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l'Amour conjugal n'était pas propre au théâtre ; cette opinion était sans doute fondée sur ce que la possession refroidit les désirs, et que les sentimens du devoir ne sauraient être aussi vifs, que ceux qui sont irrités par la défense. Si l'expérience du théâtre a souvent confirmé ce préjugé, ce n'est pas à la nature, c'est aux poëtes qu'il faut s'en prendre. Ou ils n'ont pas mis les époux dans des situations assez fortes, pour déployer une passion vive, ou ils n'ont pas mis dans leurs discours les sentimens de delicatesse, et la chaleur qu'ils prodiguaient dans les discours des Amans. En un mot, ils ont moins fait sentir la passion que le devoir; et il est vrai que ce n'est pas assez. Ils pouvaient bien par-là gagner l'approbation, exciter même l'admiration, mais non pas cette pitié qui fait entrer, pour ainsi dire, toute l'âme du spectateur dans les intérêts du personnage. Si l'on accorde l'excès de la passion avec les règles étroites du devoir; si deux personnes sont l'une à l'autre par sentiment, ce qu'elles doivent être par vertu ; si leurs discours et leurs actions sont tout ensemble passionnés et raisonnables, on intéressera beaucoup plus que par des mouvemens déréglés. En effet, l'on porte au théâtre une raison et un cœur. Il faut satisfaire l'un et l'autre. Si les acteurs agissent par vertu, voilà notre sensibilité exercée; mais, si la passion et la vertu sont d'accord, voilà tous nos désirs remplis.

Il est étonnant que les modernes aient été prévenus si long-tems contre l'Amour conjugal. L'Alceste d'Euripide aurait dû leur apprendre, qu'il pouvait devenir touchant et dramatique. Le mauvais succès de Pertharite fit croire quelque tems que l'Amour conjugal, très-respectable d'ailleurs dans la société, n'était point recevable sur la scène.

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Ce fut la tragédie de Manlius, par la Fosse, qui attaqua la première ce préjugé ridicule. On fut touché de l'amour de Valérie pour son époux, de la tendresse héroïque de ses sentimens, du respect qu'elle mêle à son amour, enfin du ménagement, avec lequel elle sonde le cœur de son époux, pour y rappeler la vertu, et pour assurer son bonheur et sa vie.

Le concours de ces sentimens forme un caractère, si passionné et si raisonnable tout ensemble, que, malgré la terreur, qui domine dans la pièce, on sent encore une espèce de joie à la vue d'une héroïne, en qui la passion et le devoir ne sont qu'une même passion.

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Si l'Amour doit être réciproque entre les amans, cette règle acquiert un nouveau degré de force, relativement à l'Amour entre les époux. Si l'un des deux n'était pas aimé autant qu'il aime, il en serait, en quelque sorte, avili, et' l'autre paraîtrait injuste. Il faut qu'ils soient tous deux dignes de ce qu'ils font l'un pour l'autre ; et le témoignage ; mutuel qu'ils se rendent devient, pour le spectateur, le, gage assuré de ce qu'ils ont d'intéressant et d'estimable.

Le grand succès d'Inès de Castro ́fit tomber pour jamais le préjugé contre l'Amour conjugal; mais il n'en parut pas moins difficile à traiter, puisqu'il ne s'est guères montré depuis sur la scène, jusqu'à l'Orphelin de la Chine, où Voltaire a fait voir une femme, qui a épousé son mari dans un tems, où elle aurait aimé un amant, qui depuis est devenu son maître, et à qui elle déclare qu'elle aimerait mieux mourir, que de lui' sacrifier un époux qu'elle chérit et respecte. Si ces beautés sont moins touchantes, elles sont aussi d'un genre plus difficile et plus délicat, et prouvent que l'Amour conjugal fera toujours

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grand plaisir an theatre, quand la situation sera vive, et qu'elle sera traitée avec art.

AMOUR CONJUGAL (1'), on L'HEUREUSE CRÉDULITÉ, comédie en un acte et en prose, aux Italiens, 1781.

Un grave président et sa vieille femme s'opposent au mariage de leur neveu avec une jolie pupille; mais, pour les punir de leur ridicule obstination, le valet, qui est dans les intérêts du jeune homme, persuade au président que l'amour du neveu pour Rosalie n'est qu'une feinte, et qu'il est réellement amoureux de la présidente. Le rusé valet en fait croire autant à la présidente. Il fait plus, il fait entendre au mari que le neveu va enlever sa femme; et à celle-ci, que son mari doit enlever Rosalie. La jalousie et ses tourmens amènent la catastrophe. Le valet, tout en avouant ses fourberies, fait sentir aux deux époux les chagrins, que leur résistance, a causés aux deux amans. On trouve des scènes comiques dans ce léger ouvrage.

