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pleinement leurs éloges. Les Intenti de Padoue, (tel est le nom que prennent les académiciens de cette ville), l'aggrégèrent à leur corps. En reconnaissance de cette distinction honorable, Isabelle Andreini n'omit jamais entre ses titres celui d'Academica Intenta. Elle avait un avantage particulier, qui ne se rencontre pas toujours dans les meilleures actrices; elle était très-belle: sa beauté et sa voix charmaient les yeux et les oreilles de ceux qui la voyaient et l'entendaient. Au bas de son portrait on mit l'inscription suivante;

Hos histrica eloquentiæ caput, lector, admiraris;
Quid, si auditor fieres !

Lecteur, vous admirez cette tête de l'éloquence théâtrale; que serait-ce, si vous l'entendiez !

Le cardinal Cinthio Aldobrandini, neveu de Clément VIII, avait beaucoup d'estime pour elle, comme on le voit par plusieurs des poésies d'Isabelle Andreini. Quand elle alla en France, elle fut très-bien accueillie du roi et de la reine, et de toutes les personnes de la plus haute qualité de la Cour. Elle mourut d'une fausse couche, à Lyon, en 1604. Son mari, François Andreini, la fit enterrer dans cette ville, et lui composa l'épitaphe suivante;

Isabelle Andreini de Padoue, femme de beaucoup de vertu et d'honneur, la gloire de la chasteté conjugale, célèbre par son éloquence, par la fertilité de son esprit, religieuse, l'amie des muses et l'ornement du théâtre, gît ici dans l'attente de la résurrection.

François Andreini a érigé, avec beaucoup de tristesse, ce monument à sa mémoire.

Cette actrice ayant été universellement regrettée, il y cut

plusieurs élégies latines et italiennes, composées en son

honneur.

ANDRIENNE (l'), comédie de Térence, traduite en rimes françaises, par Desperrières, 1537.

Lorsque Térence alla présenter son Andrienne à l'Ê lilo de Rome, ce magistrat, qui était à table, lui fit signe de la lire; mais, à peine en eut-il entendu quelques vers qu'il fit placer l'affranchi sur son lit, l'accabla de politesses, et ne voulut achever d'entendre la lecture qu'après le

repas,

Cette comédie, en cinq actes et en vers, traduite ou imitée de Térence, fut jouée pour la première fois avec le plus. grand succès, en 1696, sous le nom de Baron; elle est imprimée dans le théâtre de ce fameux comédien. Mais on l'attribua, dans le tems au Père de la Rue; et bien des gens la croient encore de ce jésuite. Collé, en refaisant cette pièce, a rapproché nos mœurs de celles des Athéniens, dont néanmoins il s'est bien gardé de trop s'éloigner. Ce rapprochement, ce ton des honnêtes gens de nos jours, qui manquait à la vieille Andrienne, jette sur ce drame un air de fraîcheur et de naturel, qui en augmente la vraisemblance. Collé a donné aussi plus de développement à tous les caractères de cette comédie ; il a rendu ceux des pères plus mâles et plus nobles: Glycérie a plus de tendresse et de sensibilité; elle est plus intéressante; Pamphile, son amant, est plus vif et plus passionné ; il n'est pas jusqu'au rôle, anciennement glacial, de Carin, qu'il n'ait animé. Criton lui-même a une sorte de dignité et de chaleur; Collé lui a fait perdre sa tiède insipidité; enfin, il

même ennobli, autant qu'il le pouvait, les rôles de

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Dave et de Mysis, sans altérer les plaisanteries, la naïveté et le comique de ces deux rôles.

n'a

ANDRIEUX (M.) s'est acquis une juste célébrité dans la carrière dramatique ; et ses ouvrages occupent un rang distingué, après ceux de nos grands comiques. S'il pas comme eux le talent de l'invention, le vis comica, qui fait à-la-fois le mérite et le charme de leurs ouvrages, sa muse enjouée, et sa touche fine et spirituelle lui assurent le suffrage des vrais connaisseurs. Il suffit, pour s'en convaincre, de voir les Étourdis, et, en général, les productions de ce poète agréable.

ANDROMAQUE, tragédie de Racine, 1667.

