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sang de leurs camarades, quitter son rivage funeste. M. Foresti mettait alors à la voile pour se rendre à Prévésa, où il débarqua au même instant que M. Hugues Pouqueville, parti de Corfou, y entrait par terre. Les deux consuls font aussitôt demander audience au visir Ali pacha, auquel celui d'Angleterre notifie l'occupation de la ville, objet de ses désirs, par les troupes de S. M. britannique. Le frère du consul français lui signifie en même temps une protestation du général Donzelot, contre la violation du territoire confié à sa, défense. On ne décrit point une pareille scène, les expressions manquent, pour donner une idée de la confusion du satrape, menacé de représailles, et décu dans ses plus chères espérances..... Pour moi, je me trouvais à une conférence plus paisible avec Mouctar pacha, qui avait fait la veille sa rentrée honteuse à Janina. Comme il s'était vanté de m'envoyer des tétes, je lui demandai des oranges de Parga. Il se mordit les lèvres, dit qu'il y avait des heures malheureuses dans la vie, et m'annonça le retour prochain de son père.

Il marchait sur les pas de mon frère, que j'eus le plaisir d'embrasser en rentrant au consulat. On m'avait cru englouti- dans la bourrasque; le bruit de ma mort avait été publié à Corfou, et les circonstances en avaient été décrites dans les rapports du commissaire-général de police. Mon frère, qui me raconta ces particularités, me prévint que le visir, qu'il avait quitté au caravansérail des Cinq - Puits, désirait nous voir tous deux le lendemain en amis.

Il était, disait-il, exaspéré contre M. Foresti, qui était retourné à bord de la croisière anglaise, et animé de dispositions d'autant plus favorables à nos intérêts politiques, qu'il se flattait d'engager le général Don; zelot à châtier la perfidie des Parguinotes, qui nous avaient trahis. Je prévins le révérend Smart Hughes et M. Townley Parker d'être sur leurs gardes; de regarder, en cas de danger, le consulat de France comme leur asyle, et de disposer à leur gré de tous mes services.

Le lendemain, sur les deux heures après midi, je descendis au château du lac, où le visir Ali pacha nous avait donné rendez-vous. La cohorte ordinaire des braves commandés par le jeune Odyssée, fils d'Andriscos de Prévésa, assise sur les escaliers, nous invita à entrer, en nous saluant affectueusement. Les pages, plus polis que de coutume, se levèrent à notre approche, en nous disant que leur maître nous atten, dait au fond de ses appartements. Nous traversons lentement le sélamlik ou salle de réception, appartement somptueux, couvert des plus riches tapis de l'Orient, éclatant de dorures, enrichi d'arabesques et d'armes précieuses suspendues aux murailles. Les stores baissés n'y laissaient répandre qu'une lumière vague, qui trompant des rossignols renfermés dans leurs cages entourées d'une gaze verte, chantaient comme s'ils eussent été au milieu des forêts éclairées par le reflet de la lune. Nous marchions avec précaution, sans oser presque respirer, afin de ne pas interrompre leurs concerts, lorsque dans une autre chambre où nous

entrâmes, nous fûmes salués par d'autres rossignols qui semblaient se complaire à soupirer leurs mélodies amoureuses, sous ces dômes si souvent retentissants des plaintes des malheureux. Nous avancions vers une chambre donnant sur le lac, quand nous aperçûmes Ali pacha étendu sur une peau de léopard, jetée dans l'angle d'un sopha formé des tissus précieux de Cachemire, qui nous tendait la main avec le sourire sur les lèvres, en nous faisant signe d'avancer.

