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ces injustes prétentions, des femmes, qui semblent avoir oublié, que leur seule faiblesse leur donne des droits à ce respect et à ces égards, qu'elles exigent souvent avec une hauteur ridicule. Il se plaint de la lâcheté des hommes de lettres, qui, pour flatter un sexe, dont le suffrage est si nécessaire à leur réputation, attribuent aux femmes les qualités des hommes, les présentent, dans les romans et dans les pièces de théâtre, comme autant d'héroïnes, eţ mettent des guerrières sur la scène.

Les sots, dit le même auteur, applaudissent avec fureur un rôle qui les ravale, non parce que la femme a du courage, mais parce qu'ils montrent toute leur bassesse, toute leur poltronnerie, en témoignant leur joie de ce qu'elle en a pour eux. J'aime beaucoup mieux le trait arrivé dans une ville de province, où l'on ne représente des comédies que par hasard, lorsque quelque troupe de comédiens s'égare par-là. On y donna, pour première pièce, les Amazones modernes, parce que les acteurs la savaient cinq à six jeunes bourgeois, pleins de vigueur et de courage, étaient au balcon: indignés de voir des femmes combattre, ils sautent des loges sur le théâtre, se mettent devant elles, et chassent à grands coups leurs ennemis. Ils se retournent ensuite glorieux, en leur disant: à présent, faites tranquillement vos affaires, mesdemoiselles, et ne craignez rien; s'ils reviennent, ils auront affaire à nous, et ils regrimpèrent à leurs loges. Les actrices furent obligées de s'avancer, de faire une harangue aux jeunes gens, et de leur expliquer que telle était la scène. En ce cas-là, il fallait en donner une autre, répondirent-ils; car celle que vous jouez-là nous est insupportable.

C'est un préjugé reçu et accrédité aujourd'hui dans la bonne compagnie, que les femmes sont aussi propres à

toutes les sciences que les hommes, et qu'elles pourraient exercer avec succès les mêmes fonctions, si on leur donnait la même éducation : la physique, la géométrie, l'algèbre, la chymie, les langues savantes sont aujourd'hui leurs amusemens du matin ; les femmes sont le soutien des athénées, des lycées, des académies; et, dans toutes ces assemblées littéraires, ce sont elles qui donnent le ton; les gens de lettres qui dînent chez elles, les savans qui ont besoin de leur crédit, affectent de s'extasier sur leur génie, sur leurs talens, sur leur étonnante pénétration; et ces femmes si pénétrantes 'ne se doutent jamais qu'on les flatte par intérêt, et qu'intérieurement on se moque d'elles. AMAZONES (les), tragédie de Madame du Boccage,

1749.

Orithie, reine des Amazones, avait vaincu les Scythes, et Thésée lui-même qui les avait suivis à la guerre. On le prend, on l'emmène captif à la cour de la Reine. Il s'était laissé enflammer par les charmes de la princesse Antiope: la Reine devient éprise pour lui de l'amour le plus violent. C'était une loi,parmi les Amazones, d'immoler leurs captifs au dieu Mars: Ménalippe, leur Générale,voulait qu'on hâtât ce sacrifice; mais la victime était trop chère, pour qu'on ne trouvât pas des raisons de le différer. Cependant, Orithie s'aperçoit qu'Antiope est sa rivale; elle en témoigne son chagrin à Thésée; et, sur l'aveu que celui-ci lui fait de son amour pour la princesse, elle ne cherche plus à s'op. poser à sa mort. Déjà l'on se dispose à obéir à la loi: un bûcher s'élève et l'on conduit le captif au lieu du supplice mais une armée d'Athéniens vient aussitôt l'en délivrer. Thésée se met à leur tête, défait l'armée des Amazones, et entre victorieux dans le palais de la Reine. Orithie ne peut survivre au double affront de voir ses feux

:

méprisés, et sa rivale heureuse; elle laisse son trône a Ménalippe, se donne la mort ; et Thésée épouse Antiope.

Quand l'Auteur livra son ouvrage à l'impression, le galant Fontenelle demanda d'en être le censeur,pour avoir le plaisir de lui donner publiquement son approbation, conçue en ces termes : J'ai lu cette pièce où l'on voit, avec beaucoup de plaisir, les Amazones guerrières, si bien représentées par une autre illustre Amazone du Parnasse.

Madame du Boccage, qui jouissait de trente-cinq à quarante mille livres de revenu, fit present de sa pièce aux comédiens. On prétendit même, dans le tems, qu'elle avait fait la galanterie de deux habits aux deux principales actrices de la tragédie.

