Images de page
PDF
ePub

avait trop dit; et, pour posséder seul son secret, il fait empoisonner ce confident, qui, avant que d'expirer, le révèle à Hérode, ainsi que la fausse accusation, intentée contre son fils Alexandre. Ce roi désespéré n'aspire plus qu'à la mort. Il présente à Antipater un poignard, et le presse de le lui plonger dans le cœur. Celui-ci est sur le point de le prendre, lorsqu'un ami d'Alexandre arrive, et porte à Antipater lui-même le coup mortel, qui finit la tragédie.

Jamais pièce ne fut annoncée avec plus d'éclat dans le monde; on en parlait comme d'un prodige. Les anciens et les modernes allaient être éclipsés. On prodiguait les éloges les plus pompeux à l'auteur; on le promenait dans Paris comme en triomphe; c'était à qui aurait le mérite de le produire. Il ne pouvait suffire à réciter son ouvrage; tout le monde voulait l'entendre ; et tout le monde, après l'avoir entendu, le citait comme un chef-d'œuvre. Ce phénomène, qui ne brillait que, dans quelques maisons particulières, éclata enfin aux yeux du public, et disparut en un instant, comme ces feux légers, exhalés de la terre, où ils retombent avec précipitation. Tel fut le sort d'Antipater.

ANTISTROPHE. Ce mot est composé de la préposition ar, qui marque opposition ou alternative, et de Tpon, conversio. Ainsi strophe signifie stance ou vers, que le chœur chantait en se tournant à droite, ou du côté des spectateurs ; et l'antistrophe était la stance suivante, que ce même chœur chantait en se tournant à gauche. (Voyez CHŒUR, STROPHE, ÉPODE.)

[ocr errors]

ANTITHÈSE. Figure de rhétorique, qui consiste à opposer des pensées les unes aux autres, pour leur donner

plus de jour. Cette figure est ordinairement l'opposée du tragique: elle dégrade la noblesse d'un rôle, affaiblit le sentiment. On en voit un exemple dans ces beaux vers du beau rôle de Cornélie; elle parle à César :

Je t'avoûrai, pourtant, comme vraiment Romaine,
Que pour toi mon estime est égale à ma haine;
Que l'une et l'autre est juste, et montre le pouvoir,
L'une de ma vertu, l'autre de mon devoir;
Que l'une est généreuse, et l'autre, intéressée;

Et que,

dans mon esprit, l'une et l'autre est forcée.

On voit par ce morceau, combien l'antithèse peut gâter une idée, qui aurait été sublime, si elle eût été rendue plus simplement.

Dans le comique, l'antithèse est moins déplacée. Elle entre naturellement dans les portraits, dans les peintures vives, dans les réparties, etc. C'est que la comédie admet les contrastes marqués, dans les mots comme dans les choses; et que la tragédie les exclut presque toujours, dans les uns et dans les autres.

ANTOINE ET CLÉOPATRE, tragédie de Boistel,

1741.

Cette tragédie renferme quelques belles scènes, des pensées hardies, des expressions fortes, et de grands sentimens: mais le plan et la conduite de la pièce ne répondent pas à ses beautés de détails, D'ailleurs, le style est quelquefois négligé, et la diction, peu correcte.

ANTRE DE L'AVERNE (l'), opéra-comique en un acte, par Fuzelier et d'Orneval, à la Foire Saint-Laurent, 1728.

Dans une scène épisodique, où l'on expliquait tous les mystères de la brocante des marchands de tableaux, paraissait Raguenet, acteur forain, et fameux brocanteur, qui avait survendu un tableau à un riche seigneur.. Celuici s'en était aperçu; et, pour l'en punir, il lui avait fait perdre le prix convenu. Ce trait regardait un prince très-curieux de tableaux, que Raguenet avait effectivement trompé, et qui s'était contenté de la légère punition, d'obliger cet acteur à se jouer lui-même de cetto façon.

