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de la Hellade! que ses fontaines, ses ruisseaux, ses fleuves, ses riantes napées, rappelaient la mémoire de quelque fait historique; qu'ils étaient les descendants des soldats de Pyrrhus et d'Alexandre, la postérité des Doriens, et que l'homme qui veut illustrer son nom par un noble exploit, se tourne vers la Grèce pour y chercher ses modèles: ils se contentèrent de lui demander à genoux de daigner les couvrir de la protection puissante de S. M. B. (1). Ils prièrent en même temps le lieutenant-colonel de Bosset d'intercéder auprès de l'honorable lord, afin qu'il condescendît au désir qu'ils avaient de le posséder dans leur ville. Des lettres furent adressées, pour obtenir cette faveur, au secrétaire militaire, Frédéric Hankey.

Trois mois s'écoulèrent dans ces sortes de négociations, et chez tout autre peuple que dès Grecs accoutumés aux transitions brusques de l'espérance à la crainte, les Parguinotes, se seraient portés à quelque résolution extraordinaire. Mais protégés par le pavillon britannique, n'aspirant qu'à manger en paix, à l'ombre de leurs orangers, le pain acquis au prix de leurs sueurs; quoique peu enthousiastes de la protection qu'ils invoquaient, ils s'abandonnaient de nouveau, et avec reconnaissance, au calme, qu'on goûte si délicieusement après la tempête. Ils s'imaginaient même, ainsi qu'on l'a su depuis, qu'ils

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(1) Voy. Parga and the Ionian Islands, by lieut. col. C. P. de Bosset. Appendix N° XXII. XXIII. XXIV. a pag. 236. ad. 239.

étaient à jamais hors de tout danger, et qu'un puissant souverain était intervenu en leur faveur, lorsqu'une lettre du lord haut commissaire, adressée au lieutenant-colonel de Bosset, sous la date du 24 mars 1817, lui révéla les malheurs de Parga. Le principe de la cession de cette place et de son territoire à la Porte Ottomane, avait été conclu et signé par le ministre de la Grande-Bretagne à Constantinople (1).

(1) Voici textuellement les articles extraits de cette lettre :

1st. I entertain not doubt of any kind that his majesty, con ́nected with the treaty that took place at Paris the 5th of november 1815, and possibly on grounds of which I am not apprized, has come in to an agreement the city and district of Parga is, within a limited period, to be ceded to the Porte.

2d. I think I am fully authorised to state (indeed I have no doubt upon the occasion), that antecedent to such cession, all the inhabitants of the district of Parga, who may wish to emigrate, shall receive an equivalent for their houses and property, and be transported to the Ionian states without any expense to them.

3d. You may assure all the persons in Parga from me, that till these objects are obtained, no cession of the place shall take place.

4th. I think it can hardly occur, but you must impress upon the minds of the inhabitants of Parga in the deepest manner, that if, whilst we are stretching a point to obtain for them, not only the release of such persons as may wish to emigrate, but also the value of their property, they should presume by violence and bloodshed, to take the smallest relief into their own hands, their fate must then be left to themselves; and that I shall consider his majesty's govern

Cet acte perfide, d'après les promesses faites aux Parguinotes, au nom de l'Angleterre, pouvait cependant s'expliquer par sa conformité au traité du 21 mars 1800; et, comme on espérait voir remettre en vigueur ses dispositions, les hommes sensés portèrent la résignation jusqu'à se féliciter d'une pareille disposition (1). Ils se flattaient en conséquence que Pré

ment as perfectly relieved from that necessity, which at present exist, of interfering in their favour, not more for their advantage, than for the honour and character of the British government.

(1) Les îles Ioniennes, cédées à la France, en vertu du traité de Campo-Formio, avec leurs dépendances qui étaient Prévésa, Vonizza, Parga et Buthrotum, perdues par elle successivement en 1798 et 1799, furent constituées en république par le traité du 21 mars 1800, conclu entre la Russie et la Turquie. Suivant cet acte, la Russie, afin de tempérer le sacrifice qu'une aveugle politique lui dictait, stipula, pour les cantons de terre-ferme cédés au grand-seigneur, que leurs habitants, qui étaient chrétiens, ne ressortiraient jamais que de leurs tribunaux particuliers; que les droits de propriété et d'héritage seraient conservés et le commerce libre; que les Turcs ne pourraient jamais bátir de mosquées dans aucun des quatre cantons; que nul mahométan ne serait reçu à s'y établir, à l'exception d'un commissaire de cette nation, chargé de lever le tribut fixé par le sénat de Corfou, qu'il appartenait à la Porte d'encaisser; que la résidence de cet officier serait consentie par le sénat ionien, et sa révocation, en cas de malversation, serait ordonnée sur la demande dudit sénat.

