Images de page
PDF
ePub

même temps, Alfred le Grand, en Angleterre. Des rois poëtes ne sont pas rares dans les tems, où il y a encore peu de civilisation. Ce calife eut un ministre, qui contribua beaucoup à la gloire de son règne, et qui fut très-fameux, surtout par sa disgrâce; c'est Giafar le Barmécide, né d'une famille, de tout tems célèbre dans l'Orient par sa générosité. Peu de gens ignorent ces vers d'un poëte Arabe, sur la disgrâce de Giafar:

Mortel, faible mortel, à qui le sort prospère
Fait goûter de ses dons les charmes dangereux;
Connais quelle est des rois la faveur passagère;
Contemple Barmécide, et tremble d'être heureux.

C'est dans cette disgrâce de Giafar, et dans le caractère généreux, que la tradition attribue à la famille des Barmécides, que La Harpe a puisé le sujet de sa pièce; elle eut du succès, et fut joué onze fois. On y trouve plusieurs vers dignes de Voltaire.

BARNEVELT, tragédie en cinq actes, par Lemière, aux Français, 1790.

Il s'agit, pour les Provinces-Unies, de continuer la trève avec l'Espagne, ou de lui déclarer la guerre. Barne→ velt veut la trève; mais des projets d'agrandissement portent le Stathouder à la guerre. Ne pouvant séduire Barnevelt, Maurice le fait arrêter, en l'accusant de trahison : bientôt le fils de ce vertueux magistrat cherche à le délivrer; inutiles efforts! Son projet est découvert, et soudain il est lui-même emprisonné. Enfin, après avoir une seconde fois essayé de corrompre Barnevelt, Maurice l'envoie au supplice. Cependant la trève est continuée, et cette cruauté. 'est, pour le Stathouder, qu'une vengeance inutile.

On trouve, dans cet ouvrage, un style ferme et quelques beaux vers. En voici la preuve :

Le fils de Barnevelt, pour engager son père à prévenir son supplice pár une mort volontaire, lui dit :

Caton se la donna...... Socrate l'attendit.

lui répond le vieillard. L'épouse de Barnevelt vient demander au Stathouder la grâce de son fils; Maurice lui dit:

M'avez-vous demandé celle de votre époux ?

Elle répond

11 était innocent......

Cette tragédie devait être donnée, le mercredi des Cendres de l'année 1766; mais l'ambassadeur de Hollande fit des représentations, qui empêchèrent la pièce d'être jouée. Il y avait d'ailleurs des morceaux, sur la tolérance des religions, qui n'auraient sûrement pas été approuvés par la police, et dont cette tragédie ne pouvait cependant point se passer, parce qu'ils étaient inhérens, et indispensable→ ment nécessaires au fonds du sujet.

BARO (Balthazar ), de l'Académie française, né à Valence, mourut en 1649. On a de lui quelques pièces de théâtre, qui ne sont pas sans mérite, On estime sur-tout sa Parthénie

BARON OU BOYRON, père du célèbre acteur de ce nom, avait aussi, dans un degré supérieur, le talent de la déclamation. Son genre de mort est remarquable: en fai

[ocr errors]

sant le rôle de Don Diegue dans le Cid, son épéo lui tomba des mains, comme la pièce l'exige; et, la repous sant du pied avec indignation, il en rencontra malheureusement la pointe, dont il eut le petit doigt piqué. Cette blessure fut d'abord traitée de bagatelle; mais la gangrène s'y mit; et, comme il fallait alors qu'on lui coupât lạ jambe, il ne le voulut jamais souffrir: Non, non, dit-il; un roi de théâtre se ferait huer avec une jambe de bois; et it aima mieux attendre doucement sa mort, qui arriva en 1655.

BARON (Michel), fils de Baron, marchand d'Issoudun qui se fit comédien, entra d'abord dans la troupe de la Raisin, et, quelque tems après, dans celle de Molière. Baron quitta le Théâtre, en 1696, par dégoût, ou par religion, avec une pension de trois mille livres, que le roi lui faisait, Il y remonta en 1720, âgé de soixante-huit ans ; et il fut aussi applaudi, malgré son grand âge, que dans șa première jeunesse. A ces vers de Cinna:

Vous eussiez vu leurs yeux s'enflammer de fureur;
Et, dans le même instant, par un effet contraire,
Leurs fronts pâlir d'horreur, et rougir de colère.

