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Le roi revient, et n'a pas tort
D'enrager de ce beau ménage;
Il aime une none bien fort,
Et prêche à son fils d'être sage.

De bons morceaux, par-ci par-là,
Adoucissent un peu cela;
Bien des gens ont crié merveilles,
J'ai fort crié de mon côté ;
Mais comment faire? En vérité,

Les vers m'écorchaient les oreilles.

Lorsque d'Assezan fit imprimer cette pièce, que nous avons mise sous le nom de Boyer, il y joignit une préface, où il reprend fièrement ses droits sur cette tragédie, et l'abbé Boyer garda le silence; ce qui rendit le public très-incertain sur le véritable auteur de la tragédie d'Aga

memnon.

AGAMEMNON, tragédie en cinq actes, en vers, de M. Lemercier, au Théâtre de la République, 1797.

Agamemnon, vainqueur des Troyens, rentre dans ses états, suivi de la prophétesse Cassandre, devenue son esclave. Mais qu'y trouve-t-il? Clytemnestre adultère; Egiste, usurpateur de son lit et de son trône. Ce prince coupable, irrité d'un retour qui doit nuire à son amour et à son ambition, veut leur immoler Agamemnon. Pour y engager Clytemnestre, il lui dépeint Cassandre comme une rivale dangereuse, qui règne déjà sur le cœur du roi. Le fils d'Atrée, instruit de tout par Cassandre qui prévoit leur sort commun, fait arrêter Egiste, le condamne à l'exil et le fait conduire au port. Mais ce prince trouve le moyen de revenir de nuit au palais, d'armer ses amis, et de parler à Clytemnestre. Dans cette scène ad

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mirable, où il s'agit pour Egiste de faire assassiner Agamemnon par son épouse, l'auteur s'est montré digne de .son sujet. Egiste triomphe: Clytemnestre, qu'il arme d'un poignard, entre dans l'appartement où reposait Agamemnon; et bientôt un cri de douleur annonce que le crime est consommé. Cependant Cassandre mourante arrive sur la scène en criant qu'on sauve Oreste. L'enfant paraît. Clytemnestre, bourrelée de remords, veut s'en emparer; on le lui arrache, elle s'écrie: Ah! rendezmoi mon fils!-Et toi, rends-lui son père ! lui répond Cassandre, qui bientôt dévoile toute la trame ourdie par Egiste et Clytemnestre, déclare qu'elle meurt empoisonnée par leurs mains, et finit la pièce par ce vers adressé à Clytemnestre:

Et je vais à Minos demander ton supplice.

Cette tragédie fourmille de beautés : le dénouement même, où la vertu succombe et le vice triomphe, n'est qu'une beauté de plus. On voit, il est vrai, Egiste et Clytemnestre maîtres de satisfaire à loisir leur ambition et leur amour. Mais n'entendez-vous pas Cassandre, cette Cassandre dont les oracles ne doivent être crus qu'à l'heure de sa mort, leur prédire le destin affreux qui les attend? Ne voyez-vous pas cet Oreste, qu'elle désigne pour son vengeur et celui d'Agamemnon, laver dans le sang des coupables leurs exécrables forfaits? Oui, le spectateur les voit, les entend, et ne quitte la scène que certain de leur supplice. N'est-ce pas là se tirer, en maître consommé, d'une difficulté vraiment embarassante? Eh! quelles espérances ne devait pas faire justement concevoir un auteur, qui avait produit, à l'âge de vingt-cinq ans, un aussi bel ouvrage!

AGAR DANS LE DÉSERT, drame en un acte, ea prose, de Mad. de Genlis, non-représenté.

Cette pièce est du genre le plus pathetique. Agar, répu diée par Abraham, se trouve dans une affreuse solitude, où il n'y a ni ruisseaux, ni fontaines; l'air y est brûlant, et la soif dévore les voyageurs; elle n'a pour toute res source qu'un vase, qui contient encore un peu d'eau qu'elle réserve pour son fils. Accablée de lassitude et de douleur, elle étend Ismaël à l'ombre d'un buisson, se met auprès de lui, et place le vase à ses pieds; après quelques instans, elle s'aperçoit que le soleil donne sur la tête de son fils; elle veut lui former un abri avec une branche, se lève et fait un mouvement, qui renverse le vase et répand l'eau; elle retombe alors sous le poids de ses maux : son fils se réveille mourant de soif, et implore une goutte d'eau de sa pitié. Qu'on juge du désespoir de cette mère malheureuse, et de la ferveur de la prière qu'elle adresse à Dieu. Elle se jette du côté de son fils, le visage caché. Après un long silence, on entend une symphonie douce ; la toile du fond se lève, et l'on découvre un ange sur un nuage, une palme à la main. Le théâtre change, et représente un paysage, orné de fleurs et de fruits. Agar croit long-tems son fils mort: il ouvre enfin les yeux. L'ange touche la terre avec sa palme, et il en jaillit une fontaine abondante. La pièce finit par cette belle morale, que l'ange adresse à Agar: Que votre exemple, lui dit-il, serve à jamais de leçon qu'il corrige les murmures des mortels insensés ; et qu'ils apprennent que Dieu sait récompenser la patience, la soumission,le courage et la vertu. Ce petit drame nous semble parfait en son genre; l'intérêt y croît de scène en scène. Ce seul ressort du vase répandu porte la pitié et la terreur au plus haut degré ;

