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pose les scellés sur les meubles de la victime, et le meurtrier ne quitta le sérail qu'en emmenant avec lui, comme ôtage, Moustapha, fils de Selim, que nous verrons, après de longues vicissitudes, périr de la main qui égorgea son père, ainsi que Demir Dost, auquel la gérence du pachalik fut confiée, en vertu d'une décision de la justice du cadi.

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Tout homme doit son bras à l'exécution des ordres de son souverain, dit le code des Turcs, et celui qui peut infliger des peines telles que bon lui semble, a le droit de contraindre chaque personne à faire ce qu'il veut; voilà la plus haute des souverainetés! D'après ce principe, aucun sujet ne peut réclamer le salaire de ses services! cependant la Porte, afin de récompenser le zèle d'Ali Tébélen lui décerna le sangiac de la Thessalie, avec le titre de dervendgi pacha, ou, grand prévôt des routes. Ces pouvoirs, réunis dans une seule main, mirent

« Dieu, souverain des mondes. La miséricorde est son partage. « Il est le roi du jour du jugement. Nous t'adorons, Seigneur, «<et nous implorons ton assistance. Dirige-nous dans le sentier « du salut, dans le sentier de ceux que tu as comblés de tes « bienfaits, de ceux qui n'ont point mérité ta colère, et se sont « préservés de l'erreur. »

Giaab, théologien mahométan et casuiste célèbre, dit que lorsque ces mots furent envoyés du ciel au prophète, les nuages s'enfuirent du côté de l'Orient, les vents s'apaisèrent, la mer fut émue, les animaux dressèrent leurs oreilles pour entendre, et les démons furent précipités des sphères célestes dans l'abyme.

Ali pacha (je lui donnerai maintenant ce nom) à portée de soudoyer un corps de quatre mille Albanais déterminés. C'était une des conditions qui lui étaient imposées par le ministère ottoman, dont l'intention était de nettoyer la vallée du Pénée d'une multitude de chefs chrétiens, qui y commandaient avec plus d'autorité que les officiers du Grand-Seigneur. Tardives précautions, soins inutiles. Le gouvernement theocratique des mahométans, avait perdu cet attrait qui porte un peuple aux plus sublimes transports du courage humain. L'intérêt était tout. Au caliphat renversé par les Turcs avait succédé un gouvernement dont les forces réagissaient contre elles-mêmes. Les soulèvements partiels de la Grèce accusaient l'administration. Rien n'eût été plus beau que la clémence du prince, pareille à ces rosées qui tombent sur les campagnes au milieu des tempêtes et de la majesté des orages; mais la tyrannie veut, ordonne et ne raisonne pas.

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CHAPITRE II.

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Alexis et Théodore Orloff. Leurs intelligences avec les Grecs. Arrivée de la flotte russe en Morée. Débarquement opéré à OEtylos. Insurrection de 1770.- Dissensions entre les Grecs et les Russes qui abandonnent les insurgés.-Désolation du Péloponèse. - Ravages des Schypetars; - leur révolte; sont exterminés par Hassan pacha. Arrivée d'Ali pacha dans la Thessalie, racontée par lui-même.—Manière de se faire une réputation;-s'attache Paleopoulo. Chefs des armatolis; nombre de leurs capitaineries.. Mort de Khamco;- son testament, nommé au sangiac de Janina;-sa conduite artificieuse ;attaque et détruit Cormovo.- Première campagne d'Ismaël pachô bey. Inquiétudes d'Ibrahim, pacha de Bérat;— marie une de ses filles à Mouçtar, fils d'Ali. Empoisonnement de Sepher bey, frère du visir Ibrahim.,

-

Ali

TANDIS que ces choses se passaient, Alexis et Théodore Orloff, qui se trouvaient à Venise, s'épuisaient en combinaisons pour soulever la Grèce dans l'intérêt de la Russie, car ce cabinet ne voulait alors qu'opérer une diversion, afin d'arriver à ses fins particulières. Porter une armée formidable sur le Danube, faire révolter les Grecs, menacer Constantinople par mer, afin d'obtenir la cession de la Crimée, sous une couleur quelconque, tel était le secret de

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Catherine II. On ignore si les deux personnages que je
viens de nommer étaient instruits de cette résolution.
Assistés
par Maruzzi, banquier, natif de Janina (1), ils
expédiaient fréquemment à Souli, dans l'Acroceraune,
et en Morée, des munitions de guerre, des armes,
de l'argent, qui étaient distribués de main en main
par des agents secrets, jusqu'aux armatolis du Pinde
et du Parnasse. Pendant que ces choses s'exécu-
taient, un aventurier, nommé Tamara, enthou-
siaste des Grecs, ou plutôt désireux d'arriver à la
fortune par l'intrigue, s'était abouché avec toutes les
tribus guerrières de la Hellade et du Péloponèse, aux-
quelles il avait persuadé que l'auguste Catherine vou-
lait enfin leur rendre la liberté. Il s'était rencontré
dans ses excursions politiques, avec le thessalien
Grégoire Papadopoulo, diplomate ambulant, qui s'était
traîné depuis les antichambres des ministres de Pé-
tersbourg, jusqu'aux foyers de tous les couvents répan-
dus dans la Romélie. Les deux émissaires, qui avaient
tout à gagner et rien à perdre dans une révolution,
s'accordèrent à penser, à dire et à démontrer par
mémoires, qu'il fallait insurger la Grèce, sans s'in-
quiéter des malheurs qu'ils allaient attirer sur ses
habitants.

des

S'il avait existé parmi ceux-ci un homme versé dans

(1) Et non pas de Larisse, comme le dit Rulhières. Il existe encore à Venise un Maruzzi, parent de celui qui s'était associé aux Orloff, qu'on a fait comte à cause de ses richesses, et dont la fille unique a pour parrain l'empereur de Russie.

la connaissance des affaires publiques, il lui aurait été facile de démontrer à ses compatriotes, ainsi que le prouve maintenant la correspondance entre Voltaire et le roi de Prusse, que cette princesse ambitieuse était bien loin alors de s'être élevée jusqu'à la pensée de tendre une main libératrice aux Grecs. Si un semblable projet avait existé, ne devait-elle pas porter ses forces au midi de son empire, attaquer son ennemi de ce côté? alors elle vengeait l'affront du Pruth sur les rivages du Bosphore; et, maîtresse de Constantinople, elle brisait les fers des chrétiens orientaux. C'était donc une déception destinée à masquer d'autres vues, qui avait fait détacher une escadre de Cronstad (port éloigné de la Turquie de tout le diamètre de l'Europe), obligée d'effectuer une longue navigation, avant d'attaquer le Grand Turc. Cette réflexion ne fut pas faite, et la flotte russe avait passé l'hiver à Livourne, avant que ceux qui la commandaient eussent décidé sur quel point de l'empire ottoman ils frapperaient le premier coup. Les Grecs se chargèrent de décider la question.

Grégoire Papadopoulo, qui était venu s'établir à OEtylos, après sa conférence avec Tamara, n'avait pas eu de peine à faire entrer dans ses idées Janaki Mavro Michalis bey, Bagou du Magne, père de celui qui combat maintenant à la tête des Grecs (1). Ses

(1) La plupart de ces détails m'ont été confirmés par M. Bénaki, fils de celui dont il est ici question, que j'ai connu consul général de Russie à Corfou. Depuis ce temps, il n'avait

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