On le vit, dans la même minute, pâlir et rougir, comme le vers l'indiquait. On l'appela, d'une commune voix, le Roscius de son siècle. Il disait lui-même, dans ses enthousiasmes d'amour-propre, que tous les cent ans on voyait un César, mais qu'il en fallait deux mille pour produire un Baron. Un jour, son cocher et son laquais furent battus par ceux du marquis de Biron, avec lequel Baron vivait dans cette familiarité, que la plupart des jeunes seigneurs per-.

1

mettaient aux comédiens: M. le Marquis, lui dit-il, vos gens ont maltraité les miens; je vous en demande justice. Il revint plusieurs fois à la charge, en se servant des mêmes termes, de vos gens et des miens. M. de Biron, choqué du parallèle, lui répondit: mon pauvre Baron, que veux-tu que je te dise? Pourquoi as-tu des gens? On ajoute qu'il pensa refuser la pension que Louis XIV lui avait donnée, parce que l'ordonnance portait: payez au nommé Michel Boyron, dit Baron, etc. Cet acteur, né avec tous les dons de la nature, les avait perfectionnés par l'art: sa figure était noble, sa voix sonore, son geste naturel, son goût enfin sûr et exquis.

Baron prétendait que la force et le jeu de la déclamation étaient tels, que des sons tendres et tristes, transportés sur des paroles gaies et même comiques, n'en arra¬ chaient pas moins des larmes. On lui a vu faire plus d'une fois l'épreuve de cet effet surprenant, sur la chanson si

connue :

Si le roi n'avait donné
Paris, sa grand'ville, etc.

Baron, ainsi que les grands peintres et les grands poëtes, sentait bien que les règles de l'art n'étaient pas faites, pour rendre le génie esclave. Les règles, disait cet acteur sublime, défendent d'élever les bras au-dessus de la tête ; mais, si la passion les y porte, ils seront bien; la passion en sait plus que les règles.

Il n'entrait jamais sur la scène, qu'après s'être mis dans l'esprit, et dans le mouvement de son rôle. Il y avait telle pièce, où, au fond du théâtre, et derrière les coulisses, il se battait, pour ainsi dire, les flancs pour se passionner.

Il apostrophait, avec aigreur et injurieusement, tout ce qui se trouvait sous sa main, de valets et même de camarades de l'un et de l'autre sexe, jusqu'à ne point ménager les termes; et il appelait cela, respecter le parterre. Il ne se montrait en effet à lui, qu'avec je ne sais quelle altéra¬ tion de traits, et ces expressions muettes, qui étaient comme l'ébauche du caractère de ses différens personnages.

On reprochait à Baron, que, déclamant sur le théâtre, il tournait quelquefois le dos au parterre ; mais cela ne lui arrivait, que lorsqu'il entendait parler haut derrière lui: alors, il se tournait vers les personnes, leur déclamait les vers qu'il avait à dire, et par-là leur imposait silence. Lorsqu'il voulait faire honneur à des gens de distinction ou de mérite, il choisissait un des plus beaux endroits de la pièce, et le déclamait en les regardant.

Dans le Diable Boiteux, roman de le Sage, on lit un trait contre ce fameux comédien, qui estimait sa profession plus qu'elle ne vaut. Le Sage fait dire au démon : j'aperçois un histrion qui goûte, dans un profond sommeil, la douceur d'un songe qui le flatte agréablement. Cet acteur est si vieux, qu'il n'y a tête d'homme à Madrid, qui puisse dire l'avoir vu débuter. Il y a si long-tems qu'il paraît sur le théâtre, qu'il est, pour ainsi dire, théâtrifié. Il a du talent; et il en est si fier et si vain, qu'il s'imagine qu'un personnage, tel que lui, est au-dessus d'un homme. Savezvous ce que fait ce superbe héros de coulisse ? Il rêve qu'il se meurt, et qu'il voit toutes les divinités de l'Olympe as→ semblées, pour décider ce qu'elles doivent faire d'un mortel de són importance. Il entend Mercure, qui expose au conseil des dieux, que ce fameux comédien, après avoir eu l'honneur de représenter si souvent, sur la scène, Jupiter et les autres principaux Immortels, ne doit pas être

« PrécédentContinuer »