le dénouement enfin délivre le spectateur ou le lecteur du poids qui l'oppresse, et le laisse satisfait.

AGARITE, tragi-comédie de Durval, 1635.

Fontenelle a dit de cet auteur ancien et obscur : le sieur Durval, dans la préface de son Agarite, se réjouit aux dépens de ces pauvres règles de l'unité du lieu, et des vingt-quatre heures. Il s'en moque de tout son cœur ; c'est une chose curieuse de voir, combien il est vif et agréable sur cette matière. On fit ce vers pour caractériser le génie de ce poète:

Durval est ténébreux; il aime le cercueil.

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AGATHINE ou LA FILLE NATURELLE, comédie en cinq actes, en vers, de M. Lourdet de Santerre, par les comédiens français, au Théâtre-Feydeau, 1795. Un fonds romanesque, une double intrigue, des scènes très longues et un échafaudage continuel de sentimens héroïques, et de lieux communs, firent seuls le succès de cet ouvrage, improprement nommé comédie, et tout au plus digne du titre de drame.

AGATHOCLE, tragédie en cinq actes, en vers.

Le 31 mai 1779, anniversaire de la mort de Voltaire, on représenta pour la première fois Agathocle, la dernière tragédie de ce grand homme. Elle fut précédée du discours suivant, prononcé par Brizard:

Messieurs, la perte irréparable que le théâtre et la France ont faite l'année dernière, et dont le triste anniversaire yous rassemble aujourd'hui, a ete, depuis cette fatale époque, l'objet continuel de vos regrets. Vous avez eu du moins la consolation de voir ce que l'Europe a de plus grand et de plus auguste, partager un sentiment

si digne de vous; et les honneurs, que vous venez rendre à cette ombre illustre, vont encore satisfaire et soulager à la fois votre juste douleur. Pour donner à cette cérémonie funèbre tout l'éclat qu'elle mérite et que vous désirez, nous avions pensé d'abord à remettre sous vos yeux quelqu'une des tragédies, dont M. de Voltaire a si long-tems enrichi la scène, et que vous venez si souvent admirer. Mais, dans ce jour de deuil, où le premier besoin de vos cœurs est de déplorer la perte de ce grand homme, nous croyons ajouter à l'intérêt qu'elle vous inspire, en vous présentant la pièce qu'il vous destinait, quand la mort est venue terminer sa glorieuse carrière. Vous voyez, sans doute avec attendrissement, l'auteur de Zaïre et de Mérope, recueillant tout ce qu'il avait de force et de courage, pour s'occuper encore de vos plaisirs, au moment où vous alliez le perdre pour jamais. Vous connaîtrez tout le prix qu'il mettait à vos suffrages, par les efforts qu'il faisait même aux bords du tombeau, pour les mériter; efforts qui peut-être ont abrégé une vie si précieuse. Le peuple d'Athènes, entouré de chefs-d'œuvre, que lui laissaient en mourant les artistes célèbres, semblait, au moment de leurs obsèques, arrêter ses regards avec moins d'intérêt sur leurs productions sublimes, que sur les ouvrages, auxquels ces hommes rares travaillaient encore, lorsqu'ils étaient enlevés à la patrie. Les yeux pénétrans de leurs concitoyens lisaient, dans ces respectables restes, toute la pensée du génie quiles avait conçus : ils y voyaient encore attachée la main expirante qui n'avait pu les finir; et cette douloureuse image leur en rendait plus cher l'illustre compatriote qu'ils ne possédaient plus, mais qui jusqu'à la fin de sa vie avait tant fait pour eux. Vous imitez, Messieurs, cette nation reconnaissante et sensible, en

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