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La division d'une tragédie en actes paraît fondée ; mais est-il absolument nécessaire qu'elle soit en cinq actes, ni plus ni moins? Il paraît que le nombre des actes devrait être proportionné à la nature et à l'importance de l'action. Il vaudrait mieux la resserrer dans l'espace de trois ou quatre actes, que de filer des actes inutiles, embarrassés d'épisodes, ou surchargés d'incidens. M. de Voltaire nous a donné la Mort de César, qui, pour être en trois actes, n'en est pas moins une belle tragédie. Nous avons plusieurs comédies très-agréables en deux, en trois, et même en quatre actes.

On exige que les actes soient à-peu-près de la même durée. On avait abusé de cette règle, jusqu'à s'astreindro à ne pas faire entrer dans un acte deux vers de plus que dans un autre ; et Corneille, dans la préface de ses premières comédies, s'applaudit de cette exactitude. Il serait bien plus simple de demander que la durée d'un acte fût proportionnée à l'étendue de l'action qu'il embrasse ; et nos modernes paraissent avoir adopté cet usage.

Le premier acte d'un drame est peut-être le plus difficile. Il faut qu'il entame, qu'il marche, qu'il développe les caractères, qu'il expose le sujet, et surtout qu'il lie l'action. (Voyez EXPOSITION).

On a voulu qu'un même personnage ne rentrât pas sur la scène plusieurs fois dans le même acte. Cependant si, ce qu'il vient dire, il ne l'a pu dire quand il était sur la scène ; si ce qui le ramène s'est passé pendant son absence; s'il a laissé sur la scène celui qu'il y cherche; si celui-ci y est en effet; ou si, n'y étant pas, il ne le sait pas ailleurs; si le moment le demande; si son retour ajoute à l'intérêt ; en un mot, s'il reparaît dans l'action, comme il arrive tous

les jours dans la société, alors sa présence ne peut déplaire, et son retour devient même nécessaire.

Le premier acte doit contenir le fondement de toutes les actions, et fermer la porte à tout ce qu'on voudrait introduire d'ailleurs dans le reste du poëme. Il suffit cependant d'y annoncer les acteurs, qui agissent dans la pièce par quelque intérêt considérable.

Il est toujours dangereux, dit la Mothe, d'ouvrir le premier acte par un de ces grands tableaux qui multiplient les acteurs, et qui chargent le théâtre. Il est à craindre que, dans les actes suivans, le théâtre ne paraisse vide. On voit, par l'exemple de Brutus, que la difficulté n'est pas insurmontable: mais il faut être sûr de ses ressources, comme l'auteur de cet ouvrage.

Le poëte, selon Diderot, devrait tellement arranger son sujet, qu'il pût donner un titre à chacun de ses actes; et de même que, dans le poëme épique, on dit : la descente aux enfers, les jeux funèbres, le dénombrement de l'armée, on dirait, dans le dramatique, l'acte des soupçons, l'acte des fureurs, l'acte de la reconnaissance. Le caractère de l'acte fixé, le poëte serait obligé de le remplir. Chaque acte doit avoir, comme la pièce même, son exposition, son neud et son dénouement.

Le public aime assez que chaque acte se termine par quelque morceau brillant, qui enlève les applaudissemens. Il faut surtout que la fin de l'acte laisse le spectateur dans l'espérance ou dans la crainte, et dans l'impatience de voir la suite.

ACTE DE NAISSANCE, comédie en un acte et en prose, par Picard, au Théâtre de l'Impératrice, 1804. Une veuve surannée s'avise d'être amoureuse d'un jeune

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notaire, nommé Clairville, amant aimé de sa fille; celui-ci, pour ne pas déplaire à la vieille folle, se voit forcé de la laisser dans son erreur; mais bientôt, se trouvant seul avec sa maîtresse, il se jette à ses genoux. Il est surpris dans cette posture par la vieille, qui entre en fureur; alors M. Duboulay,. vieux procureur, chargé de suivre un procès d'où dépend sa fortune, arrive, et demande qu'elle exhibe son acte de naissance; il ne s'agit de rien moins que de savoir, si la vieille était majeure il y a vingt ans. Le fait est vrai; mais il faut en administrer la preuve. Muni de cet acte, M. Duboulay, qui lui fait sa cour depuis long-tems, lui déclare alors qu'il sera forcé de porter ce titre devant les tribunaux, et même de le faire imprimer : la vieille est au désespoir; il ne lui reste plus qu'un moyen, c'est d'épouser M. Duboulay, et de consentir au mariage de Clairville avec sa fille. Les deux mariages sont arrêtés, et la pièce finit-là.

