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Argyro Castron et Souli. Courd pacha, visir puissant et redouté, gouvernait la moyenne et la basse Albanie; et tous les Schypetars étaient à ses ordres. Il n'y avait donc aucune apparence d'innovation; le temps semblait même avoir cimenté la liberté anarchique de l'Épire; car, lorsqu'un canton était menacé quelque voisin ambitieux, les autres venaient à son secours, et rétablissaient l'équilibre. Il y avait de cette manière, au sein de la barbarie, une espèce de balance politique, composée de ligues cimentées par le hasard, réglées par l'habitude, et dirigées par une politique d'instinct.

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Un pareil état de choses aurait arrêté un homme capable de calculer les difficultés qu'il opposerait à ses entreprises; mais Ali était loin d'en apprécier les conséquences, parce que ses projets ne se sont développés qu'à mesure qu'il s'est agrandi. Ainsi, il faut réduire les vues qu'on lui a prêtées au terme ordinaire de celles des individus qu'on regarde comme des êtres prodigieux, parce qu'ils font des choses étonnantes, sans réfléchir. que c'est par les moyens placés sous leur main, qu'ils deviennent conquérants, puissants et fameux, plutôt que par leur propre génje. Aidé de quelques vagabonds, Ali débuta à la manière des anciens héros de la Grèce, en volant des chèvres, des moutons; et dès l'âge de quatorze ans il avait acquis dans ce genre d'exploits, autant de célébrité que le divin fils de Jupiter et de Maïa. Il pillait ses voisins, et il se trouva, au moyen de ses rapines, jointes aux économies de sa mère, dans

le cas de solder un parti assez considérable pour former une entreprise contre la bourgade chrétienne de Cormovo, objet de leurs ressentiments. Il se mit à la tête des bandes de Toxides et de Iapyges qu'il avait rassemblés; mais cette première campagne ne donna pas une idée avantageuse du courage d'Ali, qui, ayant trouvé de la résistance, lâcha pied et se sauva à toutes jambes à Tébélen Khamco, trompée dans ses espérances, éclata en injures en revoyant -son fils; et lui présentant sa quenouille, qu'elle avait reprise depuis le temps dessa captivité va, lui ditelle, lâché, va filer avec les femmes du harem\; ce métier te convient mieux que celui des armes.

C'est à cette époque que ceux qui ont débité tant de fables sur le compte d'Ali, prétendent qu'il trouva, dans les ruines d'une église un trésor avec lequel il releva son parti (1) Honteux et humilié, le jeune he se ubuq bunel sup - dánza bit en í gang ling

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(1) C'est un aventurier, que j'ai vu à Janina, qui a propagé ce conte, qu'il tenait de Psallida, professeur au collége de cette ville. «J'étais, fait-il dire à Ali, retiré dans les us les ruines «d'un vieux monastère, réfléchissant ma situation, fâcheuse. «Je fouillais machinalement la terre avec la pointe de n « bâton (un soldat albanais rougirait de porter un bâton), <«<lorsque tout à coup j'entendis résonner quelque chose qui « résistait. Je continuai à fouiller, et je trouvai un coffre rempli <d'or, qui me servit à enrôler deux mille hommes, avec les«quels je rentrai triomphant à Tébélen. » viol su

Je demandais un jour à Ali pacha si cette histoire était vraie. Non, me. dit-il, c'est ce maître d'école Psallida, un menteur, qui l'a inventée; on me la raconte maintenant à moi

brigand, voulant se, dérober, aux reproches de sa mère, passa à Nègrepont avec trente palicares ou braves d'élite, en qualité de leur boulouk-bachi (chef de peloton), et entra au service du visir de cette île. Mais il paraît qu'il ne se distingua pas plus dans l'île d'Eubée qu'à Cormovo; et ennuyé de la vie qu'il y menait, il entra dans la Thessalie, où il se mit, comme l'avait fait Véli, son père, à guerroyer sur les grands chemins. Il remonta de là dans la chaîne du Pinde; il pilla quelques villages du Zagori, où il fit la connaissance d'un nommé Noutza Makri-Mitchys, qui devint pour lui une ressources et il rentra à Tébélen, plus riche, et par conséquent plus considéré que lorsqu'il en était parti.