[ocr errors]

APARTÉ. C'est le nom qu'on donne à un discours, que tient un personnage, sans être entendu d'un autre, soit que cet autre l'aperçoive, soit qu'il ne l'aperçoive pas. Quoiqu'il y ait très-peu de cas, où, un homme puisse parler sans être entendu de son voisin, on a admis cette supposition, au théâtre, yu la difficulté qu'éprouverait un personnage de laisser voir ses véritables sentimens, dans des situations où il importe au public de les connaître. C'est la Mesnardière qui, dans sa poétique, a donné à ces discours le nom d'aparté, qui a passé dans la langue dramatique. De plusieurs volumes, que ce la Mesnardière a faits pour le théâtre, c'est le seul mot qui soit resté.

On trouve peu d'apartés chez les Grecs. Ils ne sont guères que d'un vers ou deux; encore 'sont-ils dans la bouche du chœur, qui les dit après qu'un acteur vient de parler, pour donner à l'autre le tems de méditer 'sa réponse, ou quand un acteur arrive sur le théâtre. Les Latins se sont moins asservis à cette règle. On trouve dans Plaute des apartés d'une longueur insupportable;

༞་་

mais Térence les fait beaucoup plus courts. Sénèque, le tragique, s'en est permis un de dix-sept vers.

[ocr errors]

L'art consiste à rendre l'aparté intéressant par la situation du personnage, qui laisse voir les mouvemens dont il est combattu, ou qui révèle quelque secret terrible. Dans la comédie, il faut s'en servir, pour produire des jeux de théâtre; comme lorsqu'un acteur fait, tout bas, en deux mots, une réflexion plaisante sur ce que l'autre dit tout haut, etc."

[ocr errors]

“,,,『,

Dans tous les cas, l'aparté est fort court; et il serait à souhaiter qu'il ne fut que d'un mot, parce que, dans l'exacté vérité, il nous peut échapper une parole, qui 'ne soit pas entendue de celui à qui nous parlons. Il est encore à propos, pour la vraisemblance, qu'un des personnages paraisse s'être aperçu que l'autre avait parlé, et hi demande de qu'il a dit; comme Harpagon qui fouille son valet,dans Avare de Molière. La Flèche dit tout bas: Ah! qu'un homme comme cela mériterait bien ce qu'il craint, et que j'aurais de joie à le voler!

[merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

Je dis que vous fouillez partout, pour voir si je

vous ai volé.

Si le besoin de la pièce fait durer l'aparté trop longtems, il faut que l'un des personnages s'étonne de la rêverie où l'autre est plongé, et paraisse inquiet de ce qui l'occupe.

Il y a des apartés très-naturels, et même nécessaires. Ce sont les discours que tient un acteur, tandis que l'autre lit une lettre, ou fait autre chose. C'est une des lois du théâtre, qu'il doit toujours y avoir quelqu'un qui parle. C'est un graad art de faire que l'aparté influe sur la pièce même, comme dans le Préjuge à la mode, où, tandis que Durval écrit un billet, qui va le réconcilier avec sa femme, son valet répète un rôle d'une comédie, où l'on ridiculise les maris amoureux de leurs femmes, et empêche ainsi la réconciliation.'

[ocr errors]

M. de Cailhava est de l'avis de Boileau, qui pensait que les apartés sont fort naturels ; il en nomme de différentes espèces, dont il a vu des exemples dans la société. C'est lorsqu'un homme fait à haute voix des complimens à un autre, ou lui dit tout bas des mots piPour faire sentir l'effet, que de pareils apartés pourraient produire, il rapporte l'histoire suivante :

quans.

Le comte de *** avait été la dupe d'une jeune actrice assez jolie; il jura de ne plus la voir que pour la persiffler, et tint parole. L'apercevant un jour au foyer de la comédie, il s'avance d'un air fort galant, et lui dit du ton le plus poli en apparence: en vérité, mademoiselle, vous êtes au mieux! mais oui, au mieux! on croit toujours vous voir pour la première fois. Comment faites-vous donc pour être si jolie? Quel coloris ! quelle fraicheur! cela n'a que quinze ans. Ensuite il lui dit tout bas: ah! coquine! Mais, monsieur, que pré

« PrécédentContinuer »