L'auteur a voulu peindre le ridicule de la plupart des femmes, et même, il faut le dire à la honte de notre sexe, de beaucoup d'hommes, qui ont la faiblesse de cacher leur âge, comme si les rides et les cheveux blancs n'étaient pas des indices suffisans pour les démasquer. Le fond de cette petite pièce, comme on a pu le voir, est très-faible; mais l'auteur a su y répandre beaucoup de gaieté.

ACTE D'OPÉRA, partie d'un opéra, séparée d'une autre dans la représentation, par un espace de tems appelé entr'acte. L'unité de tems et de licu doit être aussi rigoureusement observée dans un acte d'opéra, que dans une tragédie entière.

Il n'est pas non plus permis de changer de décoration, et de faire sauter le théâtre d'un lieu à un autre, au mi

lieu d'un acté, même dans le genre merveilleux, parce qu'un pareil saut choque la raison, la vraisemblance, et détruit l'illusion, que la première loi est de favoriser en tout. Quelquefois le premier acte d'un opéra ne tient point à l'action, et alors on l'appelle prologue. (Voy. PROLOGUE.)

ACTES SACRAMENTAUX. Ce sont des drames saints, que l'on représente en Espagne dans certains tems de l'année, et particulièrement le jour de la Fête-Dieu. Ce sont des ouvrages allégoriques, qui traitent toujours des mystères de notre religion, mais sans avoir aucune ressemblance avec les drames d'Italie et de France, dans lesquels on représentait les mystères de la passion, ou quelqu'événement de la vie des martyrs. Don Pèdre Caldéron est regardé comme le meilleur des poètes qui ont travaillé en ce genre.

La forme de ces drames est toujours allégorique. On personnifie la mémoire, la volonté, l'entendement, le judaïsme, l'église, l'idolâtrie, l'apostasie, et jusqu'aux cinq sens du corps humain. Très-souvent, parmi de tels acteurs, il y a des personnages réels, et l'on n'oublie pas d'y mettre un acteur comique. L'action roule toujours sur les mystères de la religion, et principalement sur celui de l'Eucharistie, par lequel se termine le spectacle.

On ne sera peut-être pas fâché de connaître un de ces Actes Sacramentaux. Voici un de ceux qu'on représente le plus fréquemment en Espagne. Il est du fameux Caldéron,et a pour titre: L'Auto Sacramental de las plantas. Les acteurs sont : l'Epine, le Mûrier, le Cèdre, l'Amandier, le Chêne, l'Olivier, l'Epi, la Vigne et le Laurier. Deux anges entrent sur le théâtre, et, adressant la parole à toutes les plantes, ils leur déclarent qu'une d'entr'elles

doit produire un fruit doux et admirable. Ils les invitent à un combat divin, pour mériter une couronne qu'un de ces anges tient à la main, et qu'il va attacher à un côté du théâtre. Ils leur donnent la faculté de parler, et ils s'en vont. Les arbres parlent, et sont dans l'admiration.

Le Cèdre arrive avec un bâton à la main, en forme de croix. Tous les autres interlocuteurs sont aussi surpris de le voir, que s'ils ne l'eussent jamais vu. Le Cèdre fait un long discours allégorique sur la création du monde, de l'homme, des animaux et des végétaux. Il leur dit que, puisque les animaux qui habitent la mer, la terre et les airs, connaissent un roi, les arbres en doivent avoir un aussi. Il ajoute qu'il ne se vante point de mériter cette prééminence, mais qu'il sera le juge de celui qui la méritera, et il sort.

Les plantes, qui restent sur la scène, sont choquées qu'un arbre étranger s'arroge le droit d'être leur arbitre; elles font valoir les 'attributs que les hommes leur accordent, et par lesquels chacune prétend l'emporter sur les autres.

Dans une scène qui suit, le Cèdre propose à chaque plante de donner un placet et de déduire leurs titres; ce qui s'exécute. Ensuite reparaît le Cèdre, tenant devant lui une croix, dont les bras sont entrelacés de feuilles de cèdre, de cyprès et de palmier. Les plantes se partagent pour et contre la prétendue violence que le Cèdre leur fait, en se nommant leur arbitre. L'Epine éclate de colère, lui demande qui il est, et, sur ce qu'il refuse même de dire son nom, elle s'irrite et dit qu'elle seule suffira pour arracher et détruire un arbre qui n'est point connu dans le pays, et qui veut le tyranniser. Elle s'approche de lui et l'embrasse le Cèdre s'écrie qu'elle lui, déchire le corps. En cet instant on voit du sang sortir de la croix : toutes

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