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longtemps du fruit défendu. Il eut bientôt une autre aventure de cœur en haut lieu, mais cette fois plus heureuse que la première. Il aima et il fut aimé. Je parle de ses relations avec Marguerite de Valois, qui était mariée à Henri, roi de Navarre. Comme elle se piquait de bel esprit et qu'elle tournait elle-même agréablement les vers français, elle parla d'abord de poésie avec Marot, puis d'autre chose. L'indiscret poëte nous apprend qu'il en obtint un baiser. Dans les commencements, il lui donna le nom de sœur, puis, comme ce mot était bien froid, le poëte se hasarda, dans ses vers, à prononcer le mot d'amie, puis enfin celui de maîtresse. Il s'ensuivit des rendez-vous, des badinages. innocents sans doute, mais qui firent du bruit dans le grand monde. Il fallut se séparer, se rejoindre et se quitter encore. Les murmures des courtisans arrivèrent jusqu'à l'oreille du roi; François Ier s'en montra alarmé pour l'honneur de sa sœur, et mécontent. Clément Marot fut obligé de s'éloigner de la cour, et son père, Jean Marot, étant venu à mourir, il n'obtint pas d'abord l'emploi que ce dernier laissait vacant. Je laisse à penser les élégies que soupira Marot durant les dernières phases de cette aventure amoureuse qui avait commencé sous de si beaux auspices.

Puisque parler à vous ne puis et n'ose,
Que puis-je faire orendroit (1) autre chose,
Fors (2) par écrit nouvelles vous mander
De mon ennui, et vous recommander
Le cœur de moi dont vous avez jouissance?

Mais où sont ceux qui ont eu leur désir
En amitié sans quelque déplaisir ?

Il n'en est point certes et n'en fut oncques (3)
Et n'en sera.

(1) Dorénavant.

(2) Excepté.

(3) Jamais.

Ailleurs, il se compare au mois de mai de 1527, qui fut triste et pluvieux; mais ce mois eut beau répandre beaucoup de larmes, le poëte nous assure qu'il en versa une fois et demie de plus que lui, quand on lui ôta son amie.

Des malheurs plus réels ne tardèrent point à l'atteindre. Marot était rentré en grâce auprès de François Ier; mais la France était de plus en plus agitéc par les querelles de religion et le roi, mû par des motifs politiques, voulut élever une barrière contre l'invasion des idées nouvelles. Il fit rechercher les propagateurs et les sectateurs de la réforme : On en découvrit plusieurs, qui furent brûlés. Marot était attaché à la doctrine des évangélistes. Le lieutenant criminel alla donc saisir, à Paris, tous les papiers et tous les livres du poëte, qui était alors à Blois. Ce qu'il avait de mieux à faire était de prendre la fuite. Il se réfugia chez la reine de Navarre, qui lui donna les moyens de passer en Béarn. Cette retraite n'étant pas sûre, il fut obligé de passer les Alpes et de s'exiler en Italie. Il se rendit à Ferrare, où la duchesse, madame Renée de France, favorisait les réformateurs. Là il trouva madame de Soubise, autrefois les délices de la cour de Louis XII. Mais Charles-Quint ayant vu d'un mauvais œil que la duchesse de Ferrare attirât dans ses États des Français désagréables au saint-siége, Marot se vit contraint, en 1536, de chercher un abri à Venise.

Après deux ans d'exil, Marot fut rappelé en France, vers la fin de 1536. Sa joie fut grande et il l'exprime luimême dans ces vers :

Mon premier point ce fut de louer Dieu,

Et le second de déloger du lieu

Là où j'étais, pour au pays venir
D'où je n'ai su perdre le souvenir.
Nature a pris sur nous cette puissance
De nous tirer au lieu de sa naissance,

Même longtemps les bêtes ne séjournent

Hors de leur creux, mais toujours y retournent.

Marot revint à la cour: il suivit même, vers 1537, le roi en Italie, où la guerre continuait encore. Sa vie fut assez tranquille jusqu'en 1543; mais, alors, l'orage auquel le poëte s'était soustrait une première fois gronda de nouveau, soufflé qu'il était par les haines religieuses. Marot avait traduit les Psaumes de David en vers français. La Sorbonne s'alarma : donner au peuple la connaissance des livres saints c'était, d'après les idées catholiques du temps, un cas pendable. François Ier avait d'abord encouragé cette traduction, mais les plus puissantes amitiés reculent quelquefois devant l'autorité de l'ignorance et du fanatisme : le roi eut l'indigne faiblesse d'abandonner son poëte.

