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est cau-sé-e par des hu-meurs pu-tri-des, te na-ces, con-glu-ti-neu-ses, qui sont con-te-nu-es dans le bas

ven-tre.

M. BAHIS.

Et comme ces humeurs ont été là engendrées par une longue succession de temps, elles s'y sont recuites, et ont acquis cette malignité qui fume vers la région du cerveau.

M. MAGROTON.

Si bien donc que, pour ti-rer, dé-ta-cher, ar-racher, ex-pul-ser, é-va-cu-er les-di-tes hu-meurs, il fau-dra u-ne pur-ga-ti-on vi-gou-reu-se. Mais, au pré-a-la-ble, je trou-ve à pro-pos, et il n'y a pas d'incon-vé-ni-ent, d'u-ser de pe-tits re-me-des a-no-dins, c'est-à-di-re de pe-tits la-ve-ments ré-mol-li-ents et dé-ter-sifs, de ju-leps et de si-rops ra-fraî-chis-sants qu'on mê-le-ra dans sa ti-sa-ne.

M. BAHIS.

Après, nous en viendrons à la purgation et à la saignée, que nous réitérerons s'il en est besoin.

M. MACROTON.

Ce n'est pas qu'a-vec tout ce-la vo-tre fil-le ne puis-se mou-rir; mais au moins vous au-rez fait quel-que cho-se, et vous au-rez la con-so-la-ti-on qu'el-le se-ra mor-te dans les for-mes.

M. BAHIS.

Il vaut mieux mourir selon les regles que de réchapper contre les regles.

M. MACROTON.

Nous vous di-sons sin-cè-re-ment no-tre pen-sé-e.

M. BAHIS.

Et vous avons parlé comme nous parlerions à notre propre frere.

SGANARELLE.

(à M. Macroton, en alongeant ses mots.) Je vous rends très hum-bles gra-ces.

(à M. Bahis, en bredouillant.)

Et vous suis infiniment obligé de la peine que vous

avez prise.

SCENE VI.

SGANARELLE, seul.

Me voilà justement un peu plus incertain que je n'étois auparavant. Morbley! il me vient une fantaisie. Il faut que j'aille acheter de l'orviétan, et que je lui en fasse prendre. L'orviétan est un remede dont beaucoup de gens se sont bien trouvés. Holà!

SCENE VII.

DEUXIEME ENTRÉE.

SGANARELLE, UN OPÉRATEUR.

SGANARELLE.

Monsieur, je vous prie de me donner une boîte de votre orviétan, que je m'en vais vous payer. L'OPÉRATEUR chante.

L'or de tous les climats qu'entoure l'océan
Peut-il jamais payer ce secret d'importance?
Mon remede guérit, par sa rare excellence,
Plus de maux qu'on n'en peut nombrer dans tout

un an:

La gale,

La rogne,
La teigne,
La fievre,

La peste,

La goutte,

Vérole,

Descente,
Rougeole,

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Monsieur, je crois que tout l'or du monde n'est pas capable de payer votre remede; mais pourtant voici une piece de trente sous, que vous prendrez, s'il vous plaît.

L'OPÉRATEUR chante.

Admirez mes bontés, et le peu qu'on vous vend
Ce trésor merveilleux que ma main vous dispense.
Vous pouvez avec lui braver en assurance

Tous les maux que sur nous l'ire du ciel répand:
La gale,

La rogne,
La teigne,
La fievre,

La peste,

La goutte,

Vérole,

Descente,

Rougeole.

O grande puissance
De l'orviétan!

SCENE VIII.

Plusieurs Trivelins et plusieurs Scaramouches, valets de l'opérateur, se réjouissent en dansant.

FIN DU SECOND ACTE.

ACTE TROISIEME.

SCENE I.

MESSIEURS FILLERIN, TOMĖS, DESFONANDRÈS.

N'AVEZ-V

M. FILLERIN.

'AVEZ-VOUS point de honte, messieurs, de montrer si peu de prudence, pour des gens de votre âge, et de vous être querellés comme de jeunes étourdis? Ne voyez-vous pas bien quel tort ces sortes de querelles nous font parmi le monde? et n'est-ce pas assez que les savants voient les contrariétés et les dissensions qui sont entre nos auteurs et nos anciens maitres, sans découvrir encore au peuple, par nos débats et nos querelles, la forfanterie de notre art? Pour moi, je ne comprends rien du tout à cette méchante politique de quelques uns de nos gens; et il faut confesser que toutes ces contestations nous ont décriés depuis peu d'une étrange maniere, et que, si nous n'y prenons garde, nous allons nous ruiner nous-mêmes. Je n'en parle pas pour mon intérêt; car, dieu merci, j'ai déja établi mes petites affaires. Qu'il vente, qu'il pleuve, qu'il grêle; ceux qui sont morts sont morts, et j'ai de quoi me passer des vivants. Mais enfin toutes ces disputes ne valent rien pour la médecine. Puisque le ciel nous fait la grace que, depuis tant de siecles, on demeure infatué de nous, ne désabusons point les hommes avec nos cabales extravagantes, et profitons de leurs sottises le plus doucement que nous pourrons. Nous ne sommes pas les seuls, comme vous savez, qui tâchons à nous

prévaloir de la foiblesse humaine. C'est là que va l'éinde de la plupart du monde; et chacun s'efforce de prendre les hommes par leur foible pour en tirer quelque profit. Les flatteurs, par exemple, cherchent à profiter de l'amour que les hommes ont pour les louanges, en leur donnant tout le vain encens qu'ils souhaitent; et c'est un art où l'on fait, comme on voit, des fortunes considérables les alchymistes tâchent à profiter de la passion que l'on a pour les richesses, en promettant des montagnes d'or à ceux qui les écoutent : les diseurs d'horoscopes, par leurs prédictions trompeuses, profitent de la vanité et de l'ambition des crédules esprits. Mais le plus grand foible des hommes, c'est l'amour qu'ils ont pour la vie; et nous en profitons, nous autres, par notre pompeux galimatias, et savons prendre nos avantages de cette vénération que peur de mourir leur donne pour notre métier. Conservons-nous donc dans le degré d'estime où leur foiblesse nous a mis, et soyons de concert auprès des malades pour nous attribuer les heureux succès de la maladie, et rejeter sur la nature toutes les bévues de notre art. N'allons point, dis je, détruire sottement les heureuses préventions d'une erreur qui donne du pain à tant de personnes, et, de l'argent de ceux que nous mettons en terre, nous fait élever de tous côtés de si beaux héritages.

M. TOMÈS.

Vous avez raison en tout ce que vous dites; mais ce sont chaleurs de sang dont par fois on n'est pas le

maitre.

M. FILLERIN.

Allons donc, messieurs, mettez bas toute rancune, et faisons ici votre accommodement.

M. DESFONANDRES.

J'y consens. Qu'il me passe mon émétique pour la

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