Il faut partir, monsieur, sans dire adieu, ALCESTE. Mais par quelle raison me tiens-tu ce langage? DUBOIS. Par la raison, monsieur, qu'il faut plier bagage. ALCESTE. Ah! je te casserai la tête assurément Si tu ne veux, maraud, t'expliquer autrement. DUBOIS. Monsieur, un homme noir et d'habit et de mine ALCESTE. Hé bien ! quoi? Ce papier, qu'a-t-il à démêler, DUBOIS. C'est pour vous dire ici, monsieur, qu'une heure en suite Un homme qui souvent vous vient rendre visite Sachant que je vous sers avec beaucoup de zele, ALCESTE.. Laisse là son nom, traître, et dis ce qu'il t'a dit. DUBOIS. C'est un de vos amis enfin, cela suffit. Il m'a dit que d'ici votre péril vous chasse, d'être arrêté le sort vous y menace. Et que ALCESTE. Mais quoi n'a-t-il voulu te rien spécifier? DUBOIS. Non. Il m'a demandé de l'encre et du papier, ALCESTE. pense, Donne-le done. CELIMEN E. Que peut envelopper ceci? ALCESTE. Je ne sais; mais j'aspire à m'en voir éclairci. Ma foi, je l'ai, monsieur, laissé sur votre table. ALCESTE. Je ne sais qui me tient. . . CÉLIMENE. Ne vous emportez pas, Et courez démêler un pareil embarras. ALCESTE. Il semble que le sort, quelque soin que je prenne, Ait juré d'empêcher que je vous entretienne : Mais, pour en triompher, souffrez à mon amour De vous revoir, madame, avant la fin du jour. FIN DU QUATRIEME ACTE. ACTE CINQUIEME. SCENE I.. ALCESTE, PHILINTE. ALCESTE. La résolution en est prise, vous dis-je. PHILINTE. Mais, quel que soit ce coup, faut-il qu'il vous oblige....... ALCESTE. Non, vous avez beau faire et bean me raisonner, Il trouve, en m'égorgeant, moyen d'avoir raison, Dont le fourbe a le front de me faire l'auteur! Et ne le veux trahir, lui ni la vérité, La justice et l'honneur que l'on trouve chez eux! Allons, c'est trop souffrir les chagrins qu'on nous forge, Tirons-nous de ce bois et de ce coupe-gorge. Puisqu'entre humains ainsi vous vivez en vrais loups, Traîtres, vous ne m'aurez de ma vie avec vous. PHILINTE. Je trouve un peu bien prompt le dessein où vous êtes; N'a point eu le crédit de vous faire arrêter; ALCESTE. Lui! de semblables tours il ne craint point l'éclat: Et, loin qu'à son crédit nuise cette aventure, PHILINTE. Enfin il est constant qu'on n'a point trop donné Au bruit que contre vous sa malice a tourné; Et pour votre procès, dont vous pouvez vous plaindre, Il vous est en justice aisé d'y revenir, Et contre cet arrêt... ALCESTE. Non, je veux m'y tenir. Quelque sensible tort qu'un tel arrêt me fasse, Je me garderai bien de vouloir qu'on le casse ; On y voit trop à plein le bon droit maltraité, Et je veux qu'il demeure à la postérité, Comme une marque insigne, un fameux témoignage De la méchanceté des hommes de notre âge. Ce sont vingt mille francs qu'il m'en pourra coûter; Mais pour vingt mille francs j'aurai droit de pester Contre l'iniquité de la nature humaine, Et de nourrir pour elle une immortelle haine. Mais enfin... PHILINTE ALCESTE. Mais enfin vos soins sont superflus. Que pouvez-vous, monsieur, me dire là-dessus? Aurez-vous bien le front de me vouloir en face Excuser les horreurs de tout ce qui se passe? PHILINTE Non, je tombe d'accord de tout ce qu'il vous plaît: Ce n'est plus que la ruse aujourd'hui qui l'emporte, Tous ces défauts humains nous donnent, dans la vie, C'est le plus bel emploi que trouve la verta: Et si de probité tout étoit revêtu, Si tous les cœurs étoient francs, justes et dociles, |