tous les efforts possibles pour ramener le calme. Il facilita la formation de commissions turques (2) chargées d'étudier sur place la question et de régler le différend. Ce fut d'abord une commission mixte composée de Musulmans et de Chrétiens, puis une commission musulmane. Dans ces dispositions conciliantes, notre ambassadeur se trouva pleinement satisfait par le firman du 8 février 1852, qu'il parvint, après des luttes violentes, à arracher au sultan, à la suite de l'enquête des commissions.

Ce firman était un succès sans doute, mais bien mince, si l'on s'en reporte au jugement de M. Sabatier laissé par M. de la Valette, comme chargé d'affaires, à Constantinople, la même année. « Nous avons obtenu, disait le chargé

(1) Thouvenel. Nicolas Ier et Napoléon III.

(2) La Turquie était désintéressée dans le débat qui s'agitait sur son propre territoire. Peu lui importait que les lieux contestés fussent latins ou orthodoxes. Elle était done un arbitre tout indiqué ; malheureusement l'intégrité de l'arbitre était sujette à caution.

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