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Avec de nouveaux moyens, Ali s'occupa à remonter sa faction; et, comme il avait obtenu des succès dans le vagabondage, il recommença ses excursions, qu'il poussa à un tel excès, que Courd pacha se vit dans la nécessité d'y mettre un terme. Des troupes que ce satrape mit aux trousses du héros naissant, le firent prisonnier et le conduisirent à Bérat, ville capitale de la moyenne Albanie.

On s'attendait qu'Ali Tébélen, dont les compa

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même, que voulez-vous 3. .Au reste, il n'y a pas de mal que cette fable s'accrédite; cela donne une physionomie miraculeuse à ma fortune. Hélas! que ne suis-je venu plus tôt au monde! avec l'aide de quelques fous, j'aurais peut-être été prophète; mais Mahomet a › fermé la porte en s'annonçant comme le Paraclet: tout est dit.

gnons d'armes furent pendus, serait puni du supplice réservé aux brigands; mais quand Courd pacha vit à ses pieds un jeune homme avec lequel il avait des liens de parenté, il eut pitié de ses égarements, et retint sa colère. Ali était dans cet âge où l'homme intéresse. Une longue chevelure blonde, des yeux bleus, remplis de feu et brillants d'esprit, une éloquence naturelle, achevèrent de gagner le cœur du vieux visir, qui le garda plusieurs années dans son palais, où il lui prodiguait ses bienfaits, en tâchant de le ramener dans le sentier de la probité. Enfin, touché par les prières de Khamco, qui redemandait sans cesse son cher fils, il le lui rendit, en les prévenant l'un et l'autre, qu'ils n'auraient plus de grace à espérer s'ils osaient troubler l'ordre public. Ils promirent donc de rester tranquilles, et ils tinrent parole aussi long-temps que Courd pacha vécut.

Cette correction indulgente sembla calmer l'effervescence d'Ali, et le faire rentrer en lui-même. Il vendit ses services à ses voisins, et parvint à se faire des amis, chose préférable aux partisans soldés sur lesquels son crédit avait reposé jusqu'alors. Il étendit ses relations; il prit un rang distingué entre les beys du pays; et, comme il était en âge d'être marié, il obtint la fille de Capelan (1), pacha de Delvino, qui résidait à Argyro Castron. Il avait environ vingtquatre ans lorsqu'il fut admis à l'honneur de cette alliance, qui lui mérita la main et le cœur d'Éminé

(1) Capelan le Tigre.

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fenime dont le nom sera long-temps révéré et chéri dans l'Épire. Immup airm zober

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Un mariage aussi avantageux aurait dû ramener Ali Tébélen à des idées qui calment ordinairement l'effervescence de la jeunesse; mais, en épousant une personné vertueuse, il s'associait à un beau-père connu par sa férocité et sa turbulence. Capelan pacha était un de ces rebelles, communs en Turquie, qui, se trouvant placés à une grande distance de la capitale, croient pouvoir impunément dépouiller et déshonorer les familles rangéés sous leur autorité. En mettant son gendre dans ses intérêts, il s'était flatté d'entraîner d'autres chefs dans son parti, et de parvenir à l'indépendance, qui est la chimère de presque tous les pachas. Ali Tébélen feignit d'entrer dans ses vues. Ib entrevoyait des évènements nouveaux, qui pouvaient le tirer de l'obscurité. Au sortir de l'ile d'Eubée, il s'était mis en relation avec les armatolis de la Thessalie, de l'Étolie, et de l'Acarnanie, parmi lesquels il circulait des bruits inconnus à la Grèce, depuis qu'elle avait été effacée du rang des puissances.

Les chrétiens orientaux ont toujours conservé une tradition en vertu de laquelle ils croient que l'empire ottoman sera ́détruit par une nation blonde, nommée Ros, venant du nord, qui leur est unie par les liens de la religion; nulle prophétie né fút jamais, moins ambigüe. Un prêtre de cette église, expédié naguèrel par Munich, premier ministre du cabinet de Pétersbourg, afin de s'aboucher avec les montagnards de la Laconie, de la Selleïde, et de l'Acro

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