Y eut-il jamais un sujet mieux choisi, mieux traité et aussi généralement applaudi que celui d'Andromaque ? cependant, quelle pièce a jamais été attaquée, critiquée déchirée avec plus d'acharnement et de fureur? Malgré l'envie, la malignité et la cabale, elle a triomphé. Elle arrachait des larmes à ceux-mêmes, qui faisaient le plus d'efforts pour les retenir ; et, au milieu de ces pleurs, les critiques plaisantes, qui parurent contre cette tragédie, faisaient rire, malgré eux, les plus sérieux et les plus zélés dé– fenseurs de Racine et d'Andromaque. Avec quel art le poète fait désirer de revoir et d'entendre une princesse au comble de l'infortune; une veuve toujours éplorée ; une mère toujours occupée de son fils, toujours en proie à sa douleur on s'attendrit, on pleure avec elle; on partage ses alarmes; on s'intéresse à son sort; on voudrait sauver à-la-fois Andromaque et son fils.

Le rôle d'Hermione paraît, avec raison, la plus étonnante création du génie de Racine. La Didon de Virgile,

qu'on pourrait citer, n'est qu'une amante abandonnée ; ce n'est point Hermione. Hermione est placée sans cesse, entre l'affront de se voir préférer une rivale, et l'espérance d'en triompher; elle passe continuellement de la joie à la douleur;elle est fière et vindicative;elle ordonne le meurtre de son amant, et finit par charger d'imprécations le meurtrier. Ce n'est pas-là Didon ; ce n'est pas l'ouvrage de Virgile ; c'est celui de Racine.

Lorsque cette pièce fut jouée, les plus grands seigneurs de la cour en disaient tout haut leur sentiment. Il revint à Racine qu'elle avait été frondée par le maréchal de Créqui et M. d'Olonne; il fit, à cette occasion, l'épigramme suivante, qu'il s'adresse à lui-même. Pour en bien entendre le sens, il faut savoir que le premier n'avait pas la réputation d'aimer trop les femmes ; et que le second n'avait pas lieu de se plaindre d'être trop aimé de la sienne. Voici l'épigramme:

La vraisemblance est choquée en ta pièce,
Si l'on en croit et d'Oloune et Créqui
Créqui dit que Pyrrhus aime trop sa maîtresse;
D'Olonne, qu'Andromaque aime trop sou mari.

Dans les répétitions, que Racine faisait faire de cette tragédie, il dit à Baron, qui jouait le rôle de Pyrrhus Pour vous, je n'ai point d'instructions à vous donner ; votre cœur vous en dira plus, que mes leçons n'en pourraient faire entendre.

:

La Champmêlé débuta par le rôle d'Hermione, dans Andromaque; Racine se défendit long-tems d'assister à ce début, craignant de voir défigurer son ouvrage; il céda cependant aux instances de ceux qui l'y entraînèrent. Ses craintes, sur le talent de la nouvelle actrice, parurent

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d'abord se confirmer. Champmêlé ne rendit que très-faiblement les deux premiers actes; mais elle se releva avec tant de force dans les trois derniers, elle y répandit tant de chaleur et de ce véritable enthousiasme, que donnent les passions,qu'elle fut applaudie avec fureur. La Désoillets, qui avait si bien réussi dans le rôle d'Hermione, lorsqu'Andromaque parut pour la première fois, fut témoin de ce succès. Il n'y a plus de Désœillets, disait-elle, en sortant de la comédie. Champmêlé ne parvint point cependant à l'égaler tout-à-fait ; ce qui faisait dire à Louis XIV, qu'il aurait fallu que la Désœillets jouât, dans cette pièce, les deux premiers actes, et la Champmêlé, les trois autres ; voulant faire sentir que celle-ci avait plus de feu, pour rendre les emportemens des personnages dans les derniers actes, et l'autre, plus de douceur et de finesse.

Les censures, que la tragédie d'Andromaque attirèrent à son auteur, l'obligèrent à se perfectionner de plus en plus; c'est ce qu'a voulu dire Despréaux, dans sa septième épître adressée à Racine:

Et peut-être ta plume, aux censeurs de Pyrrhus

Doit les plus nobles traits, dont tu peignis Burrhus.

Le comédien Montfleury fit de si grands efforts, pour représenter, dans Andromaqueles fureurs d'Oreste, qu'il tomba malade et en mourut. La Marianne de Tristan avait pareillement causé la mort à Mondory; ce qui a fait dire que désormais il n'y aurait plus de poëte, qui ne voulût avoir l'honneur de crever un comédien en sa vie.

Dans ce vers de Pyrrhus à Andromaque:

Madame, en l'embrassant, songez à le sauver.

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