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salubrité de la citadelle de Blaye, sur la convenance des distributions qui ont été faites, et des mesures qui ont été prises, afin que ce séjour ne devint pas nuisible à la santé de madame la duchesse de Berri; enfin sur son logement et sur les soins dont elle est l'objet.

Pour remplir la mission que vous nous avez confiée, nous croyons devoir vous entretenir successivement de la situation de la citadelle de Blaye, de l'habitation occupée par madame la duchesse de Berri, des lieux dans lesquels elle se promène, des aliments dont elle fait usage, et des soins dont elle est l'objet.

La citadelle de Blaye, située à 11 lieues N. de Bordeaux, est placée entre la ville de Blaye, qu'elle domine, et dont elle n'est en quelque sorte que le prolongement, et la rive droite de la Gironde; la hauteur est fort considérable, et son étendue assez grande pour qu'il soit impossible de la parcourir en moins de 20 à 25 minutes. L'air qu'on y respire est pur: et, quoiqu'assez vif sur les remparts, sa température n'est pas très-basse dans les autres points. Ainsi, le 25 et le 26 du mois dernier, pendant notre séjour, le thermomètre marquait à peine O dans les environs de l'habitation de madame la duchesse de Berri, tandis qu'il était au-dessous de ce degré à Paris. L'atmosphère était calme et sans nuage, même sur les remparts. Toutefois, nous avons appris qu'assez fréquemment il y régnait à certaines heures de la journée des vents et des brouillards, notamment sur les parties les plus élevées et les plus voisines de la Gironde; aussi avons-nous cru devoir conseiller à madame la duchesse de Berri de ne se promener dans ces parties de la citadelle que vers le milieu du jour, et de choisir de préférence les allées abritées. Au reste, malgré les inconvénients que nous signalons, il est impossible d'élever le moindre doute sur la salubrité de la forteresse de Blaye. La garnison, qui se compose d'environ 700 hommes, ne compte en ce moment que 22 malades, et encore plusieurs d'entre eux sont-ils atteints de scrofules et d'autres affections chroniques, d'abcès, etc., maladies sur la production desquelles le séjour de la citadelle ne peut avoir exercé aucune influence. Sans doute les personnes d'une faible constitution, celles qui sont disposées à contracter des catharres pulmonaires ou d'autres affections enflammatoires, et celles qui sont habituellement souffrantes, devront éviter, comme elles le feraient partout ailleurs, de sortir, et surtout de parcourir les remparts pendant que le temps est mauvais, à moins d'être parfaitement couvertes.

L'habitation occupée par madame la duchesse de Berri, située dans l'ancienne ville de Blaye, est à une distance notable du fleuve et dans un point de la citadelle bien au-dessous des remparts, quoique déjà assez élevé au-dessus du sol. Le corps de logis et les deux ailes dont elle se compose offrent un rez-de-chaussée et un étage; celui-ci sert de logement à la princesse et à deux des personnes qui lui sont attachées; les pièces qui en font partie, sans être vastes ni très-nombreuses, sont assez spacieuses et suffisamment aérées pour qu'il n'y ait aucun inconvénient à les habiter, d'autant plus qu'elles ne sont pas humides. Convenablement meublées, elles nous ont paru disposées de manière à ce que les habitants puissent être parfaitement garantis de toutes les vicissitudes atmosphériques. Un jardin planté d'arbres fruitiers, coupé par des plates

bandes en fleurs, par des allées sablées, et dont on pourrait évaluer l'étendue au quart ou peut-être au tiers de la cour du Louvre, est immédiatement annexé à l'appartement de madame la duchesse de Berri, et lui. offre une promenade commode, ayant un point de vue très-étendu sur le cours de la Gironde, et dont elle peut disposer entièrement à son gré, à toute heure du jour. Indépendamment de ce jardin, la princesse a à sa disposition, pour se promener, toute l'étendue de la citadelle, dans laquelle des mouvements de terrain multipliés, et des contre-allées sablées, situées en face au-dessous des remparts, lui donnent un abri contre les vents. Sur le point le plus élevé du rempart de la citadelle, on achève ence moment un pavillon destiné à servir de repos à madame la duchesse de Berri, à la soustraire à l'influence des vents et des orages, et propre à la faire jouir d'un horizon immense, tant sur le cours du fleuve que sur la campagne environnante.

Pour juger de la nature des aliments dont la princesse fait usage, et de la manière dont ils sont préparés, nous avons dû visiter la cuisine peu de temps avant le moment ou le dîner allait être servi; nous avons pu constater qu'ils étaient de bonne qualité, apprêtés avec soin et même avec recherche.

Relativement aux soins dont madame la duchesse de Berri est l'objet, nous pouvons affirmer d'après ce que nous avons vu, et d'après ce qui nous a été dit, qu'elle est traitée avec les plus grands égards, et qu'il nous a paru que rien n'était omis de ce qui pouvait adoucir sa position. L'exposé qui précède nous porte à conclure que dans l'état de captivité où est madame la duchesse de Berri, aucun autre lieu susceptible de pareille destination ne pourrait lui offrir des conditions plus salubres.