Zav paxápios, comme un bienheureux, lui dit << mon frère en l'abordant. Je le suis en effet. Avec quels délices j'écoute le gazouillement de ces char<«<mants oiseaux. Approchez, mes chers enfants. » Et il poursuivit en se relevant sur son coude. «Je le serais «< peut-être toujours si je ne suivais que mes penchants. << Oh! si vous saviez ce qu'il faut par fois pour me satis<< faire? Tenez, j'ai parmi les femmes de mon.harem << une paysanne qui chante, mais de ces airs admi<«<rables, que je n'entends jamais sans me reporter aux « jours de ma jeunesse; je me crois alors transporté << dans mes montagnes de la Iapygie. Ma vie était bien

tranquille alors. Quelle fête pour moi quand nous <<mangions entre camarades quelque chevreau dérobé <aux pâtres du mont Argenik!.... et quand j'allais aux << noces de mes amis, j'étais le premier joueur de lyre « de cent lieues à la 'ronde; j'aurais défié les plus ha«biles à la danse, à la lutte; mais ce temps ne revien« dra plus, et je n'aperçois à l'autre bout de la vie, << que des chagrins de famille, des orages, et qui' « sait...........'je n'aurai peut-être pas le bonheur de mou

«rir sur la natte de mes aïeux. Je la garde ici tou<«<jours, pour me rappeler que je suis né pauvre; que «<j'ai souffert. » Puis se levant brusquement sur son séant : «Et, s'il le faut, je saurai braver jusqu'à la << misère. »>

"

Puis retombant dans ses éternelles redites, relativement aux services qu'il avait rendus aux Français et notamment aux Anglais, qui ne l'avaient jamais payé que d'ingratitude, sa conclusion fut qu'il mourrait désespéré s'il n'obtenait pas Parga. Tout en le calmant, j'essayai de lui prouver que ses désirs à cet égard étaient contraires à sa véritable politique; qu'une fois devenu maître absolu de l'Épire, sa tête effervescente, loin de se calmer, le pousserait à quelques entreprises téméraires; et que son ambition d'autant plus active qu'elle aurait été toujours satisfaite, serait la véritable cause des tourments qui l'attendaient à l'autre bout de la vie. Je me permis encore de lui dire, sans penser alors que ma voix était prophétique, que de la possession de Parga, dateraient peut-être pour lui et les siens les plus affreux malheurs. « J'en défie l'augure, repartit-il. Au <«< reste, pourvu que je puisse bâtir un palais sur ce «<pan de rocher, je serai consolé de tout. Chaque << homme porte empreint sur son front le sceau irré«vocable de son destin, et ce qui est écrit doit né<«< cessairement arriver. Je veux Parga. O

Пlápɣay. Craignez d'être maître de Parga!

« Πάργαν

« veux Parga. Θέλω τὴν Παργαν ! »

Il leva les yeux au ciel, en soupirant,

TÀN

Je

CHAPITRE VIII.

Nouvelle de la restauration de la dynastie des Bourbons. Sainte Alliance.— Hétéristes. - Etat de la Grèce en 1814. - Colléges. Écoles. Imprimeries. Commerce. Marine. Jalousie des Anglais. Calomnies de leurs agents. Indifférence de la Porte Ottomane.

de sir Thomas Maitland aux îles Ioniennes. quête que lui adressent les Parguinotes. territoire. Incertitudes. Alarmes.

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Arrivée Humble re

Vente de leur

Désespoir.

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croissant remplace la croix. — Imprécations contre le mi- .

nistère britannique.

Emigration des chrétiens.

dernier soupir chanté par Xénoclès.

Leur

NAPOLEON tombé de son char de victoire; les fils

de saint Louis et de Henri IV rendus au trône de leurs aïeux; les évènements de plusieurs siècles pressés dans le cours d'un mois, depuis que les Français célébrèrent sur le cap Chimærium la dernière victoire d'une guerre éternellement mémorable, étant connus dans la Grèce, on se demanda pendant long-temps encore, comment celui qui avait présidé aux destinées de l'Europe, n'était plus? les Turcs pleurèrent l'enfant de la fortune; et les Grecs, charmés de sa perte, parce qu'ils le regardaient comme un obstacle à leur affranchissement, poussèrent un cri de joie qui retentit jusqu'aux bords de la Néva.

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