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rêts, a le droit de faire exécuter, à son profit, l'arrêt qui les prononce. D'une part, en effet, la prescription pénale ne lui est pas opposable (C. inst. cr., art. 642); d'autre part, le titre, en vertu duquel elle agit, est désormais définitif. Mais la partie civile peut-elle, pendant les délais de la prescription de la peine, alors que la condamnation n'est pas irrévocable, faire saisir et vendre les biens du contumax et se faire colloquer, dans une contribution ou un ordre ouvert sur ces biens? Je n'hésite pas à lui reconnaître ce droit. A la vérité, tout arrêt de contumace est provisoire; la représentation ou l'arrestation du condamné l'anéantit de plein droit, et il ne devient irrévocable que par l'expiration du délai de la prescription. Aussi, l'exécution des condamnations pénales, au moins des condamnations corporelles, est suspendue; mais il n'en est pas de même à l'égard des condamnations civiles. Quant à ces dernières, l'arrêt doit être considéré comme une décision rendue sous une condition résolutoire, celle de la représentation ou de l'arrestation du condamné dans un délai déterminé; et cette condition ne suspend point l'exécution de l'arrêt, elle oblige seulement la partie civile à restituer ce qu'elle a reçu dans le cas où l'événement conditionnel se réalise ". Si cette manière de voir est admise, il en résulte que les condamnations civiles prononcées par contumace commencent à se prescrire à la date de l'arrêt, car, dès ce jour, elles peuvent être exécutées par la partie civile.

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17 V. sur cette question, mon article: Questions pratiques sur la contumace (Rev. crit., 1878, p. 369 à 383). — L'art. 96 du Code pénal belge a prévu la question et l'a résolue dans le sens indiqué: il décide, en effet, que les condamnations civiles se prescriront, « à compter de la date de l'arrêt, si elles ont été prononcées par contumace ». Comp. : HAUS, t. II, no 1027.

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81.

79. La grâce. L'amnistie. La réhabilitation. 80. Nature de l'amnistie. Justification de cette mesure. - 82. L'amnistie ne peut être accordée que par une loi. - 83. Le droit d'interpréter la loi d'amnistie appartient aux tribunaux. - 84. Effets de l'amnistie. 85. Particulièrement au point de vue des conséquences disciplinaires que l'infraction ou la condamnation a pu produire. - 86. La loi d'amnistie peut étendre, au regard des tiers, les effets de cet 87. Mais elle peut les amoindrir. 88. Nature de la grâce. - 89. La grâce est accordée par le Chef de l'État. 90. Prérogatives comprises 92. La grâce ne peut être

acte.

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dans le droit de grâce. 91. Effets de la grâce.
refusée. 93. Exercice et exécution du droit de grâce.

79. Lorsqu'une infraction a été commise, le pouvoir social peut, par des motifs de justice ou d'intérêt, renoncer, en totalité ou en partie, au droit qui lui appartient, soit de poursuivre le coupable, soit de mettre à exécution la condamnation prononcée contre lui. Dans ce but, tantôt le pouvoir social empêche ou arrête la poursuite, ou efface la condamnation; tantôt, il accorde une remise, une réduction, une commutation de peine; tantôt, il fait cesser les incapacités prononcées par les juges ou attachées par la loi à certaines condamnations. Dans tous ces cas, on dit, en prenant cette expression dans un sens large, que le pouvoir fait grâce; mais, suivant sa portée, ses effets et son but, la grâce prend le nom d'amnistie, de grâce proprement dite, ou de réhabilitation.

La grâce et l'amnistie ne sont pas organisées par nos Codes criminels. Elles appartiennent à cette catégorie d'institutions qui n'ont pas encore été systématisées. C'est à peine si leur nom est prononcé dans certaines de nos lois pénales (C. p., art. 47; C. inst. cr., art. 619). La réhabilitation fait, au contraire, l'objet du chapitre IV du titre VII du livre II du Code d'instruction criminelle (art. 619 à 634). Nous nous occuperons, dans ce paragraphe, de la grâce et de l'amnistie, réservant l'étude de la réhabilitation pour le paragraphe suivant.

80. L'amnistie (Lex oblivionis, quam Græci aμvotíav vocant)

est un acte du pouvoir social qui a pour objet et pour résultat de mettre en oubli certaines infractions et, en conséquence, d'abolir les poursuites faites ou à faire, ou les condamnations prononcées à raison de ces infractions. L'amnistie intervient donc, soit avant, soit après la condamnation; mais, dans les deux cas, elle efface tout ce qui s'est passé avant elle, elle supprime l'infraction, la poursuite, le jugement, tout ce qui peut être détruit, et ne s'arrête que devant l'impossibilité du fait : « Quod factum est, infectum reddere non potest ».

On disait, dans l'ancien droit, que le souverain accordait des « lettres d'abolition générale », terme énergique qui exprime bien le caractère d'une mesure d'amnistie. 1° D'une part, en effet, toutes les conséquences juridiques de l'infraction sont rétroactivement abolies, il n'y a que les conséquences de fait qu'elle a pu produire qui sont nécessairement maintenues'; 2o D'autre part, l'amnistie, surtout dans un système de législation où elle ne peut être accordée que par une loi, a pour objet, non un fait ou des faits isolés, mais tous les délits d'un genre déterminé, quels qu'en soient les auteurs, les délits de presse, par exemple, les délits politiques, commis dans telle période; elle s'accorde donc, non à des individus dénommés, mais à des personnes désignées seulement par le genre d'infractions qu'elles ont commises.

81. Le droit d'amnistie, qui a été reconnu de tout temps et partout, se justifie par l'utilité qu'il peut y avoir pour la société de mettre en oubli certains faits, de sorte que, quand cette utilité existe, l'une des deux causes fondamentales du droit de punir venant à manquer, ce droit même cesse d'exister.

