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plus généreux et les défenseurs les plus intrépides. Or, c'est pour nous un devoir de conscience, et nous le remplissons avec une orgueilleuse satisfaction, de déclarer à la face du monde que jusqu'à ce moment vous vous êtes montrés dignes de la cause sainte à laquelle vous avez dévoué votre liberté et votre vie, et que vous avez répondu noblement à l'attente de tous les hommes libres. On vous avait empêchés de communiquer entre vous et avec vos conseils, et, sous la seule inspiration de vos consciences, vous avez agi et parlé comme un seul homme; on vous a refusé les défenseurs, et vous avez refusé les juges; on a éloigné de vous vos femmes, vos enfans, vos amis, et votre énergie a grandi dans la solitude; on a posé des baïonnettes sur vos poitrines, et vos poitrines se sont raidies sous la pointe des baïonnettes; on a voulu mutiler la défense, et vous n'avez pas voulu être défendus; on a essayé d'une voix honteuse de vous accuser à la face du pays, et vous, d'une voix haute et fière, vous avez accusé vos accusateurs; on vous a arrachés par la violence de la présence de vos juges, et vous avez en partant fait trembler vos juges sur leurs siéges par la mâle énergie de votre langage; en un mot, dans cette circonstance comme toujours, vous vous êtes oubliés entièrement vous-mêmes pour ne vous souvenir que des principes d'éternelle justice que vous êtes appelés à faire triompher. Honneur à vous !

Quant à nous, jaloux aussi d'accomplir notre devoir, et voulant vous continuer jusqu'au dénoûment la loyale assistance de notre zèle, de notre expérience et de nos profondes sympathies, nous nous sommes constitués en permanence. Nous suivons avec l'intérêt le plus vif, avec l'anxiété la plus fraternelle, des débats auxquels nous regrettons de n'avoir pu prendre une part plus active. Nous sommes prêts à nous rendre au poste d'honneur que vous nous avez confié, aussitôt que nous pourrons le faire avec dignité pour le parti, avec avantage pour vous, c'est-à-dire dès que la défense sera ce qu'elle doit être, libre et entière; et dans tous les cas nous ne cesserons d'exercer sur les décisions de vos prétendus juges un contrôle actif, énergique et de tous les instants. Le système de violence proposé par les gens du roi et adopté par la Chambre des pairs ne s'était révélé jusqu'ici qu'avec une sorte de honteuse timidité; aujourd'hui il s'est manifesté à tous les regards par l'emploi de la force brutale, par votre expulsion de la barre de la Cour à l'aide de la violence. On avait commencé par exclure les défenseurs, maintenant c'est vous qu'on veut exclure; on voulait vous entendre en l'absence de vos conseils, maintenant on veut vous juger en votre propre absence. Laissez faire ceci n'est pas de la justice, c'est la guerre civile qui se continue au sein de la paix et dans le sanctuaire même des lois.

Persévérez, citoyens; montrez-vous, comme par le passé, calmes, fiers, énergiques; vous êtes les défenseurs du droit commun; ce que vous voulez, la France le veut; tous les partis, toutes les opinions généreuses le veulent; la France ne verra jamais des juges où il n'y a pas de défenseurs. Sans doute, au point où les choses en sont venues, la Cour des pairs continuera à marcher dans les voies fatales où le pouvoir l'entraîne, et, après vous avoir mis dans l'impuissance de

vous défendre, elle aura le triste courage de vous condamner. Vous accepterez avec une noble résignation cette nouvelle iniquité ajoutée à tant d'autres iniquités : l'infamie du juge fait la gloire de l'accusé, dans tous les temps et dans tous les pays, ceux qui, de près ou de loin, par haine ou par faiblesse, se sont associés à des actes d'une justice sauvage, ont encouru la haine de leurs contemporains et l'exécration de la postérité.

Salut et fraternité.

(Voir, pour les signataires, les noms des défenseurs, au no 12.)

N° 16.

ARRÊT DU 18 JUILLET 1835,

La Cour des pairs: ouï M. le procureur-général en son réquisitoire : Vu le procès-verbal dressé par l'huissier Sajou, le 11 de ce mois, constatant la rébellion de plusieurs des accusés et leur refus de se présenter à l'audience;

Vu l'arrêt rendu par la Cour le 9 du mois dernier ;

Attendu que les accusés dénommés dans cet arrêt ont été confrontés avec les témoins tant à charge qu'à décharge; qu'ils ont entendu les dépositions desdits témoins, qu'ils ont discuté on pu discuter en ce qui les concernait; qu'ils ont présenté ou pu présenter leurs moyens de défense sur les faits de l'accusation;

Qu'ainsi le réquisitoire du ministère public, tendant à continuer les débats en l'absence des accusés rebelles qui refusent de présenter leurs moyens de défense, peut être admis, sans qu'ils en éprouvent aucun préjudice, puisqu'ils pourront toujours être entendus;

Attendu que la rébellion des accusés et leur refus de prendre part aux débats et de présenter leurs moyens de défense ne sauraient arrêter le cours de la justice;

Ordonnons que M. le procureur-général, après avoir fait constater le refus des accusés de se présenter à l'audience, présentera, même en l'absence des accusés, son réquisitoire, lequel sera déposé sur le bureau de la Cour et signifié à chaque accusé ;

Ordonne que lorsque le réquisitoire du ministère public aura été entendu, les accusés absents seront de nouveau sommés de se présenter devant la Cour, et faute par eux d'obéir à cette sommation, ordonnons qu'il sera même en leur absence passé outre au jugement;

Ordonne en outre que si la rébellion se renouvelle, et présente encore le degré de gravité dont on a donné le scandale, il en sera dressé procèsverbal pour être, par la Cour, statué ce qu'il appartiendra ;

Donné acte à M le procureur-général de ses réserves, à raison des faits de rébellion qui ont été constatés.

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