Clément Marot eut une seconde fois recours à la fuite : il se retira en Savoie, et ensuite en Piémont. Là, il trouva une retraite sûre; mais ayant perdu l'emploi de valet de chambre du roi et même celui de valet de chambre de la reine de Navarre, dépouillé des bienfaits de la cour, dans un temps où la domesticité des poëtes était à peu près pour eux le seul moyen d'existence, il se trouva réduit à la plus grande détresse. Il lui restait du moins la poésie à laquelle il demanda les dernières consolations:

Abandonné jamais ne m'a la muse.

La fragilité des hautes protections qu'il avait eues dans le monde, et qui l'avaient lâchement abandonné à l'heure du péril, devait se présenter plus d'une fois à l'esprit du poëte fugitif. Il écrivait alors à un ami :

Que plût à Dieu que l'occasion j'eusse,
Qu'auprès de toi user mes jours je peusse,
Loin de tumulte et loin des plaisirs courts
Qui sont en ces ambitieuses cours;
Là me plairait mieux qu'avec princes vivre.

Dans son exil, il continua la Traduction des Psaumes, donnant ainsi à la cause de la réforme religieuse sa dernière pensée et le dernier souffle d'un talent qui s'éteignait. Cinquante de ses psaumes furent publiés en 1543, avec une préface de Jean Calvin. Le chagrin qu'eut Marot de se voir chassé de tous côtés, sa misère qui était extrême, le souvenir amer de la patrie absente abrégèrent sans doute ses jours. Il mourut à Turin, âgé d'environ cinquante ans.

2.

Je me suis arrêté à la vie de Clément Marot, parce qu'il personnifie en lui deux grandes choses: la poésie et la liberté de conscience. On a de lui des opuscules, des élégies, des épîtres, des ballades, des chants, des rondeaux, des épigrammes, des étrennes, des épitaphes, des cimetières, des complaintes, des traductions. Boileau a a dit de lui:

Marot, dans son vieux style, a des grâces encore.

Cet éloge--si éloge il y a- est beaucoup trop restreint. Marot avait plus que de la grâce; mais il faut se souvenir que Boileau Despréaux, comme tous les écrivains du xviie siècle, affectait un certain mépris pour l'enfance de la langue et de la poésie française. Toute glorieuse d'avoir atteint l'âge de maturité, la littérature oubliait trop alors les services des anciens écrivains, qui avaient préparé la gloire du règne de Louis XIV.

La vérité est pourtant que Clément Marot n'ouvre point une ère nouvelle dans l'histoire de la poésie française; il clôt, au contraire, le cycle gaulois. Marot s'attacha beaucoup trop, surtout dans les commencements, à la tradition du Roman de la Rose. Plus tard, il recueillit, en le vivifiant, le souffle poétique d'Alain Chartier et de

Villon. Ce qui lui appartient bien, c'est l'élégance, la politesse, le charme, en un mot toutes les qualités aimables et délicates qu'on retrouve, il est vrai, chez quelques-uns de nos vieux poëtes, mais qui s'épanouissent dans Marot comme le bourgeon dans la fleur. Il fut et il reste un des types de l'esprit français, de cet esprit sur lequel les femmes exercèrent une si grande et si exquise influence. Les femmes avaient orné, embelli, civilisé le monde où vivait Marot. On respire de ce parfum dans ses vers. Quelques critiques ont reproché à Marot de ne s'être exercé avec succès que dans les sujets légers nous le louons, au contraire, de n'avoir point dépassé les limites de son talent, ni forcé les cordes d'un idiome qui ne se prêtait encore qu'à l'expression des sentiments gracieux et agréables. Vers la fin de sa vie, il s'éleva jusqu'à la poésie sacrée; mais si cette entreprise fit honneur à l'indépendance de ses opinions religieuses, elle n'ajouta rien à la gloire de l'auteur, ni au caractère de la langue. Cette aspiration tardive vers les sujets sérieux complète, d'ailleurs, la physionomie de sa muse une belle et joyeuse adolescente, avec le rayon précurseur de l'avenir sur le front.

20

MARGUERITE DE VALOIS.

Quel était le passe-temps des cours à cette époque. guerite de Valois.

fois.

-

- Ce qu'elle était à Henri IV.

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- Noble usage qu'elle fait de sa position élevée. fut surnommée. - Les nouvelles de la reine de Navarre.

distinguent ses poésies.

Comment elle

Par quoi se Leur mérite. Avantage que La Fontaine en a retiré.

Cultiver les lettres, et surtout la noble fleur de poésie, était, au xvo siècle, le passe-temps des cours. Une femme se distingua surtout par ses talents dans cette charmante occupation de l'esprit.

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