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parmi les filles du village. Ce dernier avantage. surtout est bien précieux ; mais, par un de ces raffinemens de délicatesse, qui n'existent plus et qui n'ont peut-être jamais existé, Prosper s'éloigne, pour débarrasser son ami d'un rival. L'amitié de Vincent ne le cède en rien à celle de Prosper, et le prix semble nul à ses yeux, s'il ne le partage avec son ami. C'est ce partage qui termine en effet ce combat et la pièce.

Cet ouvrage, long et monotone, ne comporte qu'un mince intérêt. La musique, quoique de Philidor, a été étouffée sous le poids des paroles.

AMITIÉ RIVALE (l'), comédie en vers, en cinq actes, de Fagan, aux Français, 1733.

Acante, amant de Mélite et ami de Clarice, est sur le point d'épouser sa maîtresse; mais il s'aperçoit que cet hymen va désespérer Clarice, dont l'amitié est au fonds un amour très-réel. Acante, pour ne point hâter l'infortune de son amie, retarde son propre bonheur. Tel est le nœud de cette intrigue. L'auteur y a joint quelques accessoires, qui ne sauvent point la froide uniformité de cette comédie. Il avoue lui-même qu'elle est dans le genre larmoyant; c'est un défaut, puisqu'elle ne mène pas jusqu'aux larmes. Cependant les scènes, où Clarice peint si bien son amour, en ne croyant peindre que l'amitié, ont quelque chose qui touche et qui intéresse.

AMI VRAI (l'), comédie en un acte et en prose.

Le fils de madame Melcourt aime une jeune cousine, que sa mère déteste, on ne sait pourquoi, puisqu'elle ne l'a jamais vue. Il a introduit sa maîtresse auprès de sa mère, en qualité de femme de chambre, et s'est vú forcé

de mettre un ami dans son secret. Cet ami feint d'être épris des charmes de la fausse soubrette, et fait part à madame Melcourt du dessein qu'il a formé de l'épouser. Celle-ci, que les qualités de la jeune personne ont séduite, en fait un éloge pompeux, et approuve le mariage. Bientôt tout se découvre ; et madame Melcourt alors revient de son injuste prévention, et consent au mariage des amans. Ces moyens sont usés; en général, l'ouvrage est rempli de longueurs.

AMOUR. Les anciens ont mis peu d'amour dans leurs tragédies. Phèdre est presque la seule pièce de l'anti

vité, où l'amour joue un grand rôle et soit vraiment théâtral. Dans Alceste, il est plutôt un devoir qu'une passion. Les Grecs ne se sont jamais avisés de faire entrer l'amour dans des sujets aussi terribles qu'Edipe, Électre, Iphigénie en Tauride; au surplus, ils n'avaient point de comédiennes. Les rôles de femmes étaient joués par des hommes masqués; et il semble que l'amour eût été ridicule dans leur bouche.

Chez les Romains, il n'occupa guère que la scène comique. Il est étonnant que la Didon de Virgile n'ait point appris aux poëtes, combien l'amour pourrait devenir terrible et théâtral. Peut-être l'était-il dans la Médée d'Ovide, si l'on en juge par son grand succès, et surtout par la manière dont il a traité cette passion, dáns plusieurs endroits des Métamorphoses. L'épisode de Myrrha et de Cynire est un modèle, que Racine a imité dans Phèdre, et surtout dans la confidence de Phèdre à Enone. Le peu d'amour, qui se trouve dans les pièces de Sénèque, est froid et déclamateur. Le Cid espagnol fut la première pièce, parmi les modernes, où l'amour

fût digne de la scène tragique. C'est-là que Corneille apprit le grand art de l'opposer au devoir, et créa un nouveau genre de tragédie. Mais ce poëte illustre ayant depuis contracté l'habitude de le faire entrer dans des intrigues peu dramatiques, où même il ne tenait que le second rang, il devint languissant et froid. Enfin Racine parut, et Hermione, Roxane et Phèdre apprirent comment il fallait traiter l'amour.

