ALCESTE. Point. Vous vous déclarerez. CÉLIMENE. Ah! ALCESTE. Vous prendrez parti. CÉLIMENE. Vous vous moquez, je pense. ALCESTE. Non: mais vous choisirez. C'est trop de patience. CLITANDRE. Parbleu! je viens du Louvre, où Cléonte, au levé, CÉLIMENE. Dans le monde, à vrai dire, il se barbouille fort: ACASTE. Parbleu! s'il faut parler de gens extravagants, C'est un parleur étrange, et qui trouve toujours ÉLIANTE, à Philinte. Ce début n'est pas mal; et contre le prochain CLITANDRE. Timanthe encor, madame, est un bon caractere. CÉLIMENE. C'est, de la tête aux pieds, un homme tout mystere, Et Géralde, madame? ACASTE. CÉLIMENE. O l'ennuyeux conteur! CLITANDRE. On dit qu'avec Bélise il est du dernier bien. CÉLIMENE. Le pauvre esprit de femme, et le sec entretien! Fait mourir à tous coups la conversation. En vain, pour attaquer son stupide silence, Et l'on demande l'heure, et l'on bâille vingt fois, Qu'elle s'ément autant qu'une piece de bois. ACASTE. Que vous semble d'Adraste? CÉLIMENE. Ah! quel orgueil extrême! C'est un homme gonflé de l'amour de soi-même : CLITANDRE. Mais le jeune Cléon, chez qui vont aujourd'hui CÉLIMENE. Que de son cuisinier il s'est fait un mérite, ÉLIANTE. Il prend soin d'y servir des mets fort délicats. CÉLIMENE. Oui; mais je voudrois bien qu'il ne s'y servît pas: C'est un fort méchant plat que sa sotte personne, Et qui gate, à mon goût, tous les repas qu'il donne! PHILINTE, Ou fait assez de cas de son oncle Damis; Qu'en dites-vous, madame? CÉLIMENE. Il est de mes amis. PHILINTE. Je le trouve honnête homme, et d'un air assez sage. CÉLIMENE. Oui; mais il vent avoir trop d'esprit, dont j'enrage. Il est guindé sans cesse; et, dans tous ses propos, On voit qu'il se travaille à dire de bons mots. Depuis que dans la tête il s'est mis d'être habile, Rien ne touche son goût, tant il est difficile! Il veut voir des défauts à tout ce qu'on écrit, ACASTE. Dieu me damne! voilà son portrait véritable. Pour bien peindre les gens vous êtes admirable. ALCESTE. Allons, ferme! poussez, mes bons amis de cour. Vous n'en épargnez point, et chacun a son tour: Cependant aucun d'eux à vos yeux ne se montre, Qu'on ne vous voie en hâte aller à sa rencontre, Lui présenter la main, et d'un baiser flatteur Appuyer les serments d'être son serviteur. CLITANDRE. Pourquoi s'en prendre à nous? Si ce qu'on dit vous blesse, Il faut que le reproche à madame s'adresse. ALCESTE. Non, morbleu! c'est à vous; et vos ris complaisants PHILINTE. Mais pourquoi pour ces ge as un intérêt si grand, Vous qui condamneriez ce qu'en eux on reprend? CÉLIMENE. Et ne faut-il pas bien que monsieur contredise? A la commune voix veut-on qu'il se réduise, Et qu'il ne fasse pas éclater en tous lieux L'esprit contrariant qu'il a reçu des cieux? Le sentiment d'autrui n'est jamais pour lui plaire : Il prend toujours en main l'opinion contraire, Et penseroit paroître un homme du commun Si l'on voyoit qu'il fût de l'avis de quelqu'un. L'honneur de contredire a pour lui tant de charmes, Qu'il prend contre lui-même assez souvent les armes; Et ses vrais sentiments sont combattus par lui Aussitôt qu'il les voit dans la bouche d'autrui. ALCESTE. Les rieurs sont pour vous, madame, c'est tout dire; Et vous pouvez pousser contre moi la satyre. PHILINTE. Mais il est véritable aussi que votre esprit ALCESTE. C'est que jamais, morbleu! les hommes n'ont raison; Mais... CÉLIMENE. ALCESTE. Non, madame, non, quand j'en devrois mourir, Vous avez des plaisirs que je ne puis souffrir; Ce grand attachement aux défauts qu'on y blâme. CLITANDRE. Pour moi, je ne sais pas; mais j'avouerai tout haut |