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BAJAZET, tragédie de Racine, 1672.

La première scène de la tragédie de Bajazet détruisit l'accusation de quelques pédans, qui refusaient à Racine l'intelligence des règles du théâtre. Quelles lumières se répandent ici sur une action, qui s'est passée dans un pays, où les mœurs et les usages ont tant d'opposition avec les nôtres ! On croit n'entendre qu'Acomat et Osmin; et c'est le poëte qui trace le plan de la pièce, éclaircit son sujet, et met tout son art à n'en pas faire paraître.Aussi la critique n'eût-elle rien à opposer aux applaudissemens, què reçut cette tragédie

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Avant la première représentation de Bajazet, Racine avait destiné le rôle d'Atalide à mademoiselle Champmêlé, et celui de Roxane à mademoiselle d'Ennebaut. Dans la suite, il changea de sentiment, et trouva que cette dernière jouerait mieux Atalide, et mademoiselle Champmêlé Roxane. Enfin, après avoir repris et redonné les rôles, il' reyint à son premier avis.

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Quoique Racine ait suivi exactement l'histoire en bien des points, et qu'il se soit conformé, autant qu'il l'a l'ap a pu, aux usages des Turcs, le jugement de Corneille n'est pourtant pas sans fondement.On rapporte que ce grand poëte, assistant à la première représentation de Bajazet, dit à Ségrais, que les personnages de cette tragédie avaient, sous des habits turcs 50 des sentimens français. Je ne le dis qu'à vous, ajouta-t-il; d'autres croiraient que la jalousie me fait parler.

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Racine, dit madame de Sévigné à madame de Grignan, a fait une comédie, qui s'appelle Bajazet, et qui enlève la paille. Vräfement elle ne va pas empitando, comme les autres. M. de Tallard dit qu'elle est autant au-dessus des pièces de Corneille, que celles de Corneille sont au-dessus

de celles de Boyer. Voilà ce qui s'appelle louer. Il ne faut pas tenir la vérité captive: nous en jugerons par nos yeux et nos oreilles.

Nous avons été à Bajazet, disait encore madame de Sévigné à la même. Ma belle-fille nous a paru la plus miraculeusement, bonne comédienne, que j'aie jamais vue. Elle surpasse la Déscillets de cent mille piques; et moi, qu'on croit assez bonne pour le théâtre, je ne suis pas digne d'allumer les chandelles, quand elle paraît. Elle est laide de près; et je ne m'étonne pas que mon fils ait été suffoqué par sa présence. Mais, quand elle dit des vers, elle est adorable. Bajazet est beau ; j'y trouve quelque embarras sur la fin; et il y a bien de la passion, mais de la passion moins folle que celle de Bérénice. Je trouve pourtant, à° mon petit sens, qu'elle ne surpassera pas Andromaque.!!

Lorsque Bajazet fut imprimé, madame de Sévigné l'envoya à sa fille, en lui disant si je pouvais vous envoyer la Champmêlé, vous trouveriez la tragédie meilleuresTM car, sans elle, elle perd la moitié de son prix.

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On a prétendu que la mort de Monaldeski, que la reine Christine fit assassiner à Fontainebleau, après lui avõir” montré quelques lettres qu'il avait écrites, et lui avoir: reproché son infidélité, avait fait imaginer à Racine unes scène pareille, entre Roxane et Bajazete

Boileau disait que Racine avait, encore plus que lui le génie satyrique, et citait pour preuve, ces quatre vers” admirables de Bajazet :

C

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L'imbécille Ibrahim, sans craindre sa naissance, or tist

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Traine, exempt de péril, une éternelle enfance.

Iudigne également de vivre et de mourir

On l'abandonne aux mains, qui daignent le nourrir.

C

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BAL

BAL (le), ou LE BOURGEOIS DE FALAISE, comédie en ún acte, en vers, de Regnard, 1694.

Les historiens du Théâtre Français l'ont jugée trop sé vèrement. Cette pièce est d'un bon comique, et a tou jours réussi à ses reprises.

BALADIN, danseur, farceur, qui, en agissant, fait des postures de bas-comique. Ces sortes de rôles étaient fort en usage sur les Théâtres de France, aux quinzième et seizième siècles, et pendant la moitié du dix-septième. La comédie les a rejetés et abandonnés à la farce. Ces Baladins n'ont pas peu contribué à faire condamner la comédie par l'église, et par les personnes d'une humeur

austère.

