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de celui de lord Palmerston, au bas d'un traité décoré d'un titre pompeux !

Cependant Rodil était entré en Portugal vers le milieu du mois d'avril (1834). Le 16 mai, il remporta la victoire d'Asseicerra, que la capitulation d'Evora suivit de près, et qui eut pour conséquence dernière l'embarquement de don Miguel et de don Carlos. Ce dernier serait tombé aux mains des Espagnols sans la protection des Anglais, qui le sauvèrent. Réfugié à Londres, où il trouva dans le parti aristocratique des encouragements et des secours, il ne tarda pas à en sortir furtivement, traversa incognito toute la France, passa les Pyrénées, et, se montrant tout-à-coup à ses partisans étonnés, leur rendit la confiance et l'espoir. Plus menacé que jamais, le gouvernement espagnol dut songer á étendre à l'Espagne le bénéfice du traité de la quadruple alliance. Mais, cette fois, l'Angleterre se montra extrêmement froide et réservée, car il ne s'agissait plus pour elle de protéger un royaume soumis à son influence immédiate. De son côté, le cabinet des Tuileries tremblait de s'engager dans une politique trop aventureuse. Ce ne fut donc pas sans difficulté que M. Martinez de la Rosa obtint de ces deux Puissances des articles additionnels portant: Que la première fournirait à l'Espagne des secours en armes et en munitions; et que la seconde veillerait à ce que des secours semblables ne fussent pas envoyés, du territoire français, aux insurgés espagnols 1.

Telle est la véritable histoire du fameux traité ' Voir aux documents historiques, no 9.

de la quadruple alliance. Des hommes qui n'en connaissaient même pas les clauses se prirent à en exagérer l'importance jusqu'au ridicule. A les entendre, ce n'était pas moins qu'une vaste et durable confédération des monarchies constitutionnelles dans un but vraiment européen; un contrepoids venait d'être trouvé à la Sainte-Alliance, à la vieille politique du Continent; l'ère de la diplomatie moderne venait de s'ouvrir. Si bien que, grâce aux commentaires de quelques gazetiers mal informés, grâce aux hâbleries de quelques diplomates à la suite, des proportions imposantes furent données à un traité de circonstance, qui ne réglait que des intérêts passagers, et qui n'avait évidemment ni portée, ni avenir. Mais ce qu'il y eut de plus extraordinaire, c'est que M. de Talleyrand atteignit, du coup, aux dernières limites de sa renommée. Dans une œuvre qui était si loin d'être la sienne, on ne manqua pas de voir le résultat de ses profondes méditations, le couronnement des travaux de sa vie diplomatique. Or, on lui avait fait dans la négociation une part si humble, si tardive, si conforme, en un mot, à sa médiocrité, que Louis-Philippe eut un moment le dessein d'en témoigner son humeur à M. de Miraflores, quand il fut question de décerner aux signataires du traité les distinctions honorifiques d'usage!

Au reste, cette alliance anglaise dont on lui attribuait, avec une emphase aussi niaise que mensongère, le mérite d'avoir formé les noeuds, M. de Talleyrand ne la prenait pas tellement à cœur qu'il ne fût disposé à la sacrifier aux premiers mouvements de son orgueil offensé; et nous le verrons, dans la

suite, fouler lui-même aux pieds ses prétendus titres à l'immortalité, tout simplement pour tirer vengeance de lord Palmerston, qui s'était plu à le faire attendre une heure dans son antichambre!

CHAPITRE VII.

Élections du mois de juin 1834. — Secrètes dissidences dans le Cabinet. → Latte sourde entre le maréchal Soult et M. Guizot. - Divisions dans le Conseil au sujet de M. Decazes et du duc de Bassano. — M. Thiers abandonne le maréchal Soult. Le roi, M. Guizot et M. Thiers au château d'Eu; le roi consent à là retraite du maréchal Soult et à son remplacement par le maréchal Gérard.➡ M. de Sémonville sacrifié au duc de Decazes. - Débats dans le Conseil sur la question de l'amnistie. - Dissidence entre M. Thiers et le maréchal Gérard. — Le Conseil se prononce contre l'amnistie; pourquoi. — Retraite du maréchal Gérard. - Crise ministérielle: intrigues diverses.- Combinaison proposée par M. Thiers. Le roi la repousse, en haine de M. de Broglie. - Dissolution du Cabinet. Scènes étranges qui en sont la suite. Ministère des trois jours. - De quelle manière il tombe; jugement qu'en porte le roi. Le ministère précédent revit sous la présidence du maréchal Mortier. - Interpellations à la Chambre. Ordre du jour motivé.

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La Chambre des députés avait été dissoute au moment même où la session venait d'expirer, et on avait dû procéder à des élections nouvelles. Or, le résultat n'en pouvait être douteux. Vaincu de la veille, le parti républicain n'obtint dans le corps électoral qu'un petit nombre de suffrages. Le gouvernement, au contraire, entrait en lice soutenu par l'éclat de sa récente victoire il eut pour lui tous les flatteurs du succès, race vile, partout trèsnombreuse, mais qui se distingue dans les monarchies par l'effronterie de sa bassesse.

Au reste, ce gouvernement, si fort en apparence, portait en lui des causes actives de dissolution. Et peut-être le lecteur nous saura-t-il gré de mettre ici au grand jour quelques scènes d'intérieur bien propres à montrer tout ce que renferme de mesquin et de misérable la vie sécrète des monarchies. Rien de plus triste et, souvent, rien de plus instructif que l'histoire de la puissance en déshabillé.

Dans le maréchal Soult, M. Guizot, d'accord en cela avec M. de Broglie, ne voyait qu'un soldat brutal, fier d'un renom que sa capacité ne justifiait pas, affectant un orgueil toujours mêlé de ruse, et grevant le budget outre mesure par les dispendieux caprices de son administration. De son côté, le maréchal Soult professait pour M. Guizot, M. de Broglie et les doctrinaires, le genre de dédain naturel à l'homme d'épée : il s'irritait de leur morgue, de leur talent surtout. Dans la lutte sourde née de ces antipathies, M. Thiers avait été long-temps, non pas l'allié du maréchal, mais son défenseur officieux. Car M. Thiers, tout plein des souvenirs de l'Empire, ne put jamais se défendre d'un certain respect pour l'uniforme. Malheureusement, le maréchal Soult avait le goût des subalternes, il aimait à s'entourer de courtisans obscurs. Et ceux-ci, pour se donner auprès de lui une importance, s'étudiaient à l'isoler dans le Conseil, en l'aigrissant contre tous ses collègues. Il en résulta, de sa part, une défiance qui enveloppa bientôt M. Thiers lui-même. Si bien qu'en peu de temps il se forma, dans le Cabinet, une sorte de ligue sous laquelle il était impossible le maréchal ne succombât point tôt ou tard.

que

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