Nous sommes avec respect, Monsieur le ministre,

Vos très-humbles et très-obéissants serviteurs,
ORFILA, PIERRE AUVITY,

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RAPPORT SUR LA SANTÉ DE LA DUCHESSE DE BERRI.

Les soussignés, après avoir pris les renseignements relatifs aux circonstances commémoratives de la santé de madame la duchesse de Berri, et soumis à un examen attentif l'état actuel de S. A. R., résument de la manière suivante les résultats de leurs observations:

L'état des organes respiratoires offre des indices d'une lésion grave. La toux est fréquente, presque continuelle; elle a augmenté depuis quelque temps; elle est saccadée, sèche, accompagnée d'une douleur avec chaleur dans le centre de la poitrine depuis le larynx jusqu'à l'épigastre. Il y a gêne de la respiration. A l'aide de l'auscultation, on distingue à la partie postérieure et gauche du thorax, un râle muqueux. Le pouls est fréquent, la peau présente le soir un peu de chaleur, et se couvre, pendant la nuit, d'une sueur légère. De ces phénomènes, il suit que les

poumons sont le siége d'une irritation vive et profonde, ayant déjà produit probal.lement des tubercules à l'état de crudité susceptibles de prendre un accroissement plus ou moins rapide.

Les fonctions d gestives sont dans un état assez satisfaisant. Cependant il y a peu d'appétit, des borborysmes, de la constipation.

La région de la rate est sensible à la pression et on remarque un léger accroissement du volume de ce viscère.

Relativement aux organes génitaux, voici ce que l'on observe : une tumeur arrondie, globuleuse, existe dans l'hypogastre et s'élève jusqu'à l'ombilie; elle est molle et offre de l'élasticité. Au rapport de madame la duchesse de Berri, cette tumeur a été le siége de mouvements obscurs depuis le mois de janvier. L'oreille appliquée sur cette partie ne distingue point de battements dépendants de l'existence d'un fœtus. Le toucher fait reconnaître que le col de l'utérus est un peu élevé, incliné en arrière, ramolli, entre-ouvert; le doigt rencontre à la partie antérieure du sommet du vagin, une tumeur large, molle, fluctueuse, et en exerçant une pression de bas en haut, tandis que la main gauche déprime la région hypogastrique, on distingue un ballottement assez évident. La suppression des règles date du 21 septembre dernier; d'après la déclaration verbale de madame la duchesse de Berri, l'état de grossesse présumée daterait de la fin du mois d'août. Cette déclaration et les phénomènes ci-dessus énoncés donnent des probabilités de l'existence d'une gestation, mais ne peuvent constituer à cet égard une certitude. Il est en outre à remarquer que les mamelles ne sont que peu développées.

Il résulte des faits précédents, que l'état des poumons mérite une sérieuse attention; et dans la circonstance présente leur disposition morbide réclame des précautions plus grandes que dans les cas ordinaires. En supposant, en effet, l'existence d'une grossesse, il serait à craindre, comme le prouve l'expérience, qu'après l'accouchement, les symptômes de l'affection pulmonaire ne prissent un développement rapide et funeste. Afin de prévenir, en attendant cette époque, un accroissement fâcheux de la maladie, on usera des moyens suivants :

10 Un excitoire sera établi à l'un des bras.

2o On continuera l'emploi du lait de chèvre.

3o Une décoction légère de lichen d'Islande sera donnée par tasses et édulcorée avec le sirop de mou de veau.

4. Un régime adoucissant et léger sera toujours suivi.

50 I importera de procurer à madame la duchesse de Berri la faculté de se rapprocher le plus tôt possible de son pays natal, dont la température paraît devoir être plus favorable au rétablissement de sa santé ; et si cette décision salutaire était prise, il serait à désirer qu'elle fût exécutée avant le terme de la grossesse présumée, dans la crainte qu'après l'accouchement, les symptômes de l'affection pulmonaire ne fissent des progrès trop rapides pour permettre un voyage quelconque. Ce conseil doit avoir d'autant plus de poids que l'état moral de madame la duchesse de Berri ne peut aujourd'hui que recevoir des impressions de plus en plus funestes par l'effet d'une détention prolongée.

A la citadelle de Blaye, le 1er mars 1833.

P, Menière, J. Pourgu, GraceĻoup, E. Gintrać, Gaichraç.

N° 4.

PROCÈS-VERBAL DE L'ACCOUCHEMENT DE LA

DUCHESSE DE BERRI.