Les choses étaient sur ce pied, lorsqu'à la fin de 1806, Ali pacha, informé de ce qui se passait à Constantinople, devanca la déclaration de guerre entre la Porte et la Russie, en commençant les hostilités par l'occupation de Prévésa, d'où il

vésa, Vonizza et Buthrótum, arrachés au joug cruel d'Ali pacha, renaîtraient du sein de leurs ruines, et que les chrétiens, rétablis dans leurs propriétés, obtiendraient le libre exercice de leur culte, ainsi que les avantages stipulés par le traité qu'on allait remettre en vigueur. Mais, quand on sut qu'il s'agissait d'une cession absolue, en toute souveraineté, on fut plongé dans la douleur. On venait d'envoyer à Janina M. John Cartwright, consul de S. M. B. à Patras, en qualité de commissaire, pour régler la vente des propriétés des Parguinotes, et traiter des conditions de leur émigration! Jamais acte pareil n'avait encore entaché la diplomatié européenne, accoutumée jusqu'alors à regarder chaque empiètement des Turcs sur les chrétiens comme autant de sacriléges. On se demanda à quel titre l'Angleterre, simple protectrice de l'heptarchie ionienne, était intervenue dans

chassa le vaivode du sultan. Il se préparait à envahir Parga, qui fut encore une fois redevable de son salut au comte Mocenigo et à M. Bénaki, l'un ministre et l'autre consul-général de Russie. Enfin, en 1807, la France ayant succédé aux droits de l'empereur Alexandre pour la protection des îles Ioniennes et de leurs dépendances, Ali pacha redemanda Parga. On lui répondit qu'on était prêt à remplir la teneur du traité du 21 mars 1800, pourvu que le vaivode fût rétabli sur le pied où il était avant la guerre. Rien n'était plus conforme aux intérêts de la Porte; mais son visir Ali, qui avait fait bâtir une mosquée à Prévésa, dont il avait spolié, déporté ou assassiné les habitants, voulant une cession à discrétion, qui aurait compromis la responsabilité de la France envers la Russie, on ne dut ni on ne put lui remettre Parga,

une pareille transaction? Quels étaient ses motifs pour contrevenir à la teneur du traité du 21 mars 1800? Quel droit elle avait de stipuler l'aliénation d'un territoire qui, s'il appartenait au gouvernement ionien, en était inséparable, et, dans le cas contraire, quel était son mandat pour agir au nom de ceux qui ne relevaient pas de son autorité? En agitant ces questions, on n'était pas moins surpris qu'indigné de l'empressement des agents de la Grande-Bretagne à complaire en tout aux volontés du visir Ali. A peine M. Cartwright avec son collègue Parish étaient-ils arrivés à Janina pour y conférer avec Hamed bey, délégué de la Porte, que le satrape s'était occupé à intercepter leur correspondance. Ils étaient sans s'en douter environnés d'espions, tandis que d'une main non moins criminelle il essayait de soulever les Parguinotes contre le gouvernement anglais. On ne tarda pas à recueillir les preuves de ces trames. Le lieutenant-colonel de Bosset en saisit tous les fils (1), et, sans sa surveillance, c'en était fait peut-être de la garnison anglaise et des habitants de Parga. Il découvrit, et il en a produit les preuves à la face de l'Europe, qu'Ali avait cherché à empoisonner l'eau de la fontaine Saint-Triphon et le pain destiné aux troupes. Ces faits étaient avoués et connus des commissaires anglais ainsi que du gouverneur Maitland:

(1) Voyez, pour tous ces faits, les pièces de l'ouvrage du colonel de Bosset, depuis le No xxvi, jusqu'au No LXII dans l'appendix de son ouvrage déja cité.

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