BAL d'AUTEUIL (le), comédie en un acte, en prose, avec un prologue et un divertissement, par Boindin', aux Français, 1702,

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le

Cette pièce roule en partie sur des incidens et des aventures de Bal; mais au fonds, il s'agit de faire épouser Hortense à Éraste, préférablement à M. Vulpin, vieux garçon, à qui le frère d'Hortense l'a promise. Ce frère amoureux de sa femme, qu'il ne reconnaît pas squs masque, donne dans le piége qu'elle lui tend, et consent au mariage d'Éraste, qu'elle favorise. Le déguisement de Lucinde et de Ménine qui, réciproquement, se prennent pour ce qu'elles ne sont pas, donne lieu à quelques scènes piquantes, et à certains discours, peut-être un peu trop libres pour la comédie moderne. Au surplus, il règne dans le Bal d'Auteuil, beaucoup d'intérêt, d'enjouement et de vivacité.

Ff

Le roi fit faire, par le marquis de Gêvres, une répri mande aux comédiens, de ce qu'ils avaient joué cette pièce trop libre, qui fut interrompue après quelques représenta— tions. C'est depuis ce tems-là, dit-on, que les pièces de théâtre ont été soumises à un censeur, avant que d'être jouées.

BAL DE L'OPÉRA ( le ).

Voici des vers, qui le peignent avec des couleurs plus naturelles qu'agréables:

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Extrait des Fastes de Lemière.

La nature languit encor sous les frimats ;
Un ciel encore obscur attriste nos climats :
Nous n'avons ni Zéphir, ni Pomone, ni Flore;
Mais Hébé nous demeure, et sa sœur Terpsichore.
Pour elles, de Momus les grelots ont sonné:
Il ouvre, dans la nuit, son cirque illuminé,
Où le jeu des archets, sur la corde harmonique
Entretient, par ses sons, l'allégresse publique ;
Et, marquant la cadence entre ce peuple errant,
Saisit d'abord l'oreille, et nous flatte en entrant.
Quelle massé mouvante, et quelle ardeur commune?
Est-ce un peuple de fous, descendus de la lune?
On les prend, à les voir l'un l'autre se pressans,
Pour ce bataillon grec, qui tournait en tout sens,
Pour un visage humain, mille faces postiches,
Pagodes en vernis, ambulantes fétiches,

A

Sous de longs nez crochus, grimaces de carton,

Le plus jeune en vieillard, barbe blanche au menton
La plus jolie a pris la plus laide figure;

1.)
Bâton d'aveugle en main, Crésus est sous la bure.

Venise, vante moins les larves de tes jeux;

La politique y vient, et ce masque est facheux.

Vive le bal français ! jamais la gaîté folle
Ne souffre aucun intrus, dans son temple frivole
Un fausset d'étiquette, y déguisant la voix,

Ny permet qu'un langage, et sans suite et sans choix.
La liberté, l'amour, la feinte et la méprise
Sont les divinités de ce lieu de franchise.
La vanité se taît, la pudeur s'enhardit;
Lise, laisse échapper un mot, qui la trahit :
Ici, c'est un secret, qu'a surpris l'artifice;
Une vengeance, ailleurs, qu'on tire avec malice
;
Les intrigues partout, les sermens vrais ou faux,
Les ruses des amans. les piéges des rivaux;

A

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Même la jalousie a pris l'air de la joie.

Chacun avec ardeur se cherché, se coudoie,
Se quitte, se reprend dans ces lieux enchantés.
Damis passe, repasse, attaque vingt beautés,
Questionne, à travers le tourbillon qui' roule,
N'attend pas la réponse, et se perd dans la foule.
Agréable désordre, et passe-tems chéris,
Formés du bruit confus des danses et des ris,
Rapide enchantement de ce lieu de délices,
D'égalité, d'ivresse, et de joyeux, caprices.

I 49.

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BAL DE STRASBOURG (le), opéra-comique en un acte, par Favart, de la Garde et Laujeon, à la Foire Saint-Laurent, 1744.

Cette pièce, donnée à l'occasion du rétablissment de la santé de Louis XV, ne pouvait manquer, dans les circonstances, d'être fort agréablement reçue: mais, ce qui en fit le principal succès, ce fut le vaudeville touchant de la scène du courrier, dont les paroles et l'air sont de Favartet que toute l'assemblée chantait avec les acteurs. Il lui valut une députation des dames de la halle, avec un présent de fleurs et de fruits. l u

.

1

BALETTI (Joseph), dit MARIO, né à Munich, et mort en 1762. Il fut un des acteurs italiens, que Riccoboni amena à Paris, en 1716, lorsque le régent voulut rétablir la Comédie Italienne dans cette capitale; et, il y joua

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