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CHAPITRE IV.

Troubles du Musaché, suscités

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des Moraïtes contre Véli pacha et Ismaël pachô bey. Révolte de Blachavas; son supplice.-Martyre du religieux Démétrius. Khourchid pacha nommé Romili vali-cy. — Paix conclue entre l'Angleterre et la Turquie. — Avènement du sultan Mahmoud au trône. – Khourchid est révoqué. — Cheïk-Jouf, regardé comme un oracle, tonne contre le visir Ali;-prête son appui au sultan;-détermine les Schypetars à marcher contre les Russes. — Enthousiasme aveugle des soldats Ali. pour - Faux errements de la politique de

Napoléon.

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Ali fait attaquer le visir Ibrahim par Omer Briones. Prise de Bérat. Ibrahim, échappé aux poignards d'Ali, se retire à Avlone. — Mauvaise impression que cet évènement cause à Constantinople; - est apaisée à prix d'argent.

LA ligue du Chamouri, affaiblie par la ruine des Souliotes, qui avaient inutilement essayé de rentrer en 1806 dans l'Épire, à la faveur de quelques intrigues des Russes, se trouvant depuis six ans partagée entre des chefs avides, mus par des intérêts particuliers, n'offret plus au visir Ali pacha qu'une proie facile à vorer. Les uns, corrompus par ses présents, étent entrés à son service, les autres pour le calme, lui avaient livré des ôtages; et tous, tremblan du bruit de son nom, n'aspiraient plus qu'à

vivre en paix dans leurs foyers. On était tranquille à Parga que le pavillon français mettait à couvert des fureurs de son ennemi naturel. L'Acrocéraune avait

que

reçu le joug, tandis la Taulantie était agitée par les factions des beys d'Avlone qui trahissaient Ibrahim pacha. En vain ce visir cherchait à les retenir dans son parti; comme il n'avait plus d'argent pour soudoyer des perfides qu'il avait enrichis, chacun d'eux se faisait un mérite de déserter sa cause. Du côté de la Thessalie la fortune n'était pas moins propice au tyran; les armatolis, l'œil fixé vers l'armée russe du Danube, n'avaient cependant pas pensé à remuer depuis la retraite de Paléopoulo, qui était venu cacher sa tête à Constantinople parmi les Grecs ioniens alors protégés de la France. Véli paraissait s'enraciner dans la Morée, indignée de ses débordements, mais plus libre qu'autrefois dans son culte, car il permettait de bâtir des églises, et le clergé avait à sa cour un crédit jusqu'alors inconnu aux moraïtes, qui luiauraient pardonné ses exactions en faveur de sa tolérance, si son selictar Ismaël Pachô bey n'eût employé, pour se venger d'Ali, tous les moyens capables de rendre son fils odieux aux habitants du Péloponèse.

Ali qui ne pénétra que plus tard les intentions de son élève, car Pachô bey avait été nourri à sa cour, se trouvait embarrassé d'affaires trop importantes pour s'occuper d'une intrigue encore enveloppée de ténèbres. Des symptômes de mécontentement se manifestaient dans l'Acarnanie; Jousouf Arab mandait que

les vallées de l'Agraïde se repeuplaient de voleurs; les espérances de paix entre la Russie et la Porte Ottomane s'éloignaient. Les Anglais, excités par Ali, avaient pris et abandonné la petite île de Paxos; une irritation particulière des esprits, une inquiétude générale, présageaient une crise que personne ne pouvait définir. Le visir paraissait aussi agité que ceux qu'il tourmentait. Il y avait des mouvements continuels de troupes du centre de l'Épire aux rivages de la mer Ionienne; des allées et des venues de Janina à Malte; des croisements de courriers et d'intrigues; des conciliabules de Schypetars; la nouvelle de la veille était contredite par celle du jour, qui se trouvait démentie par les bruits du lendemain, lorsque le satrape partit pour Prévésa. Ses troupes encombraient les routes, on parlait insolemment d'attaquer Leucade; mais à peine était-il arrivé dans la presqu'île de Nicopolis, qu'une nouvelle inattendue frappa de stupeur le tyran et son conseil. Le 12 avril, un courrier annonça qu'une vaste insurrection venait d'éclater dans la Thessalie. Le soleil dans ce moment paraissait à l'horizon, et des proclamations annoncent aussitôt à l'armée de lever le camp. Le visir donne ses ordres, déjeune, et, dans deux heures de temps, la flottille partie de Prévésa cinglait à pleines voiles șur le golfe Ambracique, en portant le cap vers Salagora, tandis que ses troupes franchissant les montagnes, remontaient en hâte vers Janina.