L'an mil huit cent trente-trois, le dix mai, à trois heures et demie du matin,

Nous soussignés, Thomas-Robert Bugeaud, membre de la Chambre des députés, maréchal-de-camp, commandant supérieur de Blaye;

Antoine Dubois, professeur honoraire à la Faculté de médecine de Paris;

Charles-François Marchand-Dubreuil, sous-préfet de l'arrondissement de Blaye;

Daniel-Théotime Pastoureau, président du tribunal de première instance de Blaye;

Pierre Nadaud, procureur du roi près le même tribunal;

Guillaume Bellon, président du tribunal de commerce, adjoint au maire de Blaye;

Charles Bordes, commandant de la garde nationale de Blaye;
Elie Descrambes, curé de Blaye;

Pierre-Camille Delord, commandant de la place de Blaye ;

Claude-Olivier Dufresne, commissaire civil du gouvernement à la citadelle;

Témoins appelés à la requête du général Bugeaud, à l'effet d'assister à l'accouchement de S. A. R. Marie-Caroline, princesse des Deux-Siciles, duchesse de Berri;

(MM. Merlet, maire de Blaye, et Regnier, juge de paix, témoins également désignés, se trouvant momentanément à la campagne, n'ont pu être prévenus à temps.)

Nous nous sommes transportés dans la citadelle de Blaye, et dans la maison habitée par S. A. R.; nous avons été introduits dans un salon qui précède une chambre dans laquelle la princesse se trouvait couchée.

M. le docteur Dubois, M. le général Bugeaud et M. Delord, commandant de la place, étaient dans le salon dès les premières douleurs; ils ont déclaré aux autres témoins que madame la duchesse de Berri venait d'accoucher à trois heures vingt minutes, après de très-courtes douleurs ; qu'ils l'avaient vue accouchant, et recevant les soins de MM. les docteurs Deneux et Menière; M. Dubois étant resté dans l'appartement jusqu'après la sortie de l'enfant.

M. le général Bugeaud est entré demander à madame la duchesse si elle voulait recevoir les témoins; elle a répondu : « Oui, aussitôt qu'on aura nettoyé et habillé l'enfant. »>

Quelques instants après, madame d'Hautefort s'est présentée dans le salon, en invitant, de la part de la duchesse, les témoins à entrer, et nous sommes immédiatement entrés.

Nous avons trouvé la duchesse de Berri couchée dans son lit, ayant un enfant nouveau-né à sa gauche; aux pieds de son lit était assise

madame d'Hautefort, madame Hansler; MM. Deneux et Ménière étaient debout à la tête du lit.

M. le président Pastoureau s'est approché de la princesse, et lui a adressé à haute voix les questions suivantes :

<< Est-ce à madame la duchesse de Berri que j'ai l'honneur de parler? « Oui.

« Vous êtes bien madame la duchesse de Berri?

« Oui, Monsieur.

<< L'enfant nouveau-né qui est auprès de vous est-il le vôtre?

« Oui, Monsieur, cet enfant est de moi.

<< De quel sexe est-il?

« Il est du sexe féminin. J'ai d'ailleurs chargé M. Deneux d'en faire la « déclaration. >>

Et à l'instant Louis-Charles Deneux, docteur en médecine, ex-professeur de clinique d'accouchement de la Faculté de Paris, membre titulaire de l'Académie royale de médecine, a fait la déclaration suivante :

« Je viens d'accoucher madame la duchesse de Berri, ici présente, « épouse en légitime mariage du comte Hector Lucchesi-Palli, des princes << de Campo-Franco, gentilhomme de la chambre du roi des Deux-Siciles, « domicilié à Palerme. »

M. le comte de Brissac et madame la comtesse d'Hautefort, interpellés par nous s'ils signeraient la relation de ce dont ils ont été témoins, ont répondu qu'ils étaient venus ici pour donner leurs soins à la duchesse de Berri comme amis, mais non pour signer un acte quelconque.

De tout quoi nous avons dressé le présent procès-verbal en triple expédition, dont l'une a été déposée en notre présence aux archives de la citadelle; les deux autres ont été remises à M. le général Bugeaud, gouverneur, que nous avons chargé de les adresser au gouvernement, et avons signé après lecture fait, les jour, mois et an que dessus. Signé, DENEUX; A. DUBOIS; P. Menière, D. M. P.; Bugeaud; DESCRAMBES, curé de Blaye; MARCHAND-Dubreuil; Bellon; PASTOUREAU; NADAUD; BORDes; Delord; O. Dufresne.

Extrait des registres des actes de naissance de la ville de Blaye, département de la Gironde.

Aujourd'hui dix mai mil huit cent trente-trois, à midi, nous AndréVictor Merlet, maire de la ville de Blaye, officier de l'état civil, nous sommes présenté, sur la demande de M. le général Bugeaud, avons été introduit dans la chambre à coucher de S. A. R. Marie-Caroline, princesse des Deux-Siciles, duchesse de Berri, dans laquelle se trouvait M. LouisCharles Deneux, docteur en médecine, etc., accoucheur ordinaire de madame la duchesse de Berri, âgé de soixante-cinq ans, domicilié à Paris, rue Saint Guillaume, no 36, dixième arrondissement, de présent à la citadelle de Blaye ;

Lequel nous a présenté un enfant nouveau-né, que nous avons reconnu être du sexe féminin, et nous a déclaré, en présence de madame la duchesse de Berri, et auprès de son lit, « que son Altesse royale « Marie-Caroline, duchesse de Berri, épouse en légitime mariage du

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