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ARGÉLIE, reine de Thessalie, tragédie d'Abeille,

1673.

Deux raisons puissantes rendent Argélie ennemie de sa sœur Ismène; elle ne peut lui pardonner qu'au préjudice du droit d'aînesse, le feu roi eût fait passer la couronne sur la tête de cette dernière, si une mort imprévue n'avait rompu ce dessein. Cette aversion est encore augmentée par la nouvelle récente, que cette même Ismène, l'objet de son injuste fureur, et qu'elle tient étroitement renfermée depuis deux ans, est en outre sa rivale. Sa haine devient alors si forte, qu'elle ne songe qu'aux moyens d'humilier cette sœur infortunée ; et que, dans le dessein de lui porter le coup mortel, elle aime mieux risquer de sacrifier son amant, que de manquer de perdre celui de sa sœur. Mais enfin, elle expie par sa mort ses injustices et ses cruautés; et le peuple reconnaît Ismène pour sa Souveraine.

Cette pièce donna lieu à une aventure singulière. Deux princesses parurent d'abord sur le théâtre ; la première ouvrit la scène par ce vers:

Vous souvient-il, ma sœur, du feu roi notre père ?

Malheureusement, la seconde actrice resta un peu de tems sans répondre. Un plaisant du parterre prit la parole, et dit tout haut:

Ma foi! s'il m'en souvient, il ne m'en souvient guère. Ce qui causa de si grands éclats de rire, qu'il ne fut pas possible aux comédiens de continuer.

ARGÉNIE, opéra-comique en trois actes, par Marignier, Pannard et Pontau, à la Foire Saint-Germain, 1729.

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Le sujet est tiré du Prince Déguisé, tragi-comédie,de Scudéry. On ne sait pas, disait un critique du tems, tout ce que nos auteurs du jour doivent aux la Calprenède, aux Mairet, aux Claveret, aux Rotrou, aux Chevreau aux Scudéry, pour la façon de leurs drames bourgeois, prétendus nouveaux, en prose et en ariettes. Ils s'habillent des lambeaux tragi-comiques de ces anciens auteurs, pour amuser ce siècle, plein de génie et de goût, à l'Opéra-Bouffon, et même à la Comédie-Française.

ARIANE, tragédie de Thomas Corneille, 1672.

Il est peu de rôles sur la scène, aussi intéressant que celui d'Ariane: Il le devint surtout, depuis qu'une grande actrice se le fut approprié. Mlle. Clairon a rendu cette pièce trop familière au public, pour qu'il soit nécessaire d'en retracer l'idée ; on ajoutera seulement qu'Ariane brille partout, aux dépens des autres personnages. Du reste, l'auteur a pris, dans ce poëme, un tòn naturel et convenable à l'expression du sentiment.

Thomas Corneille fit cetté tragédie en dix-sept jours, selon les uns, en quarante, selon d'autres. Il n'avait pas moins de facilité à travailler ses ouvrages de théâtre, que de mémoire pour les retenir; et tous ceux, qui l'ont connu particulièrement, ont été témoins que, lorsqu'il était prié de lire ses pièces dans quelque compagnie, ce qui était autrefois fort en usage, il les récitait mieux qu'aucun comédien n'aurait pu le faire. Il était si sûr de sa mémoire, que souvent il ne portait point l'ouvrage sur lui.

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Thésée, dégoûté d'Ariane, fait la cour à Phèdre sa sœur et lui propose de l'enlever. Phèdre, après une assez faible résistance, se rend aux empressemens de Thésée, en Jui remontrant, toutefois, que son enlèvement va mettre

le poignard dans le cœur de sa sœur, comme elle le dit dans ce vers détestable :

Je la tue et c'est vous qui me le faites faire.

Voilà, disait Boileau, qui donne beau jeu à tous les plaisans du parterre. Ah! pauvre Thomas, continuait-il, tes vers, comparés avec ceux de ton frère aîné, font bien voir que tu n'es qu'un cadet de Normandie.

La Champmêlé, dit madame de Sévigné, en parlant de cette actrice, qu'elle appelait souvent sa belle-fille, parce qu'elle était entretenue par le marquis de Sévigné, son fils, la Champmêlé est quelquefois si extraordinaire, qu'en votre vie vous n'avez rien vu de pareil; c'est la comédienne que l'on cherche, et non pas la comédie. J'ai vu Ariane pour elle seule. Cette tragédie est fade; tous les acteurs sont maudits; mais, quand la Champmêlé paraît, on entend un murmure; tout le monde est ravi et l'on pleure de son désespoir.

