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1636 langue. Mais il ne nous reste de la traduction de 1641. Hesnaut que l'invocation à Vénus, et de celle de Poquelin, qu'un passage du quatrième livre sur l'aveuglement de l'amour, passage qu'il a adroitement introduit dans le Misanthrope1?

La réputation des élèves et du maître donna à un jeune homme, alors aussi redoutable dans les collèges par son insubordination qu'il le fut depuis dans le monde par son humeur guerroyante, un désir ardent d'être admis à ces cours. Ce nouveau condisciple était Cirano de Bergerac. Son père, après avoir confié sa première éducation à un curé de campagne, l'avait fait entrer au collège de Beauvais, dont il mit depuis le principal en scène dans son Pédant joué. Chassé de cet établissement, et venu à Paris pour terminer ses études, Cirano parvint à se faire admettre parmi les disciples de Gassendi. Sa mémoire et son intelligence le firent profiter en peu de temps des leçons de celui-ci et de la fréquentation de ceux-là. Comme nous aurons peu d'occasions de nous occuper de nouveau de ce camarade de notre auteur, nous croyons devoir dire ici qu'ils se perdirent tout-à-fait de vue, et que Cirano entra peu après au service, où il acquit un grand renom comme férailleur. La Monnoye prétend, dans le Ménagiana «que son nez, qu'il avait tout défi

1. Le Misanthrope, actc II, sc. 5.

à

guré, lui avait fait tuer plus de dix personnes, 1636 » parce qu'il fallait mettre l'épée à la main aus- 1641. >> sitôt qu'on l'avait regardé. » Il était d'un esprit original et avait des saillies très-piquantes. Sa comédie du Pédant joué obtint assez long-temps les applaudissemens du public; mais elle n'a guère d'autre mérite que celui d'avoir fourni deux scènes aux Fourberies de Scapin. Molière disait à ce sujet, qu'il prenait son bien où il le trouvait' (12): en effet, de tels larcins sont permis au génie qui recrée, pour ainsi dire, ce qu'il emprunte.

.

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Le jeune Poquelin eut à peine terminé son 1641 cours de philosophie, qu'en sa qualité de survi- 1645. vancier de l'emploi de valet-de-chambre du Roi, il fut obligé, en 1641, de suivre Louis XIII dans son voyage à Narbonne, pour remplacer son père, que ses affaires ou peut-être des infirmités retenaient à Paris (13). Ce voyage, dont la durée fut de près d'un an, lui fournit l'occasion de saisir les ridicules des provinces, et d'étudier les mœurs de la cour et des gouvernans. Perpi

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1. Grimarest, p. 14.- Ménagiana, édit. de 1715, tom. III, p. 240.-Memoires sur la vie et les ouvrages de Molière, p. xix.Histoire du Théâtre français (par les frères Parfait), tom. X, P. 70, et tom. VII, p. 390 et suiv. Petitot, p. 2.

2. Grimarest, p. 14.— Voltaire, Vie de Molière, 1739, p. 6.— Mémoires sur la vie et les ouvrages de Molière, p. xviij.- Petitot, P. 4.

1641

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gnan repris sur les Espagnols; les jeunes et trop 1645. malheureux Cinq-Mars et de Thou, victimes de leur fougue imprudente et de l'inflexibilité cruelle du cardinal de Richelieu; ce ministre presque mourant, ayant à lutter tout à la fois contre le courage de l'Espagnol, l'audace des mécontens et la pusillanimité du Roi; telles furent les scènes pleines de mouvement et d'intérêt qui se passèrent sous les yeux du jeune observateur.

A son retour du midi de la France, Poquelin se livra à l'étude du droit; c'est du moins ce qu'attestent plusieurs écrivains. Grimarest a dit : « On s'étonnera peut-être que je n'aie point fait » M. de Molière avocat; mais ce fait m'avait été >> absolument contesté par des personnes que je » devais supposer savoir mieux la vérité que le » public, et je devais me rendre à leurs bonnes » raisons. Cependant sa famille m'a si positivement » assuré du contraire, que je me crois obligé de » dire que Molière fit son droit avec un de ses camarades d'étude; que, dans le temps qu'il se fit >> recevoir avocat, ce camarade se fit comédien; l'un et l'autre eurent du succès chacun dans » sa profession; et qu'enfin lorsqu'il prit fantaisie » à Molière de quitter le barreau pour monter sur » le théâtre, son camarade le comédien se fit avo» cat. Cette double cascade m'a paru assez singu>> lière pour la donner au public telle qu'on me l'a

» que

> assurée, comme une particularité qui prouve 1641 » que Molière a été avocat. »

Il n'y a probablement de faux dans ce passage que la double cascade, singulière aux yeux mêmes de Grimarest, qui ordinairement s'effrayait peu de l'invraisemblance de ses récits. Quant à l'étude du droit, il est à peu près constant que le jeune Poquelin s'y est livré. Il paraît même qu'il suivit les cours de l'école d'Orléans, et qu'il revint à Paris se faire recevoir avocat. Voilà du moins ce qu'on lit dans une mauvaise comédie de Le Boulanger de Chalussay, Élomire' hypocondre, ou les Médecins vengés, qui parut en 1670. Ce témoignage et celui d'un autre contemporain, l'acteur La Grange qui fit partie de la troupe de Molière, concordant avec ce qu'on affirma plus tard à Grimarest, nous portent à ne pas douter que Poquelin n'ait étudié pour être avocat, et n'ait été reçu en cette qualité (14). Nous n'accordons pas une égale confiance à l'assertion isolée de Tallemant des Réaux, reproduite par M. Walckenaer dans son Histoire de la vie et des

1.

2.

Élomire,

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anagramme de Molière. Élomire hypocondre, ou les Médecins vengés, par Le Boulanger de Chalussay, Paris, 1670. Préface de l'édition des OEuvres de Molière, Paris, 1682 (par La Grange). — Grimarest, p. 312. — Bayle, Dictionnaire historique et critique, art. POQUELIN. Mémoires sur la vie et les ouvrages de Molière »

p. xviij.

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1645.

1641

à

ouvrages de La Fontaine, qui tendrait à persuader 1645. que notre premier comique, « destiné par ses pa>> rens à l'état ecclésiastique, étudia avec succès la

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1

théologie; mais que, devenu amoureux de la » Béjart, alors actrice dans une troupe de cam>>pagne, il quitta les bancs de la Sorbonne pour » la suivre 1 (15). » Nous voyons moins de vraisemblance que de singularité dans cette historiette. Elle donnerait à Poquelin un point de ressemblance avec La Fontaine et Diderot, qui tous deux se trompèrent assez étrangement sur leur caractère et la disposition de leur esprit, pour entrer dans leur adolescence, l'un à l'Oratoire, l'autre aux Jésuites, avec les intentions que Tallemant des Réaux prête à notre auteur. Mais comment Tallemant se trouve-t-il seul instruit de cette particularité? Ne sont-ce pas plutôt les études que Poquelin fit chez les Jésuites, recevant tous les jours des enfans destinés à rester laïcs, qui auront donné lieu à cette erreur bien évidente, puisque ses parens, loin de vouloir le consacrer à l'exercice du culte, l'avaient fait admettre dans la survivance de la charge de valet-de-chambre du Roi?

1. Tallemant des Réaux, Mémoires manuscrits, faisant partie de la bibliothèque de M. de Monmerqué. — Histoire de la vie et des ouvrages de La Fontaine, par M. Walckenaer, troisième édit., p. 73.-OEuvres de La Fontaine, in-8°, Lefèvre, 1823, t. VI, p. 50g, note 2.

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