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veuvage,

1670. condition et partit. Mais à son arrivée à Florence, il reçut un accueil auquel il ne s'attendait guère. Sa femme, qui avait goûté tous les charmes du lui fit une réception à le dégoûter de rester long-temps près d'elle. Comme elle s'était emparée des capitaux qu'il avait amassés, il fut forcé, pour vivre, de reprendre son métier de farceur. Après avoir parcouru pendant quelque temps l'Italie, il fit solliciter le Roi de France de l'autoriser à rentrer. Ce prince, malgré ses anciennes menaces, y consentit. La ville désapprouva fort cette condescendance; mais elle s'empressa néanmoins de courir en masse aux représentations de ce nouvel enfant prodigue. M. Jourdain eut seul le talent de la ramener au Palais-Royal'.

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La troupe de Molière avait repris en 1660 une ancienne comédie intitulée Don Quichotte ou les Enchantemens de Merlin, arrangée par mademoiselle Madeleine Béjart'. Cette pièce, grace à l'intérêt que la belle-sœur de Molière avait à ce qu'on la jouât souvent, était restée au répertoire. L'auteur du Tartuffe et du Misanthrope y remplissait le rôle de Sancho. Un jour, qu'on la représentait, c'était en 1670, comme il

1. Grimarest, p. 125 et suiv. OEuvres de Molière, édition donnée par M. Aimé-Martin, tom. I, p. Ixxxviij, note. 2. Dissertation sur Molière, par M. Beffara, p. 21.

devait paraître sur son âne, il se mit dans la 1670. coulisse pour ne pas se faire attendre, et pour saisir le moment où il fallait entrer en scène.

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Mais l'âne, qui ne savait pas son rôle par cœur, » dit Grimarest, n'observa point ce moment; et » dès qu'il fut dans la coulisse, il voulut entrer, quelques efforts que Molière employât pour qu'il n'en fît rien. Il tirait le licou de toute sa force; l'âne n'obéissait point et voulait paraître. » Molière appelait, Baron! La Forêt! à moi; ce » maudit âne veut entrer!... Cette femme était » dans la coulisse opposée, d'où elle ne pouvait » passer par-dessus le théâtre pour arrêter l'âne; » et elle riait de tout son cœur de voir son maître » renversé sur le derrière de cet animal, tant il » mettait de force à tirer son licou pour le re>> tenir. Enfin destitué de tout secours et désespérant de pouvoir vaincre l'opiniâtreté de » son âne, il prit le parti de se retenir aux ailes » dụ théâtre et de laisser glisser l'animal entre » ses jambes pour aller faire telle scène qu'il jugerait à propos. Quand on fait réflexion au ca» ractère d'esprit de Molière, à la gravité de sa >> conversation, il est risible que ce philosophe >> fut exposé à de pareilles aventures et prit sur >> lui les personnages les plus comiques'. »

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1. Grimarest, p. 140 et suiv. OEuvres de Molière, édition donnée par M. Aimé-Martin, t. xciv, et note.

1671.

Il fut encore chargé de composer une pièce à grand spectacle pour les fêtes du carnaval de 1671. Il songea à la fable de Psyché qui appartient à l'antiquité, et que La Fontaine en 1669 avait naturalisée dans notre littérature en rajeunissant et en adaptant à nos goûts des fictions surannées. Mais voyant arriver le terme qu'on lui avait assigné et n'ayant encore mis que la première main à son ouvrage, il prit le parti de s'adjoindre deux collaborateurs, Corneille et Quinault, qui travaillèrent sur le plan qu'il avait entièrement tracé. Il ne composa que le prologue, le premier acte et les premières scènes du second et du troisième. Corneille, dont la modeste complaisance en cette occasion dément sa prétendue inimitié contre Molière, fit le surplus, et à soixante-cinq ans retrouva toute la vigueur, tout le feu de sa jeunesse, pour écrire la scène brulante de la déclaration de Psyché à l'Amour. Quant à Quinault, il se chargea d'entremêler chaque

acte

. de lieux communs de morale lubrique,

c'est-à-dire qu'il laissa échapper de sa plume les intermèdes de cette pièce à l'exception du premier, qui est de Lulli, semblant prendre à tâche de justifier d'avance, dans ces compositions éphémères, l'arrêt que Boileau devait un jour si

injustement étendre jusqu'à ses opéra. Enfin le 1671. cygne de Florence, Lulli mit en musique ce poëme qui fut soumis au jugement de la cour, en janvier 1671, sur le théâtre des Tuileries, et à celui de la ville, le 24 juillet suivant sur le théâtre du Palais-Royal'.

On conçoit facilement le succès que dut avoir une pièce qui à l'intérêt même du sujet et à celui qu'inspiraient les noms de ses auteurs, joignait encore toute la féerie des arts, offrait aux yeux les tableaux les plus magiques des enfers, de la terre et des cieux. Aussi d'augustes et d'unanimes suffrages à la cour, et trente-deux recettes productives à la ville, furent-ils la récompense de cette importante association lit

téraire.

La chronique prétend que la représentation de cet ouvrage fut pour l'honneur marital de Molière un écueil nouveau, et d'autant plus affreux qu'il y était poussé par celui qu'il avait toujours traité comme son fils. « Tant que made» moiselle Molière avait demeuré avec son mari, >> dit l'auteur de la Fameuse comédienne, elle >> avait hai Baron comme un petit étourdi qui les > mettait fort souvent mal ensemble par ses rap

»

1. Voir notre édition des OEuvres de Molière, t. VII, p. 310, note.

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67. »ports; et, comme la haine aveugle aussi-bien que » les autres passions, la sienne l'avait empêchée » de le trouver joli. Mais quand ils n'eurent plus » d'intérêts à démêler et qu'elle lui eut entière>>ment abandonné la place, elle commença à le regarder sans prévention, et trouva qu'elle en » pouvait faire un amusement agréable. La pièce » de Psyché, que l'on jouait alors, seconda heu>> reusement ses desseins et donna naissance à » leur amour. La Molière représentait Psyché à » charmer, et Baron, dont le personnage était » l'Amour, y enlevait les cœurs de tous les spec>> tateurs les louanges communes qu'on leur donnait, les obligèrent de s'examiner de leur côté avec plus d'attention et même avec quel» que sorte de plaisir. Baron n'est pas cruel; il » se fut à peine aperçu du changement qui s'était >> fait dans le cœur de la Molière en sa faveur, qu'il » y répondit aussitôt. Il fut le premier qui rompit » le silence par le compliment qu'il lui fit sur le >> bonheur qu'il avait d'avoir été choisi pour re» présenter son amant; qu'il devait l'approbation » du public à cet heureux hasard; qu'il n'était » pas difficile de jouer un personnage que l'on → sentait naturellement, qu'il serait toujours le meilleur acteur du monde, si l'on disposait les >> choses de la même manière. La Molière répondit que les louanges que l'on donnait à un

>>

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