Le parterre redemanda cette pièce, lorsque d'Ancourt orateur de la troupe, s'avançait pour en annoncer une autre. d'Ancourt se trouva embarrassé; Ariane était le triomphe de Mlle. Duclos ; malheureusement elle était chargée d'un certain fardeau, qu'elle n'avait pas reçu des mains de l'hyménée, et qui touchait au terme prescrit par la nature. C'était cet état qu'il fallait apprendre au parterre, sans blesser la délicatesse de l'actrice, de laquelle l'orateur savait qu'il serait entendu, Lorsque le tumulte est appaisé, d'Ancourt s'avance, se répand en excuses et en complimens, cite une maladie de Mlle. Duclos, et, par un geste adroit, désigne le siége du mal. A l'instant, Mlle. Duclos, qui l'observe, s'élance rapidement des coulisses, vole sur les

bords du théâtre, appuie un soufflet sur la joue de l'orateur; et, se tournant vers le parterre avec le même feu, elle dit à demain Ariane.

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Mlle. Clairon, un jour, reçut un éloge bien flatteur; et, ce fut la sensibilité elle-même qui l'applaudit. Cette actrice jouait le rôle d'Ariane sur le théâtre d'une de nos provinces méridionales. Dans la scène, où cette princesse cherche, avec sa confidente, quelle peut être sa ri vale, à ce vers :

Est-ce Mégiste, Eglé, qui le rend infidèle ?

l'actrice vit un jeune homme qui, les yeux en pleurs, se penchait vers elle, et lui criait, d'une voix étouffée : c'est Phèdre! c'est Phèdre!

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ARIANE ABANDONNÉE, mélodrame, par M***, musique de M. Benda, aux Italiens, 1781.

Cette pièce est composée, comme la précédente, à l'imitation du Pygmalion de J. J. Rousseau. Au lever du rideau, on voit Ariane endormie sur un rocher; Thésée partagé entre la gloire et l'amour, vient contempler son amante dans les bras du sommeil. Mais il est forcé de céder enfin à l'impatience et aux menaces de son armée. Il part, le désespoir dans l'âme. Ariane se réveille; elle appelle Thésée. La nymphe des rochers qu'elle parcourt lui apprend son départ, et lui annonce qu'elle ne le verra plus. Un orage survient tout-à-coup, l'éclair brille, la foudre gronde. Ariane court de rochers en rochers; et enfin, désespérée, se jette dans les flots. La musique est pleine d'expression et de mouvement.

ARIANE DANS L'ISLE DE NAXOS, opéra en un

acte, paroles de M. Moline, musique d'Édelmann, à l'Opéra, 1782.

Il n'y a guère de situation plus dramatique, que celle d'une femme belle et tendre, abandonnée dans un désert par l'amant qu'elle adore, et pour qui elle a tout sacrifié. Soutenn par la force du sujet, Thomas Corneille s'est élevé au-dessus de lui-même, et nous a laissé, dans son Ariune, une des plus touchantes tragédies de notre théâtre. Un auteur allemand a imaginé de donner, à cette action, une forme nouvelle. A l'exemple du Pygmalion de J. J. Rousseau, il a fait un drame composé seulement de deux monologues; l'un de Thésée, qui, entraîné par les Grecs, s'arrache des bras d'Ariane endormie; l'autre d'Ariane, qui s'éveillant au moment du départ de son amant, se livre à tous les mouvemens de sa douleur et de son désespoir, et finit par se précipiter dans les flots. Dans ces deux monologues, les paroles étaient simplement déclamées par les acteurs : mais la déclamation était entrecoupée de silences, pendant lesquels des ritournelles et des traits d'orchestre exprimaient les mouvemens divers, et les sentimens contrastés, qui agitaient successivement l'âme des deux personnages. Il y a environ vingt-huit ans que ce drame a été traduit en français, et exécuté à la Comédie Italienne.

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M. Moline, en s'emparant de cette idée, lui a donné la forme dont elle était susceptible, c'est-à-dire, celle d'un opéra.

- ARIANE ET BACCHUS, tragédie-opéra, paroles de Saint-Jean, musique de Marais, 1696.

Au moment d'une représentation de cet opéra, un acteur tomba malade. On prit, pour le remplacer, un de es chanteurs subalternes, accoutumés à être sifflés, lors

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