On fit sur cette pièce l'épigramme suivante :

Sur cet essai tragi-comique,

Où Paris en foule a couru,

Savez vous, dit certain caustique,

Le jugement qu'on a rendu ?

Sur l'Helicon du Boccage a paru :
Des mises aussitôt la troupe l'environne;
Et de la pièce à peine un acte est entendu,
Qu'Apollon ennuyé relègue l'Amazone,
Au fond du Paradis perdu.

AMBIGU-COMIQUE (l'), ou LES AMOURS DE DIDON et D'ÉNÉE, tragédie de Montfleury, en trois actes, mêlée d'intermèdes comiques, dont chacun renferme un sujet séparé. Ces sujets sont le Nouveau Marié, Don Pasquin d'Avalos et le Semblable à soi-même, 1673.

Dans le premier, M. Vilain refuse de donner à sa nonvelle épouse, et à ceux que son mariage a rassemblés, le divertissement d'une comédie; il prend de-là occasion de

faire la critique de ces sortes d'amusemens; mais son beaupère lui amène une troupe de comédiens, et la pièce commence. Cet acte est donc plutôt un prologue qu'un inter

mède.

Une soubrette, qui prend la place de sa maîtresse, pour recevoir un époux futur qui ne la connaît pas ; des discours libres, une grossesse supposée, un projêt de mariage, tel est le fonds du second intermède, intitulé: Don Pasquin d'Avalos.

Le Semblable à soi-même forme le titre du dernier. Certain Bailli de village se propose d'épouser Lucie, nièce de Thibaut. Il a pour rival Cléante; et, pour savoir ce qui se passe chez sa maîtresse, il suppose un voyage, et reparaît aussitôt sous le nom de son fière. Il est logé chez Thibaut; mais ce qu'il y voit le fait renoncer au projet d'épouser Lucie. Ces petites pièces offrent quelques scènes amusantes ; et la dernière, un tissu assez ingenieux.

On a cru trouver quelque ressemblance entre la Didon de Montfleury et celle de Lefranc. Quant aux intermèdes, comme Montfleury avait été en Espagne, il y avait pris le goût de mêler le comique au tragique, parce que ce mélange etait fort en usage parmi les auteurs espagnols.

AMBITIEUX et L'INDISCRETTE (1), tragi-comédie en cinq actes, en vers, de Destouches, jouée par les Comediens Français, sans avoir été affichée, en 1737.

Destouches ayant présenté cette pièce aux comédiens, ils la reçurent unanimement, et se hàtèrent de la representer. On la porta tout de suite au lieutenant de Police, qui crut y trouver quelques allusions, et ne voulut pas prendre sur lui de permettre qu'on la jouât. M. De....... était pour lors Garde des Sceaux; on prétendit qu'il était un de ceux qui

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s'y opposaient le plus. Destouches employa tous ses amis, pour obtenir qu'il lui fût permis de donner sa pièce. Les comédiens, qui se flattaient d'en tirer un profit considérable, se joignirent à lui; mais, malgré leurs efforts, il y eut défense de la représenter. Ils l'avaient presque oubliée, lorsque leurs espérances se réveillèrent par la disgrâce du Garde

des Sceaux. Ils firent de nouveaux efforts. Mademoiselle Quinault, surtout, employa tout son crédit. Ils réussirent enfin; et la pièce passa, avec quelques changemens. Le - public témoigna un empressement incroyable pour la voir. Les comédiens, qui avaient habilement répandu qu'ils la joueraient sous une fausse affiche, attirèrent chez eux, pendant quelque tems, un concours prodigieux de specta— teurs. La pièce à la fin parut, et eut peu de succès.

Mademoiselle Dangeville jouait le rôle de l'Indiscrette, à la première représentation de cette comédie. Destouches, qui craignait pour un monologue et quelques traits dans le cinquième acte, voulait les supprimer. Donnez-vous en bien de garde, lui dit mademoiselle Dangeville; je vous réponds que ce monologue et ces traits seront fort applaudis. En effet, elle joua le tout avec un naturel, des grâces et une naïveté, qui décidèrent la réussite, et triomphèrent de tous les efforts de la cabale.

AMBITION. Cette passion, ayant été pour plusieurs hommes une source de vertus, de crimes et de malheurs, est devenue un ressort digne de la tragédie: mais, pour être vraiment théâtrale, elle a besoin de se proposer les plus grands objets. Un ambitieux, qui n'a que des petits motifs, est indigne de paraître sur la scène tragique. Félix, qui dans Polyeucte n'aspire qu'à une plus grande faveur auprès de son maître, et qui pour l'obtenir exige une bas

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