Les grands effets, qu'il produisit au théâtre, firent croire qu'une pièce ne pouvait s'y soutenir sans lui. On le fit entrer dans des sujets, où il était absolument étranger, Corneille, dans ses discours sur l'art dramatique, recommande de ne donner à l'amour que la seconde place, et de céder la première aux autres passions. Fontenelle, intéressé à étendre les principes de son oncle, fit de cet usage un précepte dans sa poétique, Racine n'avait encore rien écrit; on crut Fontenelle, appuyé du grand nom de son oncle. Dès-lors, l'on ne vit plus sur la scène tragique que de fades romans dialogués; et des auteurs, qui semblaient n'avoir pas besoin de cette ressource, l'introduisirent dans des sujets, auxquels il était totalement étranger, Enfin Voltaire, après avoir, malgré lui, payé le tribut au goût de son siècle dans Edipe, fit voir dans Zaïre, Alzire, Adélaïde, etc,, que l'amour au théâtre doit être terrible, passionné, accompagné de remords; qu'il doit surtout avoir la première place. Il faut que l'amour conduise aux malheurs et aux crimes, pour faire voir combien il est dangereux; ou que la vertu en triomphe, pour montrer qu'il n'est invincible. Sans cela, ce n'est qu'un amour d'élogue pas ou de comédie.

Si l'on est forcé de ne lui donner que la seconde place,

alors il faut imiter Racine, dans l'art difficile de le rendre intéressant, par des développemens délicats du cœur humain, par des nuances fines, et surtout par un style correct et soutenu.

Pour que l'amour soit intéressant, il faut que le spectateur le suppose extrême; que ce sentiment subsiste depuis long-tems; qu'il ne soit pas né devant le public, comme dans les pièces de la Grange-Chancel et de quelques autres, où des princesses deviennent amoureuses, pour avoir vu le héros un moment. Il faut aussi que l'on n'aime pas une femme uniquement pour sa beauté.

On a remarqué que l'on ne s'intéresse jamais sur la scène à un amant, qu'on est sûr de voir rebuté. Pourquoi Oreste intéresse-t-il dans Andromaque? C'est que Racine a eu le grand art de faire espérer qu'Oreste serait aimé. Un amant, toujours rebuté par sa maîtresse, l'est toujours par le spectateur, à moins qu'il ne respire la fureur et la vengeance.

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On ne s'intéresse jamais non plus aux amans fidèles sans succès et sans espoir, qui, comme Antiochus dans Bérénice, disent:

Je pars fidèle encor, quand je n'espère plus.

C'était une idée prise dans la galanterie ridicule des quinzième et seizième siècles. (Voyez GALANTERIE.)

Il existe des personnages qu'il ne faut jamais représenter amoureux; les grands hommes, comme Alexandre, César, Scipion, Caton, Cicéron, parce que c'est les avilir; et les méchans hommes, parce que l'amour, dans une âme féroce, ne peut jamais être qu'une passion grossière, qui révolte au lieu de toucher; à moins qu'un

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tel caractère ne soit attendri et changé par une passion. qui le subjugue.

Si l'on introduit m ambitieux qui soit obligé de parler d'amour, qu'il en parle conformément à son caractère: qu'il fasse servir l'amour-même à ses desseins, comme Assur, on Catilina dans Rome sauvée. Surtout qu'il ne vienne point parler de son amour en sortant de commettre quelque forfait, moins par amour que par ambition. Si u Oreste produit un si grand effet, quand il revient devant Hermione, après avoir assassiné Pyrrhus par ses ordres, c'est qu'il a été aveuglé par l'amour, et qu'il va être déchiré de remords.

La passion du héros doit paraître dans tous ses discours, et dans toutes ses actions; mais il ne doit jamais raisonner d'amour, comme dans les pièces de Pierre Corneille et de son frère.

Une scène d'amans heureux doit passer fort vite; et une scène d'amans malheureux, qui appuient sur toutes les circonstances de leur malheur, peut être assez longue sans ennuyer. L'attention n'a plus rien à faire avec des gens satisfaits; elle les abandonne, à moins qu'elle n'ait lieu de prévoir qu'ils tomberont bientôt dans le malheur. Alors ce contraste diversifie très-agréablement le spectacle qu'on offre à l'esprit, et les passions qui agitent le cœur.

AMOUR DANS LA COMÉDIE. Il y est beaucoup plus à sa place, et personne ne l'a j'amais contesté. S'il ne joue pas un grand rôle dans les pièces d'Aristophane, c'est, sans doute, parce que l'auteur, occupé à faire sans cesse la satyre du gouvernement et de ses concitoyens, ne s'est point amusé à peindre les symptômes

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