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CHAPITRE PREMIER.

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La duchesse de Berri à Blaye. Séance du 5 janvier. - Soupçons. - Duels. Déclaration du 22 février. M. Bugeaud remplace M. Chousserie à Blaye.

M. Deneux dans la prison. - Persécution; espionnage. Le roi et M. Ménière. — Voyage secret de M. de Choulot; il pénètre dans la prison. - Retour de M. de Choulot à Paris; son entrevue avec le roi. - Nuit du 9 mai. Voyage de Marie-Caroline à Palerme. · Situation du parti légitimiste. - La Cour de Entrevue de Charles X et de Marie

Prague.

Politique de l'Autriche. Caroline à Léoben.

La citadelle de Blaye s'élève sur la rive droite de la Gironde et domine une ville d'un aspect misérable et morne. Quelques rues formées par des casernes, une place d'armes, des magasins pour l'artillerie et le génie, voilà de quoi se compose l'intérieur de cette citadelle. Le sommet en est couronné par un vieux château que Roland construisit, dit une légende populaire, et où son corps fut déposé après la défaite de Roncevaux. Autour règne une terrasse qui n'a que dix ou douze pieds de large et qui est

de niveau avec le mur de revêtement. Du haut de cette espèce de parapet, sablé dans la plus grande partie de son étendue et coupé de distance en distance par des embrasures qu'on passe sur des plan

ches, le regard domine un immense horizon. A l'ouest, c'est le fleuve qui a dans cet endroit la majesté mélancolique de la mer; du nord à l'est et au sud, ce sont des coteaux couverts de vignes, de maisons de plaisance, de moulins, de fabriques. Le séjour de la citadelle est froid; les brises y sont dangereuses; les phthisiques y meurent vite.

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Ce fut là que le gouvernement fit conduire la duchesse de Berri; et toutes les mesures furent prises pour l'y retenir long-temps prisonnière. La place fut armée comme si l'ennemi eût campé aux portes. Les canons, montés sur leurs affûts et braqués, étaient munis de tout le matériel que réclamait leur service. Les portes Dauphine et Royale, les seules qui existent, furent rendues inabordables; et non loin de la citadelle, la corvette la Capricieuse vint jeter l'ancre dans les eaux de la Gironde, et former avec deux péniches une ligne de défense du côté du fleuve. Partout des factionnaires vigilants, partout le bruit et l'appareil des armes. La garnison, composée de plus de neuf cents hommes, fut consignée, et le service se fit aussi sévèrement que dans une ville assiégée. Le matin, à six heures, un coup de canon tiré de la citadelle et répété par la corvette, commandait l'ouverture des portes; puis les tambours battaient la diane, et d'intervalle en intervalle divers roulements se faisaient entendre, annonçant les devoirs de la vie militaire. Le soir, à six heures, un autre coup de canon retentissait, et l'on fermait les portes jusqu'au lendemain. La maison où la princesse était détenue fut entourée d'une double

rangée de palissades hautes de dix ou douze pieds; on grilla les conduits des cheminées; les croisées des appartements furent garnies de forts barreaux de fer, et la princesse ainsi que ses compagnons volontaires de captivité reçurent la défense, l'heure de la retraite une fois passée, de venir, à travers ces barreaux, respirer l'air du soir.

Ainsi soumise à une contrainte que la vivacité de son esprit lui rendait plus dure encore, et précipitée dans une prison où elle n'avait même plus les amers plaisirs de l'incertitude et les distractions de la lutte, Marie-Caroline sentit que son courage était moindre que son malheur. Son isolement, le visage composé de ses gardiens, l'aspect de la guerre autour de sa demeure nouvelle, les clameurs du soldat tour-à-tour joyeuses et menaçantes, et dans le silence de la nuit le qui-vive inquiet des sentinelles, tout cela la remplissait de trouble: sa captivité bientôt l'accabla.

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Pour en partager les rigueurs, M. de Mesnard et Mile Stylite de Kersabiec s'étaient d'abord présentés; mais, réclamés presqu'aussitôt après par les tribunaux de Montbrison et de Nantes, ils durent laisser à M. de Brissac et à M. d'Hautefort l'héritage de leur dévoûment. Quoiqu'estimés par la princesse, M. de Brissac et Mm d'Hautefort avaient une trop faible part dans sa confiance pour qu'elle s'ouvrît à eux de ses résolutions les plus graves; ils n'eurent point par conséquent à la guider par leurs conseils, mais ils contribuèrent à calmer son coeur.

me

Ses souffrances, toutefois, ne furent pas sans adoucissement, au moins dans les premiers jours.

Le colonel Chousserie avait une âme généreuse : il sut tempérer par sa courtoisie ce que l'accomplissement de son devoir présentait de rigoureux. D'ailleurs, on ignorait encore jusqu'à quel point la mère du duc de Bordeaux s'était rendue coupable, et elle recevait dans sa prison les preuves les plus consolantes de fidélité. De Genève, M. de Chateaubriand lui écrivit :

<< Madame,

« Vous me trouverez bien téméraire de venir vous importuner dans un pareil moment pour vous supplier de m'accorder une grâce, dernière ambition de ma vie je désirerais ardemment être choisi par vous au nombre de vos défenseurs. Je n'ai aucun titre personnel à la haute faveur que je sollicite auprès de vos grandeurs nouvelles; mais j'ose la demander en mémoire d'un prince dont vous daignâtes me nommer l'historien : je l'espère encore comme le prix du sang de ma famille. Mon frère eut la gloire de mourir avec son illustre aïeul, M. de Malesherbes, défenseur de Louis XVI, le même jour, à la même heure, pour la même cause et sur le même échafaud.

« CHATEAUBRIAND. »

Avant de quitter Nantes, et peu de temps après son arrestation, la duchesse de Berri avait déjà reçu d'autres témoignages de dévoûment, plus obscurs sans doute, mais non moins émouvants. Les demoiselles Duguigny ayant demandé la grâce de passer une journée auprès de celle qui avait eu un asile dans leur maison, Charlotte Moreau joignit à leur lettre les lignes suivantes : « Si madame n'en trouve < pas indigne une pauvre femme de chambre qui <l'a servie de tout son coeur, je sollicite la même « grâce que mes maîtresses. >>

Mais le moment approchait où tout allait manquer à la duchesse de Berri, même la fidélité de

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