Quelle main invisible avait excité un soulèvement aussi inattendu? Douze cents hommes, commandés

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par Euthyme Blachavas capitaine des armatolis du canton de Cachia, où l'Ion rivière tributaire du Pénée prend ses sources, formaient le noyau de l'insurrection. On attribuait son origine aux exactions et à la misère; et dans des temps ordinaires, c'était une de ces révoltes plutôt utiles que contraires au despotisme, parce qu'elles lui fournissent l'occasion d'exterminer des populations, qui en devenant nombreuses et opulentes, seraient opposées à son essence, dont le but est de régner dans la solitude sur des êtres pauvres et avilis. Mais la chose s'expliquait autrement. Les Russes étaient au moment de dénoncer les hostilités, et Mouctar pacha parti dès le premier bruit des mouvements, mandait à son père qu'une trainée d'insurrections partielles se manifestait, à mesure qu'on en éteignait une. En effet, la ligne du Vardar s'embrasa, et la direction de l'incendie, en s'étendant vers Philippopolis, permit au visir de publier que l'ancien archevêque d'Arta, Ignace, nommé par les Russes au siége métropolitain de Bukarest, n'était pas étranger à cette conflagration. Dans cette hypothèse on fit partir Gabriel, alors archevêque de Larisse, pour prêcher la soumission aux mécontents, tandis que Mouctar se precipitant sur des villages également épouvantés de son approche et de celle des révoltés, moissonnait des têtes au lieu de lauriers, devenus sacriléges sous la main de tous les tyrans quį gouvernèrent la Thessalie, depuis que Rome souilla ses campagnes du sang de ses citoyens. Son premier envoi à Janina fut de

soixante- sept chevelures, qu'on exposa sur des pieux au milieu de la cour principale du serail de Litharitza.

Cependant, Blacavas qui venait d'arborer l'étendart de la croix sur le mont Olympe, commençait à faire entendre les cris de liberté et de patrie; mais comme il ne mêlait point à ces noms magiques celui des Russes, préconisés depuis deux générations d'hommes comme devant être les libérateurs de la Grèce, Ali parut moins inquiet. Il comprit que le mouvement était une tentative mal conçue, et l'immense majorité des habitants des plaines de la Thessalie rassurée par les paroles du pieux archevêque Gabriel, demeura tranquille. Elle se félicita bientôt d'avoir pris ce parti, quand elle vit Euthyme transférer son quartier général dans l'île de Sciathos, et les pirateries maritimes partir de ce point pour infester l'Archipel. Enfin deux frégates turques qui étaient en station dans la mer Égée, ayant reçu ordre de se porter immédiatement vers cet écueil, leur manœuvre refoula les mécontents dans les chaînes du mont Pélion, et l'insurrection si hautement annoncée dégénéra en brigandages, à la tête desquels on vit paraître des capitaines grecs et turcs. C'étaient tour à tour Blacavas, traînant à sa suite cinq cents hommes, qui circulait dans le mont Othryx; Condo Elmas, mahométan d'Argyro-Castron; Habib bey de Janitcha, près Philatès; les frères Itcharei et autres aventuriers, que la rapidité de leurs marches faisaient paraître dix fois plus nombreux qu'ils n'étaient. La bravoure était cependant de leur côté,

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