AMOUR DIABLE (l'), comédie en un acte, en vers, de le Grand, avec un divertissement, au Théâtre-Français, 1708.

Un lutin amoureux, qui faisait grand bruit à Paris, en 1708, a fourni le sujet de cette pièce. Léandre, amant d'Hortense, y contrefait le Diable, et vient à bout, par ce moyen, d'obliger le père de cette fille, grand alchimiste, à la lui donner en mariage, et à renoncer au grand œuvre. Ce caractère, de chercheur d'or, fournit une ample matière au ridicule et à la plaisanterie. On a fait, dans le tems, la critique de cette pièce en ce peu de mots: Le » père est un fou; la fille, une effrontée; l'enfant, un li» bertin; le precepteur, un ivrogne; l'amant, un subor» neur; la mère même fait assez voir qu'elle ne vaut pas

grand'chose, puisqu'elle se soucie peu que son mari soit

au diable ».

AMOUR et la FOLIE (l'), opéra comique en trois actes, de M. Desfontaines et de M***, au Théâtre -Italien, 1782.

Les garçons et les filles d'un village sont en mésintelligence, quand arrive l'Amour, qui, au moyen d'un élixir, veut réconcilier tous les cœurs. Jeunes, vieilles, toutes en boivent, et toutes en ressentent les effets; alors, survient la Folie, qui reconnaît l'Amour ; on s'agace, on se querelle, on se donne même un rendez-vous, pour se battre en champ clos. Du premier coup qu'a reçu l'Amour, il est devenu aveugle; alors, Mercure, sous les traits d'un bailli de village, assemble les villageois, pour juger le procès entre l'Amour et la Folie; et, attendu que le susdit bailli a lieu de se plaindre de l'un et de l'autre, il les condamne à devenir insépa¬ rables, et enjoint à la Folie de servir de guide à l'Amour. Cette pièce, tirée d'un conte de Lafontaine, a obtenu un succès décidé.

AMOUR et la RAISON (l'), comédie en un acte et en prose, par M. Pigault le Brun, au Théâtre Français de la rue Feydeau, 1798.

Il est souvent arrivé que des pièces, jouées dans l'origine sur les petits Théâtres, ont ensuite obtenu beaucoup de succès sur les grands: de ce nombre,est celle de l'Amour et la Raison, qui, jouée dans l'origine sur les bou levards, fut ensuite jugée digne,par les comédiens français, de figurer sur leur répertoire.

Le culte exclusif, qu'ils rendaient alors à Marivaux, ne leur permettait pas de laisser dans l'oubli une pièce faite, à sa manière. Tous ceux, qui connaissent celle de l'Amour et

la Raison, conviennent qu'elle a beaucoup d'analogie avec

les ouvrages de cet auteur ; c'est-à-dire, que le fonds et le comique sont nuls, mais qu'elle est dialoguée avec beaucoup d'esprit, et que les scènes en sont parfaitement filées.

AMOUR et la VÉRITÉ (l'), comédie en trois actes, en prose, de Marivaux, aux Italiens, 1720, non imprimée. Marivaux dit, en sortant d'une loge, où il était incognito à la représentation de cette comédie, qui n'eut point de succès : qu'elle l'avait plus ennuyé qu'un autre, attendu qu'il en était l'auteur.

'AMOUR et l'INNOCENCE (l'), opéra comique en un acte, par Favart et Verrière, à la foire Saint-Laurent, 1738.

L'Amour, conduit par le Plaisir dans le séjour de l'Innocence, y rencontre d'abord la Curiosité, qui lui offre son savoir-faire. Elle va chercher l'Innocence; cette dernière parait, examine le carquois et les flèches de l'Amour,et danse avec lui; la Délicatesse se joint à l'Amour; ce dieu profite de ce moment, fait une déclaration en forme, et l'Innocence se rend à ses désirs..

AMOUR et l'INTÉRÊT (1'), comédie en trois actes, en prose, par Fabre d'Églantine, au Theatre de Monsieur, 1789, et au Théâtre-Français, 1791.

Julie, jeune veuve sensible et jalouse, est sur le point d'épouser le chevalier de Beauchesne; mais la jalousie lui persuade qu'il fait la cour à Hortense ; un mot d'explication eût tout raccommodé; mais il eût fini la pièce; comme ce n'etait pas l'intention de l'auteur, il prête à Julie un frère avide et rusé, qui, désolé de voir passer en

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