82. En théorie, c'est une question délicate que celle de

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§ LXXX. Ainsi, il a été décidé, à bon droit, par le conseil de préfecture de la Seine, que, si l'amnistie a pour effet d'effacer les conséquences de la condamnation et de restituer la capacité civile et politique, elle ne peut attribuer rétroactivement au condamné une résidence de fait qui lui serait nécessaire pour être éligible arrêté du 4 nov. 1879 (Humbert). Comp., sur ce point, la discussion qui a eu lieu à la Chambre des députés, à propos d'une question de M. TAILLANDIER: Journ. off. du 25 déc. 1880, p. 12860. V. Albert DESJARDINS, Rev. crit., 1881, t. XI, p. 98.

savoir si l'amnistie doit être un acte du pouvoir législatif ou du pouvoir exécutif. Si on examine la question uniquement au point de vue des principes, on n'hésitera pas à revendiquer le droit d'amnistie pour le pouvoir législatif. L'amnistie, en effet, a pour résultat d'abroger la loi dans un cas spécial, de lui imposer silence; or, une loi ne peut être abrogée que par une loi. Mais si on examine la question au point de vue de l'intérêt social, on sera tenté de revendiquer, au contraire, le droit d'amnistie pour le pouvoir exécutif : car, l'amnistie, qui est une mesure d'apaisement, outre qu'elle deviendra une arme de guerre entre les mains de l'opposition, ne produira pas les effets qu'on en attend, si elle doit être soumise au contrôle du pouvoir législatif et être précédée d'une discussion publique, souvent longue et toujours passionnée.

En fait, le droit d'amnistie a été exercé, autrefois, par le Roi, qui concentrait, en ses mains, tous les pouvoirs, le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. Notre ancienne jurisprudence offre de nombreux exemples de lettres d'abolition générales, qui ne sont autre chose que des déclarations d'amnistie2, et, par lesquelles le Roi met en oubli telle catégorie d'infractions ou les infractions commises dans telle ville, telle province, et interdit toute recherche à ce sujet. Dans le droit intermédiaire, l'institution de l'amnistie, conservée après l'abolition de la grâce, fut remise entre les mains des assemblées législatives qui en usèrent fréquemment. Sous les pouvoirs monarchiques divers qui ont précédé la République de 1848, l'amnistie ne fut réglementée par aucun texte précis; mais, en fait, le droit de l'accorder fut reconnu au Chef du pouvoir exécutif. Ce fut la constitution du 4 novembre 1848 qui, la première, organisa cette institution, en décidant, dans son article 55, que l'amnistie ne serait accordée que par une loi. Le sénatusconsulte des 25 et 30 décembre 1852 attribua, au contraire, à l'Empereur le droit d'accorder des amnisties. Enfin, le dernier état de notre législation sur ce point se trouve dans l'article 3

2 Cfr. ROUSSEAUD DE LA COMBE, Matière criminelle, ch. 14, no 22; Jousse, op. cit., t. II, no 78; MUYART DE VOUGLANS, op. cit., part. III, chap. IV, p.

de la loi constitutionnelle du 25 février 1875, ainsi conçu : « Il (le Président de la République) a le droit de faire grâce; les amnisties ne peuvent être accordées que par une loi3 ». Depuis le vote des lois constitutionnelles de 1875, le pouvoir législatif a usé de son droit à plusieurs reprises*.

83. Le droit d'appliquer et d'interpréter un acte d'amnistie est, comme celui d'appliquer et d'interpréter les lois, dévolu à l'autorité judiciaire. Par suite, en cas de débat sur la portée d'une amnistie, soit au point de vue des faits auxquels elle s'applique, soit au point de vue des personnes qui y sont comprises, c'est au tribunal, devant lequel la question se posera, à la résoudre, en s'inspirant du caractère même et de l'esprit de la mesure d'amnistie.

84. Les effets de l'amnistie doivent être examinés à un double point de vue en ce qui concerne les conséquences pénales et en ce qui concerne les conséquences civiles de l'infraction, objet de cette mesure.

A. Au premier point de vue, l'amnistie éteint l'action publique, si elle intervient avant qu'une condamnation irrévocable ait été prononcée; elle efface cette condamnation, si elle intervient après. - L'action publique est éteinte3, de telle sorte que les personnes comprises dans l'acte d'amnistie ne peuvent renoncer à son bénéfice et demander leur mise en jugement: l'amnistie s'impose donc, car on ne peut concevoir l'intérêt qu'aurait une personne à rappeler le souvenir d'une infraction que le pouvoir social tient pour oubliée. La condamnation irrévocable est

3 La loi du 17 juin 1871 avait déjà posé la même règle.

Lois du 2 avril 1878; du 3 mars 1879; du 16 mars 1880; du 11 juillet 1880; du 29 juillet 1881.

5 En conséquence, le jugement doit être considéré comme anéanti tant qu'il n'est pas devenu définitif et il n'y a plus lieu pour la Cour de cassation à statuer sur le pourvoi : Cass., 12 mai 1870 (D. 70.1.283).

6 La Cour de cassation a hésité sur cette question. Un arrêt du 25 novembre 1826 (S. 28.2.69) décide «< que l'amnistie est une faveur que des prévenus, qui soutiennent n'avoir commis aucun délit, sont libres ne pas invoquer ». Mais un arrêt du 10 juin 1831 déclare, avec plus de raison, « que les ordonnances d'amnistie ayant pour but et pour résultat de ramener la concorde dans la société, les tribunaux ne peuvent se dispenser de les appliquer Comp., dans le même sens : Cass., 22 janv. et 12 mai 1870 (S. 70.1.324).

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